Rétablir le droit de rêver [PV Azazel]

Chat Noir avait rejoint Azazel à la hâte juste après avoir fait sa première rencontre avec leur alliée Tatiana qui les avait informés de quelque chose d’aussi important qu’aberrant. En effet, ils venaient tout juste d’apprendre qu’Era avait fait en sorte que ses fidèles ne dorment plus et donc ne puissent plus rêver et ainsi entrer en contact avec Azazel, déesse des songes. Evidemment, cela limitait grandement sa marge d’action et surtout, c’était inquiétant, car que deviendraient les humains s’ils n’avaient plus la possibilité de rêver ? Comment Era pouvait prétendre vouloir que les anges protègent les humains si elle-même les privait d’un sommeil réparateur et de rêves qui permettaient de donner du sens à leur vie ? C’était tout bonnement insensé. Et si l’envie prenait à Era d’affliger cette insomnie à tous ? Il fallait à tout prix empêcher cela… Chat Noir n’avait aucune idée de comment, mais il faisait confiance à Azazel : elle trouverait une solution et il l’y aiderait ! De toute manière, ils n’avaient pas le choix, ils se devaient d’avancer coute que coute.

Chat Noir retrouva Azazel dans l’appartement de Lise et Louise. Après avoir expliqué la situation à tous et réparti les rôles de chacun, Azazel et Chat Noir s’enfermèrent dans la chambre des filles qui avaient pour mission avec Bastien de veiller sur leurs corps endormis. L’ami des chats s’installa, ferma les yeux et se laissa guider dans le monde des songes par la déesse…

L'heure était grave : Era osait empiéter sur MON territoire. Laissez-moi vous dire que ça n'allait pas se passer comme ça. J'étais remontée comme une pendule ! Nous nous métions vite en condition pour rejoindre mon royaume avec mon minou. Une fois réveillée dans ce dernier, j'invitais Chat Noir à s'assoir sur les sièges que je créais. Je me mis à siffler et une vingtaine d'êtres apparus. Ils avaient la silhouette humaine et des masques de loup blanc. Ils mirent un genou à Terre devant moi. Je les regardais tour à tour et leur demandais :

" L'heure est grave mes amis. Il paraitrait qu'on coupe nos accès. Est-ce réel ? "

- Ce n'est pas totalement vrai. Dit l'une d'entre elle. Un autre reprit la parole pour ne pas laisser le suspens s'installer :

- Elle essaie de le faire... Pour l'instant elle force la coupure mais ce n'est pas réellement fermé. Disons qu'elle bloque le passage.

Je haussais un sourcil et regardais mon minou.

" Oh, si ce n'est que ça, c'est bien moins grave que je le pensais. "

Je me mis à rire.

" Elle peut toujours tenter de colmater la puissance du royaume à la main, la fuite n'en sera que plus grande. "

Cette idiote ne pouvait restreindre mon royaume indéfiniment. Il était trop puissant et elle ne pouvait s'étendre à l'infini. Il reprendrait donc tôt ou tard ses droits. Après m'être réjouie de la voir perdre d'avance, mon visage s'assombrit, consciente de ce qu'elle faisait.

" Mais ce sont les humains qui vont le payer en mourant ou en tombant dans un comas sans fin... Elle serait prête à les mettre en péril juste pour que je ne puisse pas communiquer avec eux ? C'est horrible. "

Le silence confirma que nous étions tous raccord. Je réalisais alors que je n'avais pas fait les présentations. Je secouais la tête et dis en les présentant tour à tour :

" Pardon, mon minou je ne vous ai pas présenté. Mon minou, voici les marchands de sable, marchands de sable voici mon bras droit Chat Noir. Mes marchands de sable ont pour rôle de veiller à ce que tout le monde trouve le sommeil. Je ne peux pas tout gérer alors ils sont là pour ça. Nous trouvons ensemble des solutions quand il y a des anomalies. L'objectif est que chacun passe un bon moment dans le royaume, sauf de rares exceptions. Mais même là, ça reste temporaire. Nous ne sommes pas Era. La damnation éternelle, nous trouvons cela trop radical et inutile. "

Chat Noir rouvrit les yeux dans le monde des songes où il se laissa guider par la déesse qui créa des sièges sur lesquels elle l’invita à s’asseoir, ce qu'il fit docilement. Azazel siffla et apparurent alors des silhouettes qui arboraient un masque de loup. Chat Noir observait, silencieux et intrigué. Son amie et son univers étaient décidément plein de surprises! Finalement, la situation semblait moins préoccupante qu'il n'y paraissait, en tout cas, en ce qui concernait Azazel. En revanche, pour ce qui était des humains victimes d'insomnies, les conséquences pouvaient s'avérer grave. Chat Noir se demanda pourquoi Era avait créé les anges qui étaient contraints de protéger des humains dont elle ne se souciait finalement même pas... Cela n'avait aucun sens. S'agissait-il d'un jeu ou d'un passe temps pour elle? Dire que tant d'anges avaient été privé de leurs ailes et transformé en démons pour avoir faillit dans leur mission alors que la déesse elle-même ne se souciait même pas des humains... Chat Noir pour sa part, avait toujours pris son rôle très à coeur et les humains l'avaient toujours intrigués. Enfant, il aurait aimé pouvoir se lier d'amitié avec eux, partager leurs jeux, mais il avait vite appris qu'il y avait un monde qui les séparait, même s'il n'avait jamais trop bien compris pourquoi. Il avait été heureux de pouvoir réaliser ce rêve à l'hôtel California. Il avait pu faire ce chouettes rencontres parmi les humains comme Rose ou Katherine, par exemple. Il avait passé d'agréables soirées à discuter et échanger avec des humains lorsqu'il se faisait passer pour le résident Lionel, il avait même découvert certains de leurs jeux comme les échecs ou le billard, qui s'étaient avérés plutôt amusant. Il y avait certes des humains ennuyeux ou moins intéressants que d'autres, mais il était libre de décider de les côtoyer ou non.

Azazel fit les présentations. Elle présenta Chat Noir comme son bras droit. Le minou concerné esquissa un sourire et salua ceux qu'elle lui présenta comme étant les marchands de sable dont elle lui expliqua le rôle.

- Enchanté de faire votre connaissance et bravo pour ce magnifique métier que vous exercer!

Les nuits sans sommeil, Chat Noir en avait connu et c'était vraiment infernal! Heureusement que les marchands de sable étaient là pour veiller à ce que chacun puisse se laisser tomber dans les bras de Morphée!

- J'ai cru comprendre que les nouvelles étaient plutôt rassurantes, ça nous laisse encore du temps pour agir au mieux... Quel dommage qu'Era ne se laisse pas aller à dormir et à rêver, je suis sûr que tu aurais pris le dessus sans difficulté dans le monde des songes!

Mon minou exprima son enthousiasme de rencontrer les marchands de sable et les félicita pour leur métier. Je trouvais cela gentil bien qu'un peu surprenant. En fait, tout comme Beast, je les avais créés pour cette fonction. C'était un peu comme remercier un chat de miauler, à mes yeux. Ceci dit, ils en furent visiblement satisfaits. En effet, ils trouvaient un sens dans ce qu'ils faisaient et savaient les lourdes conséquences de leurs absences pour tous les êtres vivants. Ils étaient devenus indispensables depuis leur apparition. Recevoir des compliments était toujours agréable même si c'était naturel pour eux. Ils hochèrent la tête et répondirent en chœur.

-C'est un honneur d'avoir été désigné à cette tâche.

Mon blondinet préféré résuma que les nouvelles étaient plutôt rassurantes et que cela nous laissait du temps pour agir au mieux. Je hochais la tête, confirmant ses propos. Il poursuivit en disant qu'il était regrettable qu'Era ne se laisse pas à dormir et à rêver sans quoi j'aurai pu prendre le dessus sans difficulté. Je souris et répondis aussi vite :

" Ça c'est certain... Malheureusement pour elle mon royaume est une aberration, un virus sur sa création parfaite à ses yeux. Elle l'aurait rasé si elle en avait eu le pouvoir seulement elle ne peut le faire et ça l'agace profondément je pense. Elle en a déjà fait des tentatives par le passé mais j'ai mes alliés ici qui m'alertent rapidement quand il se passe des choses. Puis, moi-même je veille et je sens quand quelque chose de vraiment grave se produit. Là je ne l'ai pas senti car elle n'a pas fait une action majeure sur les humains, seulement quelques uns et d'une manière assez limitée. "

Je regardais Chat Noir puis les marchands de sable.

" Nous allons agir de manière stratégique... Si nous cassons ses actions, elle va vite changer de plan. Ce ne serait pas à notre avantage. Nous allons la laisser croire qu'elle maîtrise la situation et préparer la contre attaque. "

J'affichais un large sourire et m'adressais aux marchands de sable.

" Vous allez débloquer doucement le passage. Quand ce sera fait, exceptionnellement, vous ne les laisserez pas dormir. C'est horrible mais de la sorte Era pensera encore contrôler la situation. Puis, le moment venu, ils ne tomberont pas dans le comas et nous pourrons les secourir et en faire nos alliés. Puis-je compter sur vous ? "

Les marchands de sable étaient tous partants pour ce projet. Mieux valait un peu de mal mais protéger les humains. Je les laissais repartir pour me retrouver à discuter avec mon minou :

" Nous allons de notre côté aller voir nos démons lobotomisés... Peut-être pourrons-nous communiquer avec leur conscience. Ce serait un bon début. Partant ? "

Je doutais qu'il refuse mais je lui laissais le choix.

Chat Noir avait bien supposé : il aurait suffit qu’Era dorme pour qu’Azazel puisse prendre aisément le dessus. Cependant, Era ne se laisserait jamais aller à dormir malheureusement… L’ami des chats songea que ce qui permettait aux mortels de s’endormir ne devait certainement pas fonctionner sur une divinité, les somnifères, même ceux qui auraient pu assommer un cheval, ne devaient avoir aucun effet sur la déesse. Cela aurait été tellement plus simple et moins risqué pour tous ! La blessure qu’Era avait réussi à infliger à Beast en était la preuve. S’il avait été à la place de ce dernier, Chat Noir savait qu’il n’y aurait pas survécu.

Azazel donna des instructions aux marchands de sable avant qu’ils ne retournent vaquer à leur occupation. Elle suggéra ensuite à Chat Noir d’aller à la rencontre des démons lobotomisés et de tenter de communiquer avec leur conscience pour commencer.

- Partant ?
- Absolument !

Chat Noir avait dit cela en souriant et avec entrain, mais en réalité, il était inquiet : parviendraient-ils à communiquer avec ces démons ? A leur faire entendre raison ? A les rallier à leur cause ? N’y avait-il pas de risque qu’il reste coincer dans leur subconscient, comme c’était le cas pour les résidents de l’hôtel California dans le coma ? Chat Noir avait beau savoir qu’ils avaient été durement torturés pour être réduit à l’état dans lequel il avait vu certains de ces démons, mais ce n’était pas la même chose de savoir et de voir et même de ressentir dans une moindre mesure ce qu’ils avaient pu endurer…

Toutefois, il s’était engagé à devenir le bras droit d’Azazel et comme toujours, sa loyauté et son sens du devoir le poussaient à se dépasser. Il se laissa guider par la déesse, jusqu’à arriver à destination.

Nous nous rendions vers Günter puisque mon minou était partant. Il s'agissait d'un des démons qui semblait servir le grand patron des humains. Je n'avais pas la prétention de penser que je pourrai le changer de camp mais je voulais juste en savoir plus sur lui et sur ce qui lui était arrivé. Lui n'étant pas privé de sommeil, nous pourrions entrer en contact avec lui. Ceci dit, nous n'allions pas opérer comme les résidents de l'hôtel. Je rassurais mon bras droit, une fois arrivé à un endroit vide et sombre :

" Ici, je peux forcer les endormis à entrer en contact avec moi. Ceci dit, nous ne serons pas dans leur esprit. Nos amis auront la possibilité de partir quand ils le voudront. C'est un peu comme si nous toquions à la porte, d'une certaine façon. "

Je réfléchis et rectifiais :

" Enfin, comme si j'ouvrais la porte avec un pass ouvre-porte. Après, nous pouvons être repoussés mais rien ne peut nous arriver. Nous sommes les maitres de la situation. L'objectif sera d'essayer de lui faire se souvenir ce qu'il se passe et voir ce qu'il ressent par rapport à tout cela. Le mieux serait de petit à petit essayer de l'aider à trouver un moyen de lutter contre son bourreau. "

C'était plus facile à dire qu'à faire, on ne va pas se mentir. Cependant, maintenant que leur chef pensait les avoir dressés, jouer la comédie aurait suffi à espionner et obtenir de précieuses informations avant de retourner tous les démons contre lui. Nous étions loin de cette situation mais c'était mon objectif, pour le moment.

" Allez, on y va. "

Je hochais la tête et forçais la venue de Günter. Sa silhouette devint de plus en plus nette jusqu'à ce que nous ayions l'impression de l'avoir devant nous. Pour le moment, tout était noir autour de nous mais cela pourrait évoluer en fonction de sa volonté, ses souvenirs etc. Je regardais le démon et lui dis :

" Bonjour Günter. "

J'attendais de voir sa réaction avant d'en dire plus. Mieux valait m'adapter à son état d'esprit.

« Un deux trois, nous irons au bois,
Quatre cinq six cueillir des cerises,
Sept huit neuf dans mon panier neuf,
Dix onze douze elles seront toutes rouges… »

La même comptine répétée en boucle dans un murmure par la voix cassée de Günter recroquevillé sur lui-même dans l’obscurité, la capuche de son gilet rouge dissimulant son regard vide. Une voix autre que la sienne se fait entendre. Il lève la tête pour voir son interlocutrice, le mouvement qu’il esquisse fait cliqueter les chaines qui le retiennent. Les chaines de son esprit, tout autour n’est qu’obscurité et débris, comme des miroirs brisés reflétant des bribes de souvenirs.

Günter ne répond pas, reprend sa posture initiale et continue sa chansonnette, imperturbable…

« ...Un deux trois nous irons au bois… »

Ce bois où il s’est fait capturer lorsqu’il était en mission pour Anarchy.

« ...Quatre cinq six cueillir des cerises… »

Il devait capturer les cibles qu’on lui avait désignées

« ...Sept huit neuf dans mon panier neuf… »

Il devait les ramener au lieu qu’on lui avait indiqué et qu’il ne connaissait pas…

« …Dix onze douze elles seront toutes rouges… »

Rouge comme son gilet, rouge comme le sang qu’il a sur les mains, rouge comme les flammes qu’il est capable de produire. Enfin rouge la couleur qu’il voit lorsqu’il ferme les yeux.

Sa mission a échoué. Ses souvenirs sont troubles. La souffrance reste intacte. Günter, c’est ainsi qu’on l’appelle, mais il ne sait plus qui il est. Il sait seulement ce qu’il est : un démon au service de son maître humain, Paul Ochon.

Azazel qu’ici, elle pouvait forcer les endormis à entrer en contact avec elle. Elle lui expliqua un peu plus en détail. Chat Noir l’écouta attentivement et acquiesça. Il était rassuré de savoir qu’ils ne risquaient rien contrairement aux interactions avec les résidents de l’hôtel dans le coma. Malgré cette assurance, cela ne signifiait pas pour autant que leur mission serait plus facile. Chat Noir décida d’attendre et de voir. Il aviserait ensuite. Difficile d’anticiper ou d’élaborer quoi que ce soit en étant dans l’ignorance après tout.

La déesse les fit donc entrer dans le petit monde de Günter. Chat Noir n’eut aucun mal à reconnaitre le démon qui avait capturé Azazel et qui était présent aux côtés de l’humain à l’origine de cette immonde forme d’esclavagisme. Chat Noir éprouva des émotions contradictoires. Il repensa à comment ce Günter avait capturé Azazel et la crainte qu’il avait éprouvé à ce moment-là. D’un autre côté, il savait désormais que ce démon était lui-même une victime et il ne pouvait lui en vouloir véritablement pour ce qu’il avait fait…

L’ami des chats se sentait mal à l’aise dans ce lieu où il régnait quelque chose de malsain… Le démon ne cessait de répéter une comptine pour enfant en boucle et n’avait pas répondu à la déesse, bien qu’il avait vaguement réagit à leur présence. Parviendraient-ils à en tirer quelque chose ? Ou bien était-il bien trop atteint pour cela ?

Chat Noir observa des débris de verre un peu partout. Il porta son attention dessus. On eut dit des bribes de souvenirs. Cela lui rappela son expérience dans le miroir, à l’hôtel California, où il avait été entrainé par Lord Asteb et où Beast avait bien faillit l’étrangler à sa sortie… Heureusement que Misty avait été là pour déstabiliser la Bête… Dire que maintenant, ils étaient alliés. La vie était décidément pleine de surprises…

La connexion était établie même si Günter semblait dans un état second. Il bouclait sur une comptine pour enfant et était entouré de débris de verre. Pauvre démon, détruit de l'intérieur. Pour qu'il soit dans cet état même ici c'est qu'il avait dû être vraiment torturé longtemps et durement. Il n'avait sans doute plus du tout d'endroit où s'échapper et où se trouver en sécurité. Pourtant, ici était sensé se trouver le dernier refuge, celui que personne ne pouvait atteindre. J'avais réellement de la peine pour lui malgré le fait qu'il ait collaboré avec l'ennemi contre moi. Je repensais aux douleurs qu'on m'avait infligées et me dit qu'il avait dû les connaitre en bien pire. D'une manière ou d'une autre, il avait été totalement brisé. J'espérais que malgré cela, il restait au fond de lui un reste de conscience pour la réveiller et l'aider.

Je restais à distance et me mis à chanter avec lui la comptine en boucle. Mon but n'était pas de rentrer en conflit ni même de parler. Je voulais déjà qu'il se rende compte qu'il n'était pas seul et que nous étions sur la même longueur d'onde, d'une certaine manière. Peut-être allait-il communiquer par comptine comme certains communiquaient par prose ? Tant que le contact était établi, c'est tout ce qui comptait.

Je regardais dans les débris de verre tout en évitant de les toucher. Je ne savais pas s'il prendrait le fait de toucher le verre pour une attaque. Dans le doute je préférais éviter. Nous avions la chance de l'avoir face à nous : je voulais éviter de tout gâcher parce que j'avais voulu aller trop vite.

Je lançais un regard à mon minou tout en continuant à chanter. Je l'invitais à faire de même : cela augmenterait peut-être nos chances de l'éveiller.

Une voix se mêla à la sienne, un écho à sa chanson, puis une autre voix s’ajouta… Un mouvement de la part de Günter, fit cliqueter les chaines qui le retenaient, il cessa de chantonner et ses yeux bleus qui se posèrent sur la déesse sans paraitre la voir.

- Qui est-là ? Demanda-t-il.

La vision du démon était trouble. Aussi trouble que l’était son esprit embrumé. Il tourna la tête à droite, puis à gauche, comme s’il cherchait à voir autour de lui.

- Où je suis ?

Günter tenta de se redresser sans y parvenir. Il retomba lourdement. Comme la sensation qu’il éprouvait. De la lourdeur… Quel était ce poids qui l’appesantissait ? Quelle était cette sensation d’étau qui lui enserrait le crâne ?

- Pourquoi je n’y vois rien ? Pourquoi je me sens si lourd ? Pourquoi je n’arrive pas à me relever ?

La peur et l’incompréhension perçait dans le tremblement de sa voix. Günter apparaissait comme une pauvre créature fragile et détruite en proie à la peur qui l’assaillait. Mais se révélerait-il ainsi, si la colère venait à prendre le dessus ? Rien n’était moins sûr…

Günter sembla s'éveiller assez pour communiquer. Je trouvais cela vraiment encourageant. Il demanda qui était là. Je ne me voyais pas lui mentir. Étant donné l'expérience qu'il avait dû vivre, mieux valait jouer franc jeu pour qu'il n'ait aucune raison de se méfier de nous. C'est pourquoi je lui répondis d'une voix douce :

" Je suis Azazel, déesse des songes et lui c'est mon bras droit Chat Noir. "

Je remarquais qu'il ne semblait pas me voir. Il demanda où il était. Ne souhaitant pas le faire patienter, je lui répondis immédiatement mais toujours avec une douceur dans la voix :

" Tu es dans le monde des songes ou dans ton rêve si tu préfères. "

Je le regardais tenter de se redresser en vain. Le pauvre semblait clouer au sol malgré lui. J'aurai pu tenter de le relever mais je préférais éviter d'entrer en contact direct avec lui sans son accord. Il n'aurait pas fallu le surprendre en posant ma main sur lui alors qu'il ne voyait rien. Il aurait pu attaquer et ça aurait été un échec. Si possible, je voulais au minimum lui apporter un peu de paix, de tranquillité. L'entendre poser des tas de questions avec ce tremblement dans la voix me faisait de la peine pour lui. Ce n'était pas normal ici bas. Quand ce genre de choses arrivait en cauchemar dans le royaume, il y avait au moins l'option de pouvoir tout changer du tout au tout en une seconde ou de se réveiller instantanément. Lui semblait vraiment esclave de la situation.

J'essayais de répondre à ses questions de la meilleure façon possible, d'après moi.

" Tu as toutes les réponses en toi. Trouve-les, trouve-toi. C'est la seule façon de te libérer des chaines qu'ils t'ont mises. Par contre, ça va être douloureux j'en ai peur mais si tu veux que je t'aide, je peux venir essayer. "

Il y avait de fortes chances qu'il se fâche très vite. J'étais prête à me défendre si besoin mais je n'avais pas peur : c'était mon royaume. Nul ne pouvait réussir à m'y blesser.

La voix dit être Azazel, déesse des rêves. L’autre voix qui l’accompagnait était celle de son bras droit, Chat Noir. Quant à l’endroit où il se trouvait, il s’agissait du monde des songes et il était dans son propre rêve. Azazel lui dit qu’il avait toutes les réponses en lui et l’encouragea à les trouver, à se trouver pour pouvoir se libérer des chaines qui lui avaient été mises. Qui étaient ce « ils » ? Pourquoi l’avoir enchainé ? Ce serait douloureux… La douleur…

- Qui…

Günter avait baissé la tête en fermant les yeux. Sa frange dissimulant en partie son visage.

- Qui ? Qui ? Qui ?... Répétait-il inlassablement, semblant chercher la réponse dans les méandres de son esprit embrumé. Des voix, des dialogues, lui revenaient en mémoire et qu’il répétait inconsciemment :

- C’est un démon d’Anarchy récalcitrant.
- C’est parfait : matez-le.
- Il y a d’autres démons plus malléables et moins dangereux.
- C’est celui-là que je veux. Vous avez entendu mes ordres ? Matez-le, brisez-le : il sera un parfait exemple pour mettre en valeur la société Ochon. Je ne vous paie pas pour lésiner : trouvez le moyen de l’assujettir, peu importe lequel. Les démons ne sont pas protéger par les lois qui relèvent de l’éthique et du sens moral après tout : profitez-en pour faire avancer la recherche et matez-le comme il se doit.
- Entendu patron.

Günter rouvrit les yeux. Des yeux remplis de terreur. Son visage était un masque de douleur. Le voile rouge qui obscurcissait sa vue avait disparu et il voyait à présent. Il revivait les scènes de tortures qu’il avait subies et hurlait à la mort en tentant de se libérer des chaines qui le maintenaient, quitte à s’en briser les poignets, tel un animal prit dans un piège dont les mâchoires d'acier se seraient refermer dessus. Les scènes qu’il revivait se reflétaient dans les morceaux de miroirs qui composaient son « rêve ». L’une de ses scènes mettait en lumière l’origine de l’impact que cela avait eu sur lui, y compris dans le monde des songes : les scientifiques chargés de le domestiqué lui avaient injecté quelque chose directement dans le cerveau. Anéantissant ainsi toute perspective d’échappatoire, annihilant à la fois sa personnalité, ses souvenirs, ses rêves… Une victoire pour eux. Un cauchemar pour lui.

- Je vais te dire ce que tu es Günter. Tu es un chien au service de son maître, en l’occurrence moi. Tu m’appartiens Günter et tu feras tout ce que je te dirais de faire.
- Oui, maître…

« Oui, maître. Oui, maître. Oui, maître… » Répétait-il inlassablement, d’une voix cassée en prenant sa tête lourde et endolorie entre ses mains tremblantes qui faisaient cliquetés les chaines à ses poignets.

Chat Noir se tenait en retrait et observait en silence. Azazel se montrait prudente, elle se mit doucement à chanter avec le démon enchainé. D’un regard, la déesse l’invita à faire de même. Chat Noir acquiesça et obéit. Cela sembla faire effet sur le démon, car il finit par réagir à leur présence, même s’il paraissait ne pas les voir. L’une des multitudes questions qu’il posa confirma d’ailleurs sa cécité. Chat Noir avait cessé de chanter et écouta Azazel répondre aux questions de Günter sans intervenir. Ce dernier se mit à répéter « qui ». Chat Noir se demandait s’il s’était à nouveau renfermer dans sa bulle ou s’il parviendrait à trouver les réponses à ses questions. Il se mit à monologuer, semblant répéter un dialogue. Peut-être ce qu’il avait entendu ? Chat Noir se contentait d’écouter et ce qu’il entendit lui glaça le sang. Outre l’horreur de ces propos, le démon victime de la cupidité humaine et de la folie d’Era qui cautionnait ces agissements poussa un cri de souffrance atroce. Chat Noir regardait impuissant, le démon se débattre contre ses chaines et ses fantômes. L’ami des chats, n’y tenant plus détourna son regard qui se porta sur un éclat de verre qui imageait la scène à travers les yeux de Günter. Chat Noir supposa que ces fragments devaient être des souvenirs du démon ou du moins, ceux des événements qui l’avaient conduit à cet état critique…

Chat Noir pu voir que le démon devint docile et soumis après qu’une piqûre lui fut administrée directement dans le cerveau. L’ami des chats s’inquiéta : et s’il se faisait capturer et qu’il se retrouvait dans le même état et qu’Azazel ne pouvait rien pour lui, même dans le monde des songes ? Tous les démons sous le joug de la société Ochon subissaient-ils le même sort ? De ce qu’avait laissé entendre Günter, il semblait que d’autres démons avaient pu être assujettis autrement. Il leur faudrait poursuivre leur enquête pour confirmer cela. Peut-être que d’autres démons avaient pu conserver leur conscience intacte dans le monde des rêves ? Chat Noir l’espérait sincèrement.

Günter se mit à chercher mentalement qui lui avaient fait cela, du moins je le supposais car il répétait "qui" en boucle. J'espérais qu'il ne se ferait pas trop de mal en tentant de toucher du doigt les réponses qu'il cherchait. On parlait d'un traumatisme sévère tout de même. Je n'avais aucune idée de ce qui l'attendait même si j'avais des hypothèses.

Je fus surprise de l'entendre faire à la fois les questions et les réponses, se dédoublant pour nous donner un véritable aperçu du récit d'avant son effondrement. Un de mes yeux capta que dans les morceaux de verre, je pouvais voir des photos parfois floues, d'autres plus nettes de scènes. Je les regardais tout en l'entendant réciter ces horreurs. Ils avaient volontairement ciblé un démon d'Anarchy pour montrer sans doute qu'ils pouvaient soumettre même les êtres les plus opposés à leur cause. Ces gens me donnaient envie de vomir. J'envoyais mentalement le nom d'Ochon ainsi que l'image d'un vieil homme bien propre sur lui à mes marchands de sable. S'ils trouvaient ce vieil homme, que ce dernier collait avec mes soupçons et que par chance il dormait encore, il devait être plongé immédiatement dans le comas. Si cette ordure s'autorisait à détruire les autres, je comptais bien lui rendre la monnaie de sa pièce par une boucle de cauchemars bien horrible le temps que l'on sauve les démons.

Je vis Günter rouvrir les yeux, terrorisé et subissant une douleur qui déformait son visage. Le pauvre. Il hurlait à mourir et se débattait de toute ses forces. Je vis dans un des miroirs des scientifiques lui administrer un produit dans le cerveau. Si j'aimais les humains, je devais bien admettre que certains devraient répondre de leurs actes. J'envoyais les images de ces scientifiques à mes compères pour leur faire subir le même sort. Ils allaient souffrir et répondre à des questions s'ils pouvaient encore dormir : c'était un fait.

Entendre Günter répéter en boucle qu'il appartenait à l'autre me choquait. Je fis le choix de m'approcher de lui tout en restant à une distance raisonnable et lui dis d'une voix très douce :

" Günter, ici tu n'as aucun maître. "

J'accentuais les mots sans les dire trop durement.  

" C'est ton rêve. Ici, tu peux renaître et retrouver ta vie le temps du rêve si tu le veux. Puis tout oublier au réveil si c'est plus simple pour toi. Je ne peux pas encore guérir ton corps mais je peux protéger tes rêves si tu le veux. Sois en sûr... "

Je me mis à répéter encore et encore, comme s'il s'agissait d'une formule magique :

" Günter, n'a aucun maître ici. Günter est libre ici. "

La déesse s’approcha mais veilla toutefois à garder une distance de sécurité. Günter était visiblement plus atteint qu’elle n’avait pu l’imaginer. Tandis qu’il répétait « oui, maître » en boucle, elle lui dit en accentuant bien sur les mots qu’ici, il n’avait aucun maître. Elle poursuivit en expliquant qu’ici, c’était son rêve, qu’il pouvait y renaître et retrouver sa vie le temps du rêve, quitte à l’oublier au réveil si c’était plus simple pour lui. Si elle ne pouvait guérir son corps, elle affirmait pouvoir protéger ses rêves. Günter ne réagit cependant pas à ce qu’elle venait de lui révéler. Elle se mit à psalmodier qu’il n’avait aucun maître ici et qu’il était libre ici. Au bout d’un certain temps, le discours du démon se calqua sur celui de la déesse, puis contre toute attente, il l’interrogea :

- Ici… C’est où « ici » ?

Il avait déjà oublié qu’elle lui avait répondu. Néanmoins, il était sorti de la boucle infernale de ses souvenirs de tortures. Il se remit à répéter les propos d’Azazel :

- Günter n’a aucun maître ici, Günter est libre ici…

Il les répéta encore et encore. C’était long. Cela semblait sans espoir et pourtant, Günter luttait en son for intérieur. Il luttait vraiment contre ce brouillard infernal pour reconquérir son âme.

- Günter est libre ici, libre, libre, libre…

Un souvenir de sa vie d’avant lui revint, il ouvrit grand les yeux, revivant la scène, un sourire audacieux se dessinant sur son visage.

- La fin d’Era, on sera libre ! Gloire à Anarchy ! La fin d’Era, on sera libre, libre, libre… LIBRE !!

Les chaînes qui retenaient les poignets du démon se brisèrent tandis qu’il se redressait encerclé par ses flammes impétueuses.

- C’est ça ! J’étais libre et je me battais pour cette liberté au côté d’Anarchy ! J’étais en mission et ces enfoirés d’humains… voilà ce qu’ils m’ont fait et à quoi ils m’ont réduit… Je les hais, je les hais, je les HAIS !!

A force de répétition, Günter fini par calquer mon modèle et cela finit par le faire sortir de sa boucle infernale. Il revint assez à lui pour se demander où il était et pour se souvenir d'Anarchy  et de sa volonté à mettre fin au règne d'Era. Sa mémoire lui permit de se souvenir de quand lui était arrivé le fameux incident et de qui l'avait fait. Il dit haïr les humains. Je hochais la tête et lui dis :

" Tu pourrais te venger d'eux et surtout d'Era car elle est derrière tout cela. "

Il n'y avait qu'elle pour pouvoir inspirer de telles horreurs à l'encontre des démons. C'était une guerre horrible qui se tramait. Je n'aurai pas pensé qu'elle puisse aller aussi loin. Ce qu'elle faisait avant cela était déjà assez horrible. Ceci dit, plus rien ne devrait me surprendre d'elle. Si cela se trouverait, elle provoquerait bientôt l'apocalypse juste pour dire qu'elle aurait le dernier mot. Franchement, plus rien n'était inenvisageable mais j'éviterai de le dire pour ne pas nous porter la poisse.

" Tu pourrais inverser les rôles. Le jour tu les surveillerais et la nuit tu me raconterais tout. Pourquoi ? Car je suis Azazel, déesse des songes et ici tu seras toujours mon protégé. Plus j'en saurai sur leurs agissements, plus vite je pourrai te libérer dans le monde d'Era. Puis je saurais trouver les autres démons pour les libérer eux aussi. "

Une autre option était envisageable et je ne voulais pas le forcer aussi je la jouais franc jeu.

" Ou alors tu peux aussi décider de tout arrêter et je te garde ici. Je te plonge dans le coma jusqu'à nouvel ordre. Ainsi tu ne seras plus jamais à eux. "

La décision était sur la table, s'il était réceptif, bien sûr. Il pouvait peut-être avoir du mal à tout comprendre et tout entendre. Si besoin je le lui répèterai. Je savais faire preuve d'une grande patience si besoin.

" Tu es libre de décider. C'est ta vie. Nul ne devrait décider pour toi. "

La déesse des songes continua à parler au démon qui avait retrouvé ses esprits et lui fit plusieurs propositions.

- Mes ancêtres étaient autrefois vénérés comme des dieux par les humains qui faisaient des sacrifices en guise d’offrandes en échange de leur protection. Puis ces humains ont été considérés comme des païens barbares et convertis à d’autres croyances, tournant le dos à ceux qu’ils vénéraient jusqu’alors… Je ne m’abaisserais pas à me cacher, ceux qui m’ont fait ça… Je vais les défoncer. Quant à Era, elle finira par tomber de son nuage.

Günter était un démon pur souche, fier et impétueux. Ce n’était pas pour rien qu’il avait été si difficile à faire plier et par des méthodes contre lesquelles il n’avait rien pu faire. L’idée de retourner là-bas et de devoir continuer à faire des courbettes malgré lui, lui glaçait le sang, mais il était trop orgueilleux pour se terrer dans cet univers fantasmagorique et attendre que les choses s’arrangent.

- C’est tout décidé : je vais continuer à les laisser jouer à la marionnette avec mon corps et je mémoriserais tout ce que je vois, tout ce que j’entends et ressens qui pourra t’être utile. Ils pensent à voir dressé un gentil petit chien, ils ne savent pas qu’ils ont affaire à un loup furieux.

Un sourire carnassier se dessina sur son visage et ses yeux bleus brillaient d’un nouvel éclat. La vengeance est un plat qui se mange froid… Günter avait bien l’intention de le déguster !

Le démon ne perdit pas de temps et déballa tout ce qu’il savait. Il décrivit comment il avait été capturé ainsi que d’autres compagnons, comment ces derniers avaient été réduis à l’état d’esclavage malgré leur résistance à la torture et comment ils étaient venu à bout de lui qu’ils n’arrivaient pas à faire plier comme les autres :

- Ils m’ont injecté je ne sais quoi directement dans le cerveau et j’ai commencé à planer, comme dans un brouillard qui n’en fini jamais, et à ne plus avoir aucun contrôle sur ce que je faisais. On me disait de faire et je faisais, on me maltraitait et je restais docile… Je ne sentais plus non plus la douleur et ne ressentais plus rien… Comme un zombie… Et j’y ai droit quotidiennement, pour rester leur esclave…

Günter serra les poings et les dents en évoquant ces souvenirs humiliants qui lui revenaient.

- Celui qui dirige tout ça, c’est Paul Ochon. Un chef d’entreprise qui a pactisé avec Era. Ce type a du pognon et du pouvoir. Il paye cher les scientifiques pour faire des expériences sur les démons et les réduire en esclavage. Et eux s’en donnent à cœur joie, car comme il le leur a rappelé : nous sommes des démons et non protégés par les lois humaines.

Le démon planta ses yeux bleus au regard déterminé dans ceux de la déesse :

- Dis-moi ce que tu veux savoir et je te le dirais. Ce sera plus simple si j’ai un objectif bien définit et auquel je dois prêter attention.

Nous faisions face à un démon fier de ses racines, il en existait encore beaucoup et ils avaient bien raison. Nul ne devrait avoir honte de ce qu'il était. Ils s'étaient affranchis d'Era et méritaient une existence propre. Günter évoqua ses ancêtres vénérés comme des Dieux avant d'être délaissés. Telle était la vie : un jour on était vénéré, le lendemain paria. Il fallait savoir s'adapter. Ceci dit, il y avait un monde entre adaptation et soumission. Jamais ils n'auraient dû en venir là et il fit bien comprendre que ce n'était nullement son intention. Il comptait "défoncer" ceux qui lui avaient fait ça et faire tomber Era. Je hochais la tête, assez d'accord avec lui.

Il prit assez rapidement sa décision sur son sort : il continuerait de les laisser l'utiliser pour mieux les faire tomber. Son sourire montrait que sa vengeance serait terrible. Son caractère ne donnait pas envie d'être son ennemi. Nous avions donc la chance qu'il décide de nous aider. Il nous donna beaucoup d'explication : comment il avait été capturé et d'autres ainsi que la manière dont on l'avait soumis avec un produit dans le cerveau. Il précisa avoir sa dose journalière. Ce détail me sembla très intéressant. S'ils avaient besoin d'en réinjecter, nous pourrions le tirer à notre avantage en modifiant le produit à leur insu. S'il perdait en puissance petit à petit, que je les éveillais dans mon royaume, ils pourraient mimer la soumission tout en reprenant le contrôle de leurs gestes. Et alors, le moment venu, les cartes s'abattraient. Ils se retourneraient contre leurs oppresseurs et leur rendraient la monnaie de leur pièce.

Je n'étais pas spécialement rancunière mais je ne tolérais pas ce genre d'horreur. Pour moi, nul mortel n'était autorisé à jouer avec le cerveau d'autrui au point de lui faire perdre sa liberté de penser et d'agir. L'esclavagisme des démons ne serait pas toléré tant que je serai dans cet univers.

En renversant les oppresseurs, je ne doutais pas que de nombreux démons rejoindraient notre cause. Par contre, il faudrait que je trouve aussi un moyen pour que les fidèles d'Era la laissent tomber. J'avais bien un argument ou deux en poche mais ne savait pas encore s'ils étaient suffisants. Je comptais renforcer encore ces points pour convaincre les infiltrés d'Era dans Liberty et les anges restants. Car ce ne serait qu'en ayant la bénédiction de la majorité des anges, que je pourrai espérer régner après Era. Il faudrait que j'en discute un de ces quatre avec Chat Noir. Mais revenons à notre démon.

Il m'expliqua que le leader s'appelait Paul Ochon et qu'il avait de l'argent et du pouvoir. Ils avaient choisi les démons car il n'y avait pas de loi de protection les concernant. C'était écoeurant. Il me demanda ce que je voulais savoir pour qu'il ait un objectif auquel prêter attention. Je hochais la tête et lui dis :

" Je veux savoir où est la réserve de produits qu'ils t'injectent, qui l'utilise, comment et quand. S'ils ravitaillent qui le fait et quand. Cela me permettrait de tous vous libérer petit à petit. Puis, si tu peux capter des discussions d'Era avec Paul Ochon, je le veux bien. Surtout si cela parle de leurs projets ou encore que cela prouve qu'elle accorde plus de crédit aux humains qu'aux anges pour ses plans. Si elle les humilie ou les rabaisse, je veux que tu l'entendes pour que je puisse en avoir la preuve. Cela nous servira en temps voulu. "

Je me doutais qu'Era jouait ses cartes sans aucune affectation. Les anges devraient comprendre à un moment ou un autre qu'ils ne représentaient rien pour elle et qu'Era n'avait en réalité aucune sympathie ou respect pour eux. Ils n'étaient que des pions qu'elle prenait ou jetait au gré de ses envies pour assouvir ses plans du moment. Et, ces temps-ci, elle avait visiblement décidé que ses serviteurs principaux seraient les humains scientifiques et non les anges. La preuve en était que les anges n'avaient pas reçus de pouvoirs supplémentaires et Era restait auprès des humains plutôt qu'au royaume des cieux.

Je poursuivis :

" Je voudrais aussi savoir qui sont tes compagnons, où et quand les trouver. S'ils prévoient de nouvelles victimes, je voudrais aussi savoir où et quand. Est-ce que je t'en demande trop ? Fais de ton mieux, ce n'est pas grave si tu n'as pas tout cela mais ces informations pourraient bien nous aider à renverser la situation très rapidement. "