Jouer à chat ( Chat Noir)[clos]

Maintenant que plusieurs résidents avaient découverts la serre, je ne me sentais plus oubliée de tous. Je décidais donc de bouger de ma tanière. Où pourrais-je bien aller ? L’aquarium ? Non, je n’avais pas envie. La salle de torture ? Trop de mauvaises ondes. Le bureau du Lord ? Aucun intérêt. Le lieu de culte ? Le voir se faire passer pour une divinité était à mourir de rire, bien qu’il ait largement les pouvoirs pour s’attribuer le rôle, mais je n’avais pas envie de ça aujourd’hui. J’avais cru entendre ci et là que des résidents s’activaient pour retrouver un spectre qui était à la base dans un des couloirs.

Puisque sa place était disponible, je me dis que j’aurais bien pu y faire un petit tour. Je me rendis donc sur place et observais un petit hôtel de bougie. Visiblement, quelqu’un avait voulu rendre hommage à quelqu’un. Peut-être à la pauvre fille qui ne savait pas se taire ni se faire discrète ? Je ne saurai le dire. En tout cas je trouvais ça gentil de lui porter un hommage. Chaque combattants tombés mérités d’être remerciés et honorés. Penser à cela me donna l’envie de réaliser à mon tour un hommage.

Je cherchais un moment et trouvais, caché, une toile vierge et tout ce qu’il faut pour peindre. J’en profitais alors pour réaliser un tableau très réaliste d’Esther. Ce n’était pas peu dire que c’était ressemblant. J’étais une artiste digne de ce nom, bien plus que l’était Marie. J’avais réalisé pas mal de peintures et sculptures de cet hôtel et était assez satisfaite de leur rendu. D’ailleurs, les résidents semblaient les apprécier également.

Je laissais sécher ma toile et la mit en face des bougies, pour la sublimer. C’était beau, on aurait vraiment dit un mémorial comme cela. Je posais ma main sur le côté de ma toile, murmurant :

“ Repose en paix. ”

Mon chat noir, Tigrou, miaula comme pour approuver mes propos. Nos deux silhouettes étaient, comme d’habitude, transparentes et nous ne pouvions être touchés. Banal pour des spectres, me direz-vous. Je ne vous contredirai pas puisque vous avez votre réponse.

J’entendis quelqu’un approcher au loin. Je me mis rapidement contre un mur et jouais avec Tigrou, histoire de faire semblant d’être aussi débile que les autres spectres. Faisons semblant de ne rien entendre, de ne rien voir. Nous verrons bien qui est là et ce que cette personne fera. J’étais toujours curieuse de voir de nouvelles personnes. Ça faisait un moment que je ne m’étais mêlée aux résidents.

Chat Noir n’avait toujours pas trouvé Marie, ni la clé qui permettrait d’ouvrir la porte dont elle lui avait révélé l’existence, dissimulée derrière une étagère de la bibliothèque. Quelle déveine ! Et quand bien même trouverait-il cette clé, retrouverait-il aussitôt Marie ou bien aurait-il d’autres énigmes ou objets à découvrir à nouveau avant d’y parvenir ? C’était sans fin. Il était rongé entre le devoir de retrouver Marie et de s’assurer qu’elle allait bien et celui de libérer le Lord de l’emprise de Beast, mais dans les deux cas, il avait le sentiment de tourner en rond. Et s’il n’y parvenait pas ou pas attend ? Qu’adviendrait-il du Lord ? Qu’adviendrait-il des résidents ? Se feraient-ils dévorer comme le disait la légende que lui avait rapportée Marie ? Avait-ce d’ailleurs été le cas d’Esther, ce fameux soir où les portes de l’hôtel avaient été ouvertes ? Chat Noir n’était pas certains de vouloir le savoir au fond… Il n’aimait pas trop se poser de questions qui étaient souvent causes de tourments. Surtout lorsqu’elles restaient sans réponses ou que leurs réponses n’étaient pas satisfaisantes. Chat Noir serait-il à la hauteur ? Pouvait-il seulement prétendre pouvoir sauver qui que ce soit, à plus forte raison le Lord ? N’en avait-il pas été incapable en tant qu’ange ? Pourquoi le serait-il d’avantage à présent ? Contrairement à ce qu’il laissait paraitre, Chat Noir manquait cruellement de confiance en lui. Derrière son costume, il avait le sentiment de pouvoir dissimuler ses faiblesses et être le fidèle serviteur du Lord qu’il souhaitait être. S’il arrivait malheur au Lord, que lui resterait-il ? Cette perspective était inenvisageable pour lui, alors il ferait de son mieux pour sauver le Lord, quoiqu’il advienne. Chat Noir avait conscience qu’il agissait aussi un peu par égoïsme et bien qu’il s’en voulait un peu pour cela aussi, il s’efforçait de relativiser. Au fond, tout le monde était bien un peu égoïste après tout.

Le démon arriva à l’ancien repère de la Dame Rouge. Il était venu ici dans l’espoir d’y trouver un indice qui lui permettrait de trouver cette fameuse clé qui lui permettra d’ouvrir la porte secrète de la bibliothèque. Malgré ses doutes, ses questionnements, ses craintes et ses découragements, Chat Noir n’avait pas l’intention d’abandonner. Quoi qu’il arrive, il n’abandonnerait ni Marie, ni le Lord. Il ne pouvait plus prier Era comme il le faisait autrefois, alors pour se redonner du courage, il invoquait simplement la chance dans l’espoir d’y arriver. C’était probablement futile et totalement inutile, mais ça lui redonnait un peu de courage et ça lui faisait du bien.

A sa grande surprise, il aperçut un spectre qu’il ne connaissait pas qui se recueillait sur un portrait qu’il découvrait pour la première fois et devant lequel étaient allumées des bougies.

- Bonsoir ! Salua poliment Chat Noir.

Il n’avait pas pris son ton enjoué habituel, conscient de l’importance du recueillement. Toutefois, il ne voulait pas surprendre l’esprit par sa présence en ne s’annonçant pas. Il s’approcha et observa le portrait. Il lui sembla reconnaître la souris curieuse qui avait tenté de forcer la serrure du bureau du Lord et qu’il avait dénoncée. Il blêmit. Il ne l’avait plus revue. Il avait cru que le Lord avait accédé à sa requête et lui avait permis de sortir de l’hôtel, s’était-il trompé ?

L’humain qui arriva fut poli, il me salua. Je le fis attendre quelques instants, jouant avec Tigrou avant de faire mine de le remarquer. Je le dévisageais - enfin de ce que je pus voir. Faisant ma curieuse, j’approchais de lui et collais presque mon nez fantomatique au sien. Mes yeux semblèrent vouloir mémoriser jusqu’au moindre détail ce qu’il exposait. Que les gens étaient amusants à se déguiser et à se cacher derrière les masques. Franchement, ça me plaisait énormément. Lui et moi, on était un peu pareil d’une certaine façon. Chacun avait son masque. Je lui souris malicieusement et clignais des yeux.

“ Bonsoir vengeur masqué. ”

Je détaillais désormais sa tenue, lui tournant autour sans la moindre gêne. Tigrou en faisait de même. Je mis ma main sur mes lèvres et lui dis d’un air amusé :

“ Mais quel superbe costume. C’est bien la première fois que je vois un garçon porter un costume de chat. Souvent, ce sont les femmes qui portent cela. Alors, comment on t’appelle ? Catmen ? Wondercat ? Oh non, je sais, Chatpristi ? Chatmallow grillé ? Salem ? ”

Voyant que je n’avais pas trouvé son surnom, j’ajoutais avec malice :

“ Allez, je donne ma langue au chat. Dis-moi ce que tu as choisi ? ”

Mon humour pouvait être douteux mais je m’en fichais. S’il n’appréciait pas, il n’avait qu’à ne pas s’habiller en chat. J’adorais faire des jeux de mots pour m’amuser.

Tigrou tournait autour de notre visiteur tandis que je repensais à la tête qu’il avait fait en voyant mon tableau. Je lui montrais alors l’oeuvre.

“ Dis, avant que j’oublie,...” Décidément, je ne le laissais pas placer plus de quelques mots, le pauvre.

“... tu regardais mon tableau d’un drôle d’air mon minou ? C’est moi qui l’ai peint en l’honneur de la petite curieuse. Au fond, elle n’était pas bien méchante. Qu’est-ce qui te chagrine ? Qu’elle soit morte ou que ce ne soit pas assez réussi ? ”

Je me posais vraiment la question, étant assez exigeante envers moi-même. J’étais douée mais il ne fallait jamais baisser sa garde et toujours chercher la perfection. Enfin, je le laissais parler et Tigrou ronronnait contre lui. Je suppose qu’il l’aimait bien.

L’esprit le salua en le qualifiant de vengeur masqué. Pourquoi « vengeur » ? Chat Noir garda cependant sa question pour lui, la jeune femme s’approcha de lui et colla presque son visage au sien, en le regardant droit dans les yeux. Chat Noir fut surpris, plus qu’autre chose, elle le compliment ensuite sur son costume tout en l’examinant sous tous les angles. Elle fit remarquer que le plus souvent, c’étaient les femmes qui portaient des costumes de chats. Elle demanda ensuite comment on l’appelait et fit tout un tas de suggestions. Chat Noir sourit, amusé par ces dernières, certaines étaient vraiment bien trouvées et il ne put s’empêcher de rire doucement.

Elle finit par donner sa langue au chat et lui demanda donc comment on l’appelait.

- Rien d’aussi original, on m’appelle Chat Noir. Mais je regretterais presque de ne pas m’être fait appeler « Chatmallow ! » Ajouta-t-il en riant doucement.

- Dis, avant que j’oublie…
- Oui ?

Elle fit remarquer qu’il regardait son tableau d’un drôle d’air et demanda ce qui le chagrinait : que celle qu’il représentait soit morte ou le fait que le tableau ne soit pas suffisamment réussi. Le sourire de Chat Noir disparu et il secoua doucement la tête de droite à gauche :

- Non, le tableau est magnifique. C’est juste que je me souviens avoir vu cette personne, elle essayait de forcer la serrure du bureau du Lord et j’avais réussi à lui obtenir un entretien avec lui parce que ça lui tenait à cœur. Je pensais qu’elle avait quitté l’hôtel. Je me suis trompé…

Chat Noir détailla l’œuvre sans rien ajouter d’autre. Il remarqua un chat qui n’était pas Misty et se désintéressa du tableau pour se concentrer sur le félin.

- Coucou toi ! Dit-il en se penchant sur le petit animal en faisant mine de le caresser, veillant à ce que sa main ne passe pas au travers du petit corps fantomatique.

Son appellation était Chat Noir, rien de bien original, il le reconnut et regretta presque de ne pas avoir adopté le surnom "Chatmallow". J'étais ravie de constater qu'il avait le même humour que moi et que ma proposition lui avait plu. Je ris avec lui avant de rebondir sur ma réflexion qui lui fit de nouveau perdre le sourire. Il me rassura sur le fait que le tableau était magnifique - ça faisait toujours plaisir de l'entendre - mais ajouta avoir vu cette personne et avoir organisé un entretien avec elle et le Lord. Il avait pensé jusqu'ici qu'elle avait quitté l'hôtel mais réalisait qu'il s'était trompé. Je compatissais à son chagrin, sincèrement. Voir des résidents mourir, qu'ils soient stupides ou non, était un drame bien que celui-ci soit nécessaire pour rétablir les choses telles qu'elles avaient été et devraient être.

Je le vis saluer Tigrou, je souris tout en essayant de la réconforter :

"C'est malheureux effectivement mais elle a cherché son malheur. Chacun sait que le Lord n'est pas du genre à pardonner la curiosité mal placée. Si ce n'était pas toi, le Lord l'aurait sans doute trouvée dans sa chambre. "

Il avait faim, pauvre loulou... Si en plus elle le provoquait, quoi d'autre aurait-il pu se produire ? Tigrou miaula comme pour approuver.

" Les choses ne vont pas aller en s'améliorant, il faut te préparer à vivre d'autres pertes. "

Je sentais que je plombais un peu l'ambiance. J'essayais donc de changer de sujet.

" Mais parlons de choses plus sympathiques. Dis-moi, toi qui a de bon goût en terme d'humour et d'art, que penses-tu de l'esthétique globale de l'hôtel ? Ses peintures et sculptures ? "

Quoi, ça genre de question n'est pas très utile ? Pour moi si. Il semblait avoir du goût concernant l'art alors l'entendre me donner son avis sur ce que j'avais fait pour l'hôtel me permettrait de m'améliorer pour la suite. Je comptais bien encore et encore apporter les fiches personnelles ci et là.

" Tu peux me le dire franchement si tu trouves ça horrible ou pas à ton goût."

Mais j'aurai été vexée, c'est sûr. J'étais assez susceptible je l'avoue. Les yeux ne le quittaient pas, attendant sa réponse. Bien sûr je n'hésiterai pas à parler avec lui des belles choses présentes dans l'hôtel, les connaissent toutes sur le bout des doigts.

Tigrou revint vers moi et ronronna comme pour me dire que lui adorait ce que j'avais fait.

L’esprit concéda que c’était malheureux, mais qu’il n’y était pour rien et que tôt ou tard le Lord lui serait bien tombé dessus d’une manière ou d’une autre. Chat Noir acquiesça. Il était bien placé pour savoir que le Lord n’appréciait pas la curiosité mal placée. Lui-même s’en était plutôt bien sorti grâce à l’intervention de Lasdael et sans doute aussi par les nombreux services qu’il rendait au Lord. Après tout, le Lord avait toujours pu compter sur lui à tout moment. L’esprit ajouta que les choses n’allaient pas aller en s’améliorant et qu’il devrait se préparer à vivre d’autres pertes. Le démon acquiesça tristement. Il avait bien conscience de ses propres limites et de son impuissance. Cela avait été le cas autrefois lorsqu’il était un ange, pourquoi serait-ce différent aujourd’hui ? Il faisait de son mieux pour éviter de trop y penser et surtout de ne pas culpabiliser comme ce fut le cas autrefois. A présent, il était Chat Noir et il ne voulait plus vivre avec des regrets et des remords. Il l’avait décidé ainsi. Il ferait de son mieux pour s’y tenir, même si ce n’était pas toujours évident.

L’esprit changea de sujet de conversation et demanda à Chat Noir ce qu’il pensait de l’esthétique de l’hôtel. Elle lui demanda d’être honnête. Le fidèle serviteur du Lord retrouva rapidement le sourire et commença avec enthousiasme :

- Je ne suis peut-être pas très objectif, mais j’adore cet hôtel ! J’ai déjà entendu certains résidents critiquer certains mélangent de styles, cependant je trouve qu’au contraire, ça lui donne du cachet. Les lustres, les moulures qui ornent les murs et le marbre et même les escaliers, rien n’est laissé au hasard, tout est beau, harmonieux et parfaitement travaillé.

Chat Noir évoqua ensuite les tableaux et les statues qui décoraient l’hôtel. Il cita plusieurs tableaux qui l’avaient particulièrement marqués, parmi eux il y en avait de Marie, mais aussi sans doute de ceux que son interlocutrice avait réalisé. Il fit de même au sujet de quelques statues qui lui avaient plu.

On pouvait bien voir à la façon dont il parlait avec entrain et admiration qu’il était sincère et qu’il affectionnait réellement ce lieu.

Un large sourire recouvra mes lèvres fantomatiques tandis que je l’écoutais me dire qu’il aimait l’hôtel et son cachet. Il souligna que tout était beau, harmonieux et parfaitement travaillé. Il alla dans les détails, évoquant les tableaux et les statues dont certains de moi. Il parla aussi de statues que j’avais réalisées. Je ne pouvais être plus satisfaite, tant que je n’aurais plus passé les portes si je n’avais pas été un spectre.

Je tapotais joyeusement mes mains -à priori irréelles- l’une contre l’autre et dis avec entrain :

“ Je savais que tu étais quelqu’un de bon goût Chat Noir ! Ça me fait tellement plaisir de pouvoir parler avec quelqu’un qui comprend la beauté de ce lieu. Dès sa création il a été magnifique mais je m’efforce à y mettre mes touches ci et là pour le parfaire. ”

Je ne m’arrêtais pas de parler, comptant bien lui demander son avis, puisqu’il était sur la même longueur d’onde que moi.

“ D’ailleurs, je vais en profiter pour te demander ton avis. Imagine qu’un nouveau lieu soit bientôt ajouté à l’hôtel, dans l’idéal, quel serait-il pour toi ? ”

Je me demandais bien ce qui pouvait manquer le plus ici. Pour moi tout était parfait mais les gens aiment les nouveautés. J’avais bien envie de leur faire quelques surprises pour que les évènements à venir passent plus facilement. Puis, si cela ne leur servait pas à eux, cela serait utile aux suivants. Ce n’était jamais perdu. Ceci dit, je comptais bien garder un oeil sur mon chatmallow. Ce serait trop dommage qu’il lui arrive quelque chose.

Je le laissais réfléchir tandis que j’exposais quelques idées qui m’étaient venues :

“ Personnellement, j’avais pensé à un espèce de cinéma ancien, ce serait plutôt des projections d’ombre et lumière grâce à des bougies et des pochoirs. ”

Tigrou miaula, comme pour approuver ma décision. De toute façon, mon minou était toujours d’accord avec mes choix. Mon regard ne quittait pas celui de mon interlocuteur, curieux d’entendre sa réponse.

Son interlocutrice esquissa un sourire et conclut en disant qu’il avait bon goût. Chat Noir la remercia et partagea son opinion sur la beauté du lieu. Le regard du fidèle du Lord s’illumina quand la jeune femme lui fit part du fait que l’hôtel était déjà magnifique à la base, mais qu’elle s’appliquait à y ajouter des nouveautés pour le parfaire. Le démon était enchanté d’apprendre cela et il le fut plus encore lorsqu’elle lui fit part de son projet d’aménager une nouvelle pièce dans l’hôtel et de l’inviter à lui faire part de ses suggestions. Quel honneur pour Chat Noir que de pouvoir participer à l’élaboration d’une nouvelle pièce de ce merveilleux hôtel ! Quand bien même il ne faisait qu’émettre une proposition, c’était déjà énorme !

Chat Noir prit cela très à cœur et avec beaucoup de sérieux. Il prit donc le temps de réfléchir sérieusement à la question. Qu’est-ce qu’il pouvait bien manquer dans cet hôtel ? En ce qui concernait Chat Noir, il semblait que rien ne manquait et que tout était parfait, alors il songea à ce qui pourrait plaire aux résidents. Il pensa à Rose qui aimait les fleurs, il avait entendu parler d’une serre secrète, mais ne l’avait encore jamais vue lui-même... Peut-être que si elle n’était pas dissimulée, ce serait mieux pour permettre aux résidents d’en profiter pleinement ? Chat Noir songea aussi à un résident qui adorait les poissons. Pourquoi pas un aquarium dans l’hôtel ? En plus, cela avait des vertus apaisantes. Chat Noir imaginait déjà Misty tenté d’attraper vainement les poissons à travers l’aquarium, ce serait amusant de la voir faire ! Il sourit à cette idée.

L’esprit expliqua qu’elle avait songé à une sorte de salle de cinéma avec des projections d’ombre et de lumière.

- Oh oui excellente idée ! Un peu comme un théâtre d’ombre chinoise ? D’ailleurs, cette salle pourrait aussi servir pour des kamishibai ? C’est en quelque sorte l’ancêtre du cinéma où l’on racontait des histoires en images. D’ailleurs, toi qui es particulièrement douée dans ce domaine, tu pourrais en créer ! Oh et puis, les résidents pourraient y participer aussi s’ils le souhaitent. Ca permettrait de varier les sujets et les scénarios.

Chat Noir était tellement emballé par la proposition de l’esprit qu’il ne songea même pas à lui soumettre son idée d’aquarium qu’il avait eu.

Chat Mallow et moi étions décidément sur la même longueur d’onde. En plus d’apprécier mon art, il me fit part de son enthousiasme concernant un théâtre d’ombres, rappelant celle des ombres chinoises. Je hochais joyeusement la tête, confirmant sa théorie et écoutais avec attention son autre proposition. Un espèce de cinéma : c’était parfait. Il proposa même que chacun puisse en proposer afin de varier les sujets et scénarios. J’applaudis, totalement emballée par ce concept. Même tigrou vint se frotter en ronronnant contre le blondinet pour l’appuyer.

“ Si tu n’existais pas, il aurait fallu t’inventer ! Je t’aime Chat Mallow ! Tes idées sont tellement pertinentes. J’approuve tout ce que tu as dit et je pense me mettre sur cette idée dès ce soir. ”

Bien sûr, soyons d’accord : quand je disais l’aimer, il s’agissait bien d’une grande amitié. Cela se voyait bien, je ne lui avais pas sauté au cou pour l’embrasser ou envoyé des signaux de ce genre de relation. Tout de même, il pouvait s’estimer chanceux car il était définitivement entré sur ma liste de “special guest”. Brave vengeur masqué. J’avais hâte de le voir évoluer ici durant les prochains jours sombres de l’hôtel.

“ Je crois qu’effectivement impliquer les résidents est une très bonne idée. Ils pourraient proposer ou créer. Cela serait plus qu’un simple lieu de divertissement : ils seraient acteurs de leurs histoires. Qui sait, peut-être même pourrait-on organiser des soirées à thèmes. Certains iront peut-être jusqu’à déclarer leur flamme à l’être aimé ! Je suis sûre que c’est pile le genre de lieux qui manquait à nos résidents adorés ! L’imagination sera leur seule limite. ”

Je commençais à faire quelques croquis pour illustrer les premiers concepts qui me venaient en tête.

“ Ça pourrait être vraiment sympa puis c’est le genre de lieu que l’on ne trouve nul part à cause de la technologie. Cela ferait du bien à tout le monde, cela pourrait créer des liens. J’adore ! ”

Qu’importe ce que vous pouvez penser de moi : je tenais à ce que les résidents se lient entre eux. Je trouvais cela logique. Qu’ils ne le fassent pas aurait été pour moi illogique et stupide. Ils étaient tous dans le même bateau et c’était leur seule manière de sortir d’ici, qu’ils en aient conscience ou non.

Tandis qu’il exposait son point de vue et étoffait l’idée de son interlocutrice en y mettant sa patte, Tigrou vint se frotter à lui, et l’ami des chats ne résista pas à l’envie de lui administrer quelques caresses malgré sa condition d’esprit. La demoiselle quant à elle le complimenta avec un entrain non feint en en clamant qu’elle l’aimait et que s’il n’avait pas existé, il aurait fallut l’inventer. Chat Noir fut touché par ces affirmations qui lui paraissaient sincères. Cela faisait toujours plaisir de se savoir apprécier. Elle ajouta encore qu’elle comptait se lancer dans la concrétisation de cette idée dès ce soir !

L’artiste était emballée par l’idée que les résidents puissent prendre pleinement part à ce projet sans être simples spectateurs. Elle proposa même d’organiser des soirées à thèmes. Certaines pourraient probablement même changer la vie des résidents qui décideraient de déclarer leur flamme !
Un lieu qui permettrait de se retrouver et de créer du lien. Chat Noir acquiesça.

- Si je peux t’être utile dans la réalisation de ce projet, n’hésite pas à faire appel à moi ! Mais avant, j’ai quelque chose d’important à régler. Je dois d’abord retrouver Marie… Je ne sais pas si tu la connais : elle occupait précisément ce lieu avant sa disparition. Pour la retrouver, il semblerait que je doive trouver une clé violette et je n’ai aucune idée de l’endroit où trouver cette clé, alors ce n’est pas gagné... Mais quand j’aurais résolu cette affaire, je pourrais te donner un coup de patte ! Acheva-t-il avec humour.

Car l’humour, il n’y avait que ça pour faire face aux situations désespérantes !

Mon gentil minou me proposa de m’aider, j’en étais ravie et hochais la tête afin de lui signifier que je ne manquerai pas de lui demander un coup de main. Ceci dit, il évoqua devoir retrouver Marie. Bien sûr, je la connaissais bien. Alors il cherchait une clé violette pour la retrouver et seulement après il pourrait m’aider ? Je ris à sa blague.

Je lui tournais un moment autour, réfléchissant si je me montrais sympa ou non. La balle était dans mon camp. Rien ne m’obligeait à parler mais j’avais bien envie de l’aider afin qu’il puisse me consacrer plus de temps et que nous puissions réaliser des projets à la hauteur de nos idées. Après tout, ça ne me coûtait rien et il devrait tout de même chercher. Mon regard croisa le sien et je lui dis d’une voix amusée :

“ Bien sûr que je connais Marie et je sais aussi où se trouve la clé que tu cherches. ”

Je lui fis un sourire large jusqu’aux oreilles et laissais s’installer un silence pour laisser planer le mystère.

“ Elle se trouve là où s’amuse Beast régulièrement. Il s’agit d’une pièce violette au cachet unique : la salle de torture mais pour y accéder, il te faudra une autre clé. ”

Je ris doucement, devançant ma blague.

“ Heureusement que tu as neuf vies devant toi pour dénouer cette pelote d’indices. Elles ne seront pas de trop. ”

Tigrou miaula, regardant autour de lui, comme s’il était inquiet. Je repris un air plus sérieux, regardais autour de nous, clignais des yeux avant d’annoncer solennellement :

“ Je dois filer, j’ai du pain sur la planche avec ce projet. Sois sage, joue bien au chat et à la souris mais fais attention au chien il est foufou ces derniers jours. ”

Je lui fis un clin d’oeil et disparus subitement, tout comme tigrou.

L’esprit connaissait Marie et elle savait même où se trouvait la clé qu’il cherchait ! Une lueur d’espoir anima les yeux émeraudes de Chat Noir qui restait suspendu aux lèvres de son interlocutrice qui marqua une pause qui sembla durer une éternité au fidèle du Lord qui était à présent curieux et impatient d’en apprendre d’avantage.

- C’est vrai ?! Tu sais où se trouve la clé ?!

Il n’était pas spécialement surpris qu’elle connaisse Marie, après tout, il lui semblait que tout le monde avaient déjà croisé au moins une fois la Dame Rouge lors d’un séjour à l’hôtel.
Après avoir fait perdurer quelque peu le mystère de la clé, l’esprit lui révéla qu’elle était située dans un lieu où Beast aimait à s’amuser régulièrement : la salle de torture. Elle lui précisa toutefois qu’il aurait besoin d’une autre clé pour y accéder.

Chat Noir intériorisa l’information. A vrai dire, il y avait deux informations : Beast occupait souvent cette pièce où se trouvait la clé qu’il recherchait et donc il lui faudrait trouver un moyen pour y accéder et s’emparer de la clé sans se faire prendre ou tout du moins sans éveiller les soupçons de Beast. Ensuite il découvrait qu’il y avait une salle de torture. Il l’ignorait jusqu’à présent. Pas que cela le choque particulièrement, à vrai dire, il aurait même apprécié l’utiliser pour certains résidents qui avaient tenté d’éliminer le Lord et qu’il avait soigneusement rayé de la liste des résidents. Peut-être pourrait-il d’ailleurs accéder à cette pièce de cette façon ? S’il ramenait un traitre au Lord, Beast accepterait peut-être de le laisser faire usage de cette pièce pour jouer un peu avec sa victime ?

Il en était là de ses brèves réflexions lorsque la mystérieuse femme se mit à rire avant de déclarer qu’heureusement qu’il avait neuf vies devant lui pour dénouer cette pelote d’indices. Chat Noir rit doucement, amusé par les jeux de mots de l’apparente jeune femme.

- Pour un esprit, on peut dire que tu as de l’esprit ! La complimenta-t-il tout sourire.

Tigrou se mit à miauler, puis son interlocutrice lança un regard suspicieux autour d’elle et lui recommanda la prudence avant de prendre la poudre d’escampette.

- Attends ! Je ne sais même pas… Dit-il en tendant vainement la main pour la retenir. Il était trop tard : elle était déjà partie. Comment tu t’appelles…

Eh oui, la pipelette de service avait cité tout un tas de nom en tentant de deviner celui de Chat Noir et pourtant, elle n’avait même prit la peine de donner le sien ! C’était malin !