Premier pas vers la captivité {OUVERT}

Stan se réveillait par intermittences, généralement pas plus de quelques minutes par jour, et rien ne faisait sens dans sa tête. Sa mémoire lui faisait défaut. Ses rêves semblaient parfois si réels qu’il en avait du mal à savoir ce qui était réel ou non. Bien sûr, lorsqu’il restait suffisamment éveillé, la douleur stridente qui parcourait son corps dans son entièreté le lui rappelait. Il passa deux semaines chaotiques alité de la sorte avant que la fièvre ne s’avoue vaincue. Son sommeil se fit paradoxalement plus lourd au début, avant de finalement revenir à la normal. C’est au bout de trois semaines qu’il s’éveilla pleinement. La douleur dans sa poitrine s’était atténuée, mais n’avait pas disparu. La chambre dans laquelle il se trouvait était décorée avec goût, et lui paraissait même hors du temps.

Stan trouva à sa droite, posé sur une table de chevet, un plateau d’argent sur lequel étaient disposés un verre et une carafe, tous deux ornés de motifs dorés de style baroque. L’homme se mit assis au bord de son lit et essaya de se servir. Sa gorge était sèche, comme s'il n’avait pas bu depuis des semaines. Il n’avait aucune idée du temps qui s’était écoulé depuis son arrivée, parvenant à peine à se rappeler comment il était parvenu là. Il laissa une première fois la carafe retomber presque immédiatement sur le plateau en l’ayant porté à plus de deux centimètres de hauteur. Sa blessure était encore là et le lui faisait savoir. Stan était préparé cette fois. Il prit l’eau, puis, se servit un verre non sans difficultés, éclaboussant une bonne partit du plateau et de la table de nuit, avant de la reposé avec le plus de délicatesse possible. Il attrapa ensuite son verre, l’amenant à sa bouche en tremblant. Il grogna à la fois de douleur et de réconfort après avoir bu des gorgées trop importantes. Il était maintenant temps de faire le tour du propriétaire.

Il flancha une première fois sous la douleur lorsqu’il se mit debout. Il était décidément bien mal en point. Ce déplaçant doucement, mais sûrement, il retrouva une partie de ses vêtements sur une chaise, mit son manteau sur ses épaules sans se soucier des manches et ouvrit la porte de sa chambre afin d'explorer les lieux. Vêtu seulement de son pantalon et de son manteau, ses bandages à vue. Il se déplaçait lentement en s’appuyant le plus souvent possible sur le mur pour faire des pauses. Les couloirs étaient pour l’instant bien vides, mais il tomberait forcement sur quelqu’un… Après tout, quelqu’un l’avait soigné et tout était allumé. Alors que le couloir bifurquait, la douleur le lança à nouveau et ses forces le quittèrent un instant, le faisant s’agenouiller.

" Arrrgh ! "

Il n’avait pas pu retenir son cri. La tête tournait et il commençait à se demander si sa décision, de sortir parcourir la demeure, n’avait pas été un peu précipitée. Stan sentit alors une main se poser sur son épaule avant de voir des cheveux dorée tombée de par-derrière lui, avant de finalement apercevoir le visage d’une jeune femme, radieuse, au regard inquiet le fixé.

" Que faites-vous en dehors de votre chambre ? Vous ne devriez pas marcher avant un bon mois encore, vous allez faire sauter vos points de suture ! " L’inquiétude de la jeune femme avait laissé place à la réprimande alors qu’elle l’aidait à ce relevé.

" Qui êtes-vous ? " Lui demanda-t-il d’une voix calme, légèrement étouffé par la douleur.

" Maria. C’est moi qui m’occupe de vous depuis votre arrivée. "

Stan grogna en guise d’accord. Sans elle, il n’aurait certainement pas survécu, il le savait, mais quelque chose le retenait d’en dire plus. Cela faisait un long moment qu’on ne l’avait pas aidé sans contrepartie et il n’aimait pas l’idée d’avoir une dette envers quelqu'un.

" Je voudrais visiter encore un peu cet endroit si possible. " Dit-il alors à la jeune femme qui s’était glissé sous épaules, de façon à lui fournir un appui sûr.

" Vous n’avez pas écouté ce que je viens de vous dire ou… "

Elle s’arrêta momentanément lorsque leurs regards se croisèrent, puis dans un soupir lui répondit :

" Bon d’accord, mais ça ne fera que retarder votre guérison. "

Herbert sourit. Elle semblait franche, honnête et tenace, mais elle venait de lui donner ce qu’il voulait. Son sourire s’effaça cependant rapidement, lorsqu’il réalisa que sa dette envers elle ne faisait qu’augmenter. Ils marchèrent comme cela jusqu’au gigantesque hall d’entrée où se trouvait un majordome. L’endroit était époustouflant et semblait vraiment d’une autre époque, comme perdu dans une faille temporelle où tout était préservé des avancées technologiques. Il n’y avait pas un ordinateur à la réception ou même un écran. Émerveillé par tant de beauté, il finit par demander :

" Où somme nous exactement ? Cet édifice est tellement… sublime et… curieux à la fois… "

Dans leur dos et sans qu’il ne l’entende, un autre résident s’était approché et avait dû entendre Stan posé sa question, car il lui répondit avant que Marie n’eût le temps d’ouvrir la bouche. Stan s’appuya sur celle-ci pour effectuer une rotation avant de poser son regard perplexe sur l’individu mystère qui venait de se présenter à eux.

La jeune femme fut présentée au nom de Lasdael. Elle était vraisemblablement chargée des soins dans l'hôtel, ce qui ne manqua pas de retenir l'attention de Stan. Quel genre d'hôtel bénéficiait de son propre service des soins ? Car l'on parlait bien, ici, d'un servie puisqu'elles étaient maintenant deux personnes semblants avoir cette prérogative au sein de l'établissement, à moins que maria ne l'ai fait par esprit d'initiative.

"Stan Goodman." Répondit l'homme en guise de présentation, avant d'initié un retour en direction de sa chambre.

Les trois personnes se déplaçaient au rythme du jeune homme. Inspectant avec soin la contribution apportée par Maria aux soins du millionnaire, Lasdael ne semblait pas totalement à l'aise malgré les apparences. Quelques micro-expressions de sa part donnaient une mauvaise première impression. Il y avait beaucoup trop d'inconnues pour Stan sache exactement pourquoi, mais il avait un mauvais pressentiment. Maria expliqua avec détails les soins et interactions qu'elle avait eu avec le nouveau résident depuis son arrivée. La millionnaire connaissait maintenant les conditions de son arrivée dans cet hôtel. Ils arrivèrent dans la chambre de Stan alors que la jeune infirmière venait de finir son rapport.

Lasdael invita Stan à se coucher sur son lit afin de procéder à des examens complémentaires. Maria sembla vexée par cette demande. Plus encore, lorsque l'ange lui demanda de quitter la pièce pour ce faire. L'homme se mit à l'aise, regarda le plafond, puis, ferma les yeux de façon à contrer les douleurs qui pourraient survenir du fait de manipuler ses bandages ou sa blessure. À sa grande stupéfaction, il ne sentit aucun mal le traverser. À la place, une douce chaleur traversa son corps, l'apaisant au plus profond de son être. Il connaissait cette sensation, si familière, qu'il n'avait pas sentie depuis des décennies. Il toucha la main délicate de Lasdael un instant et écarquilla les yeux en murmurant de façon presque imperceptible.

*" Mère…"* alors qu'une larme coulait sur sa joue droite, sans qu'il ne s'en rende compte, avant de venir mourir sur son oreiller.

“ Elle a fait un excellent travail. Je suis certain que vous devez vous sentir déjà bien mieux. Vous êtes entre de très bonnes mains. ”

Maria entra dans la pièce, accueillie par les félicitations de l'ange quant à son travail. La douleur de Stan s'était tue et il savait que quelque chose de spécial venait de se passer. Lasdael lui introduisit alors les lieux de façon pour le moins formel. L'hôtel California, un refuge pour de nombreux résidents cette phrase était incompréhensiblement pleine de sens. Un Hôtel où tout était offert qui plus est… Un très mauvais business plan. Pour finir, le propriétaire des lieux se faisait appeler Lord. Il était vraiment tombé sur un endroit hors du temps, à l'ambiance général entretenue par un mégalo manifeste.

Les deux jeunes femmes étaient sur le point de se retirer de la chambre afin de le laisser se reposer, mais Stan était intrigué par Lasdael, et voulait en savoir plus. Tant de questions lui traversaient la tête à ce moment précis. Il se redressa rapidement, la main tendue vers celle-ci, souhaitant la retenir visuellement. Il se mit debout alors qu'il commençait à lui dire :

"Attendez ! Je ne peux pas rester ici gratuitement. Donner moi mon portable que j'appelle mon…"

Il tomba par terre le long de son lit, prit de vertige. Il reprit ses esprits presque aussitôt et essaya de se relever, inspectant instinctivement par la même occasion, le dessous de son lit.

Le dessous de lit était sous-exposé, trop sombre pour pouvoir distinguer quoi que ce soit. Stan se releva difficilement grâce à l'aide de Lasdael. La jeune femme était douce avec lui et elle dégageait un parfum enivrant, presque apaisant. L'homme de nouveau sur ses pieds quand l'ange lui expliquait-il nouvelle fois l'état de gratuité des lieux, en accentuant cependant plus l'absolu de ce qu'elle disait.

“ Personne ne paie ici. Vous ne devez pas vous en faire : ça a toujours été ainsi. De plus, il n’y a aucun réseau ici. Il vous sera compliqué de joindre quelqu’un de l’extérieur. ”

Il finit par récupérer son portable et essaya de l'allumer en vain. Celui-ci était déchargé, personne ne semblait l'avoir utilisé ou chargé durant sa léthargie. Il soupira légèrement en posant son portable sur la commode qui se trouvait à coter de son lit, puis s'assit sur son lit avec l'assistance de Lasdael.

“ Vous restez faible malgré les soins qui vous ont été apportés. Le mieux à faire est de vous reposer. ” Dit-elle gentiment.

"Vous avez raison…"

Il ne la regarda pas spécifiquement en lui répondant. Le regard dans le vide, il était en pleine réflexion, quant à la suite des événements. Puisque tout dans cet hôtel était gratuit, il pouvait prendre le temps pour se remettre, avec un souci de moins. Il avait totalement confiance en ses équipes pour gérer les contrats qui étaient en cours de pourparlers à l'extérieur. Ça maison continuerai d'être entretenu par ses employés. Il n'avait rien à craindre pour sa vie à l'extérieur, sauf peut-être… La détective l'avait vue, il ne l'avait finalement pas tuée. Il fallait s'attendre à un retour de bâton de se coter là. Chaque chose en son temps. Pour l'heure, Stan devait guérir.

“ Mais si vous avez besoin de vous rassurer sur le lieu où vous vous trouvez, je peux vous faire une petite visite. Je vous tiendrai par le bras pour éviter que vous chutiez. ”

La voix de l'ange le sortit de ses pensées. Maria, l'avait déjà aidée à sortir de sa chambre et bien qu'il se sente moins fatigué physiquement, il n'avait plus la tête à bouger pour l'instant. Il allongea les jambes dans son lit, mais resta assis, bien confortablement installé avec les oreillers dans son dos. Lasdael lui précisa alors :

“Bien sûr, le choix vous revient. Je ne vous fais que des suggestions. Évitez simplement de vous précipiter. ”

"Je vous suis reconnaissant pour ce que vous faites pour moi. J'étais peut-être, un peu désorienté et paniqué à mon réveil. J'essayais de comprendre où je me trouvais et pour quelle raison. Vos paroles… Votre présence… Pardonnez-moi si je vous mets mal à l'aise. Vous m'avez aidé à m'apaiser."

L'homme marqua une pause, et se racla la gorge avant de prendre un verre d'eau, finissant ainsi la cruche qui lui avait été mise à disposition.

"Je prendrais volontiers de nouveau de l'eau, sans vouloir vous déranger." Dit-il à destination de Maria, qui prit la cruche.

"Je suis à votre disposition pour ce genre de chose durant votre convalescence, ne vous en faites pas pour son monsieur." Lui répondit-elle avant d'évacuer la chambre pour lui procurer de l'eau.

L'homme regarda de nouveau Lasdael, plongeant ses yeux dans les siens, sondant presque jusqu'à son âme à la recherche de la réponse véritable qu'allait lui fournir la jeune femme. D'une voix chaleureuse et douce, il lui demanda :

"Je ne sais pas pourquoi, mais vous dégagez la même chose que ma mère. Il émane de vous, quelque chose d'inhabituel, mais d'agréable. Votre offre reste elle valable pour quelques jours encore ? J'aimerais me reposer un peu plus avant de finir de visiter cette demeure insensée."

*"… Vous avez énormément de chance de l’avoir à vos côtés…"*

Ces mots résonnaient dans la tête du millionnaire, comme un écho ricochant sur les parois d'une caverne avant de s'estomper dans les ténèbres. Encore une fois frapper par une sorte de nostalgie, Stan ne put retenir ces quelques mots :

"Elle n'est plus à mes côtés depuis longtemps maintenant."

Il n'y avait pas de tristesse dans sa voix, l'homme était juste profondément plongé dans ses pensées à ce moment-là. Il n'avait pas fait attention lorsque Lasdael scrutait pour vérifier que ni maria ni aucun autre gêneur n'était dans les environs, mais le ton changeant du tout au tout de la part de son interlocuteur le fit revenir à la réalité.

“ Je ne veux pas vous affoler, mais la situation actuelle dans cet hôtel est tendue. Je vous veux en sécurité alors je vais vous donner ceci. ”

Elle lui tendit alors un poignard. Surpris par ce cadeau, l'homme se tut un moment, permettant ainsi à l'ange de terminer ces explications.

“ Gardez-le avec vous ou non loin de vous, quitte à le cacher. Je ne peux pas vous en dire beaucoup plus, mais des attaques de créatures arrivent ces derniers temps. Je préfère que vous ayez de quoi vous défendre. Maria est gentille, mais je doute qu'elle sache vous protéger si l'une d'entre elles apparaissait. Elles craignent le feu. ”

Stan avait senti dès le début que quelque chose clochait avec cet hôtel. Rien n'avait de sens dans ce que Lasdael venait de lui dire, mais il était sûr d'une chose ; elle ne mentait pas. Le choix des mots était tout aussi surprenant que le changement de ton de la discussion. Créatures… C'était le mot qu'elle avait utilisé, pas animaux ou délinquant. L'homme prit le couteau de sa main gauche en le fixant des yeux, s'imprégnant immédiatement de son poids, de son équilibre, faisant attention aux détails de celui-ci. Puis il reposa son visage sur celui de l'ange.

" J'en prendrais grand soin, merci."

Avant qu'il ne puisse ajouter quelque chose, Maria entra à nouveau dans la chambre, un cruchon d'eau fraîche à la main. Il eut le temps de cacher le couteau sous son oreiller dès qu'il eut entendu celle-ci pénétré dans la chambre, comme un réflexe inné, calme et serein.

"Merci Maria. Je ne mourrai pas de soif grâce à vous."

Lui dit-il avec le sourire. Lasdael, quant à elle, était sur le départ. Sa visite avait été pour le moins intéressant, apportant avec elle son lot de mystères supplémentaires. Stan était maintenant suffisamment intrigué pour savoir qu'il la reverrait bien assez tôt, et ce, bien au-delà d'une simple visite du propriétaire.

" Je vous remercie toutes les deux. Maintenant, je vais me reposer, je suis exténué. J'ai hâte de finir cette visite avec vous, mademoiselle Lasdael. Il tourna son regard vers Maria et dit : Maria, merci encore de prendre ainsi soin de moi."

Il s'installa dans son lit et mit la couette pas dessous son épaule jusqu'à mi-tête alors que la lumière quittait la pièce, accompagnant les deux femmes qui prenaient congé ensemble. La main sur le métal froid de la lame qui se trouvait encore sous son oreiller, Stan sourit et soupira de soulagement avant de s'assoupir.