Eclaircissement [PV Lord Asteb]

Louise avait suivi les indications sur le papier que Lise avait trouvé dans le filtre du bain. Dans le casier désigné, elle trouva une magnifique cape qu’elle s’empressa d’enfiler. Et en s’admirant dans le miroir s’aperçut que les parties de son corps dissimulées par la cape étaient invisibles ! Classe ! Elle se serait cru dans un film d’époque. Louise passa la capuche sur sa tête, rentra bien ses mains dans ses manches et admira : elle ne se voyait plus du tout dans le miroir ! La jeune femme se mit à sautiller en tapant dans ses mains et en riant.

- Il y a quelqu’un ?

Louise se retourna et aperçu une résidente juste en face d’elle. La résidente regardait autour d’elle, semblant chercher d’où était venu le bruit. Louise s’approcha de la résidente et se posta face à elle en la regardant bien droit dans les yeux. Pas de réaction. Louise agita la main devant le visage de la résidente et lui fit même des grimaces pour s’amuser. Rien. Louise s’éloigna, se cacha pour retirer la cape et refit son apparition. Cette fois, la résidente réagit :

- Ah bonjour ! Je me disais bien qu’il m’avait semblé entendre quelqu’un.
- Oui ! Je sors du bain, c’était vraiment très agréable. Profitez bien !

Sur ce, Louise s’en alla en dissimulant sa cape qu’elle alla ranger dans sa chambre. Elle aurait bien le loisir d’en profiter après son entrevue avec Beast. Après avoir été cacher la cape sous son matelas, elle se rendit au bureau de Lord Asteb. Si Louise avait une qualité, c’était qu’elle n’avait pas l’habitude de tourner autour du pot, aussi, dès qu’elle eu l’autorisation d’entrer et après avoir salué le Lord, elle lui demanda sans détour, les bras croisés sur sa poitrine avec une petite moue mécontente :

- Dis-moi, c’est toi qui a dévoré ce résident, Karma, le frère de Rose, au détour d’un couloir et que tu as laissé trainé dans un état lamentable ?

J'étais dans mon bureau, attendant que le temps passe. Les journées étaient interminables pour moi. L'autre devait sentir que je prenais de plus en plus d'ampleur car il me suppliait de la laisser revenir. Hé non, il n'était pas mort, je n'avais autre choix que de le laisser vivre.

- Nous pouvons encore tout arranger, j'en suis sûr. Tu sens bien que tu vas déraper de plus en plus ! Me hurla-t-il mentalement.

Je secouais la tête, mécontent de l'entendre dire la réalité. Je souris parce que si c'était une mauvaise nouvelle pour lui, ça ne l'était pas pour l'ordre des choses. En parlant de cela, voici Louise qui toqua à ma porte. Je l'invitais à entrer. Je me demandais bien ce qu'elle me voulait. Visiblement elle venait les mains vides : c'est qu'elle avait dû avoir des informations. Je la regardais et lui prêtais toute mon attention.

" Oui Louise ? "

Elle me salua puis me demanda juste après :

- Dis-moi, c’est toi qui a dévoré ce résident, Karma, le frère de Rose, au détour d’un couloir et que tu as laissé trainé dans un état lamentable ?

" Effectivement. "

A sa moue mécontente, je supposais qu'elle attendait des explications. Elle me rappelait l'autre, mais puisqu'elle était de mon côté, je voulais bien m'expliquer.

" J'avais une immense faim incontrôlable : lui ou un autre, peu m'importait. Et si je l'ai laissé c'était parce que je devais le faire, ce sont mes ordres. Tout comme j'ai ensuite ramené le corps et je l'ai totalement dévoré pour ne pas laisser l'occasion de le retrouver. "

Je comprenais qu'elle ne puisse pas comprendre.

" Les choses sont totalement normales, il n'y a pas de quoi s'offusquer. Je sais que tu m'aides et ton soutien m'est nécessaire sinon tout irait trop vite. Il y aurait des tas de cas comme Karma ici et là. "

Je marquais une pause et pris un air grave:

" Il faut que tu te prépares : il y aura de plus en plus de molosses et de chaos dans les couloirs de l'hôtel. Nous touchons au but, c'est ainsi. D'autres seront dévorés et exposés mais ce sera our la lune rouge. Là, il n'y aura plus aucune retenue : je ne pourrai lutter contre ma faim et c'est ainsi que ça doit être. "

Beast confirma que c’était bien lui qui avait dévoré ce fameux Karma. Il expliqua, comme un enfant prit en flagrant délit de gourmandise qu’il avait eu une faim incommensurable à ce moment là. Karma n’était pas spécifiquement visé. Ca aurait pu être n’importe qui d’autre. Karma était donc au mauvais endroit au mauvais moment. Pas que Louise s’en souciait à dire vrai, mais elle souhaitait simplement comprendre.

Il lui assura que tout était parfaitement normal et qu’il n’y avait rien d’exceptionnel à cette situation. Il expliqua en quoi son aide était précieuse, puisqu’elle permettait d’éviter que les choses n’aillent trop vite.

Il marqua une pause. Louise resta un moment silencieuse, pressentant que le Lord avait encore quelque chose à ajouter. Et elle avait vu juste ! Il avait pris un air grave et lui fit savoir qu’elle devait se préparer, car il y aurait de plus en plus de molosses et de chaos. Il lui expliqua ce qui allait se passer durant la lune rouge.

- Je comprends mieux. Tu as une faim insatiable… Un peu comme une forme de boulimie chez les humains ? En attendant cette lune rouge, tu devrais te montrer plus prudent et continuer à rester discret. Qu’aurions-nous fait si d’autres t’avaient vu faire et avaient alertés les autres ? Déjà que le très vénérable Lord Asteb ne fait pas l’unanimité auprès des résidents… Il m’aurait été plus difficile de te livrer ta pitance sans qu’elle ne se méfie.

Car Louise se contentait de conduire les résidents jusqu’au bureau du Lord en trouvant de faux prétextes : un renseignement, sortir d’ici, une requête du Lord ou simplement demander à l’accompagner jusqu’à ce bureau qu’elle prétendait ignorer savoir où il se trouvait ou avoir peur d’y aller seule, pauvre et frêle jeune fille qu’elle était !

- Déjà que Lise était à deux doigts de nous dénoncer à cette Rose… Mais ne t’en fais pas, je ne la laisserai pas nous compromettre. Jamais.

Lise qui déjà criait au scandale et hurlait son désespoir dans son esprit... Louise planta ses yeux vairons plein d’assurance dans ceux du Lord. Lui, au moins, il pouvait comprendre ce qu’elle éprouvait. Subir incessamment les pensées et lamentations intempestives de cet autre qui partageait le même corps… Ce n’était pas donné à tout le monde. Et après tout, qu’est-ce que la mort de ces parfaits étrangers pouvait bien faire à Lise ? Ils ne se connaissaient même pas et quand bien même, ce n’était pas comme si elle avait pu compter sur l’amitié, l’affection et certainement pas l’amour de l’humanité ! Oui, on avait pris soin d’elle quand elle était enfant, mais juste le stricte nécessaire, de quoi se donner bonne conscience, par sens du devoir. Ce n’était pas comme si elle avait réellement compter pour qui que ce soit. Alors qu’avait-elle, cette pauvre Lise, à vouloir défendre ces gens ?

- Certains résidents sont sur le qui-vive. Si le doute sur toi venait à être levé et qu’ils avaient la certitude que tu les détiens prisonniers et qu’ils sont voués à se faire dévorer, ils se ligueraient contre toi armés de torches et de fourches. Et j’exagère à peine…

Derrière les reproches de Louise se dissimulait une inquiétude sincère. Elle avait trouvé en Beast un allié, peut-être un ami… C’était plutôt confus. Comment définir quelque chose qu’elle n’avait jamais éprouvé ? Néanmoins, elle ne souhaitait pas qu’il lui arrive malheur. C’était la raison pour laquelle elle s’était alarmée et était venue le trouver lorsqu’elle avait appris pour Karma.

Cela faisait du bien que quelqu'un d'autre que ma maitresse me comprenne - bien que j'ai peu d'espoir que notre relation amicale dure plus de quelques semaines ou mois. La fin approchait. D'une manière ou d'une autre nous ne nous reverrions plus. C'est sans doute parce qu'elle essayait vraiment de me décrypter sans jugement et parce que je n'avais rien à y perdre, que je l'écoutais et me confiais si facilement. Peut-être aussi parce que personne ne m'interrogeait jamais. Tous venaient armés et essayaient de me tuer ou me menaçaient assez rapidement. Et, en ce qui concernait mes serviteurs, je n'avais pas assez confiance en leurs agissements. Ne me croyez pas dupe. Je savais que certains enquêtaient contre moi pour faire revenir l'autre et je les laissais faire car tel était le principe. Je leur mettais la pression de temps en temps et quand l'heure serait venue, ils n'auront plus le droit à l'erreur et moi non plus.

Louise me décrivit comme un boulimique et me dit qu'il fallait que je sois plus prudent sinon les gens allaient se méfier. Apparemment même Lise était prête à me dénoncer. Les inquiétudes de la jeune femme étaient d'autant plus importantes qu'elle avait le sentiment que certains seraient prêts à s'armer et se liguer contre moi pour me tuer s'ils apprenaient la vérité. A cette écoute, je souris et me détendis.

" Oui tu as bien résumé la situation et tu es adorable de t'inquiéter pour moi. Ceci dit, je me dis qu'il est grand temps de changer de plan pour que cette session soit peut-être la bonne. Nous pourrions changer de plan. "

Je la regardais sérieusement et lui dis :

" Laissons Lise crier ce qu'elle souhaite où elle le désire : que cela ne soit plus un secret. "

Je regardais Louise et Lise.

" Écoute bien Lise : je n'ai pas peur d'affronter les résidents. Au contraire : je n'attends que cela. Alors dis leur ce qu'ils sont ici pour moi. S'ils veulent m'affronter ils n'ont plus beaucoup de temps. Ils savent où me trouver mais à leur risque et péril. La lune rouge approche et ils verront chacun d'entre eux se faire dévorer sans pitié de ma part. Dis leur que c'est déjà arrivé plusieurs fois et que cela continuera jusqu'à la fin des temps si personne ne fait rien. "

Je croisais les jambes puis repris :

" Louise, je t'aime bien si cela devait arriver tu serais la dernière. Et j'espère que le moment venu, tu puisses essayer de me protéger contre tous. Ça n'est encore jamais arrivé. "

Louise n’était pas habituée aux compliments et aux marques d’affection. Aussi détourna-t-elle la tête, faussement indifférente lorsqu’il lui dit qu’elle était adorable de s’inquiéter pour lui.

- Oui enfin, n’exagérons rien… Marmonna-t-elle d’un air bougon en croisant les bras pour masquer son embarras.

Elle continua néanmoins d’écouter le Lord attentivement. Elle reporta son attention sur lui et décroisa les bras et regarda Beast comme s’il était devenu complètement fou. Mais peut-être avait-elle mal entendu ou interpréter son propos ?

- Pardon ?

Le Lord s’adressa directement à Lise qu’il encouragea à alarmer les autres résidents et de les inciter à venir l’affronter.

Enfin, il s’adressa à Louise, lui révélant qu’il l’aimait bien et qu’elle serait la dernière. Aussi espérait-il qu’elle le défendrait contre tous, car cela ne lui était jamais arrivé.

- C’est une déplaisante plaisanterie, j’espère ? C’est du suicide ! Tu ne feras jamais le poids contre tous ces résidents en furies ! Même si les humains sont probablement moins impressionnants que les démons ou les anges qui possèdent des pouvoirs, ils peuvent tout autant se montrer cruel et faire preuve d’esprit créatif quand il s’agit de détruire. Pour ne citer qu'un exemple: la bombe atomique.

Louise s’approcha du bureau du Lord et posa vivement ses deux mains à plat sur l’imposant meuble en bois vernis. Son regard déterminé ne quittait pas celui du maître des lieux :

- Pourquoi ? Pourquoi est-ce que tu veux que Lise aille alerter tout le monde et te passer la corde au cou ? Nous avons encore un peu de temps avant cette fameuse lune rouge alors pourquoi vouloir précipiter les choses ? Tu sais quoi ? Laisse tomber tous ces plans idiots, oublions cet hôtel et partons ! Je ne sais pas moi… en croisière autour du monde à faire les quatre-cents coups ? Montrer qu’on existe, nous aussi et profiter de notre existence sans rien devoir à personne ! Après tout, qu’est-ce qu’on a à perdre ?

Louise ne pouvait concevoir de voir son ami se faire massacrer par des résidents vengeurs. Contrairement à Beast qui avait déjà longtemps vécu et semblait tristement résigné à son propre sort, Louise était jeune et pleine de fougue, elle avait de la hargne et soif de justice. Elle ne pouvait se résoudre à le laisser se condamner lui-même.

Je sentais toute la colère et l'inquiétude de Louise. Je laissais toutes ces émotions se déverser sans intervenir. Il valait mieux qu'elle puisse s'exprimer et redescendre en pression pour que je puisse lui répondre après.

Si je savais qu'il était bain de réagir de la sorte, cela me fit extrêmement plaisir, au fond, que quelqu'un ait réellement envie de me sortir de tout ceci. Elle alla jusqu'à me proposer de partir d'ici et de faire faire aventures ailleurs. Je souris sincèrement amusé par cette idée.

Je posais ma main sur celle de Louise et lui dit doucement :

" Ce serait génial. J'adorerais... Mais je ne peux pas partir d'ici car ma mission est trop importante. Je suis loyal avant tout envers ma créatrice, ma maîtresse. Plutôt mourir que de la décevoir... "

J'imaginais par avance sa déception et sa colère aussi j'ajoutais aussi vite :

" Mais il y a une chance que je ne meure pas. "

Je réfléchis à ce que je pouvais dire ou non et me dit que ce n'était pas triché que d'expliquer à ma seule alliée ce qu'il me fallait pour réussir... Mais d'un autre côté il n'y avait pas que Louise et Lise ne pouvait tout connaître sinon je n'étais pas certain que cela fonctionnerait. C'était si rageant de ne pouvoir lui dire que pour sortir d'ici vivant, ils devaient trouver l'arme capable de me tuer. Et que tant qu'ils ne l'auraient pas, tout ça se répéterait. S'il fallait que quelqu'un arrive à me séparer de l'autre eu me libérer du sort puis finalement partir d'ici sans utiliser l'arme devant m'être fatale. Là ma mission serait terminée et je pourrais vivre comme je l'entendais où je le souhaitais et je n'aurai plus jamais faim...

Je regardais Louise et lui dis :

" Il existe quelque part un objet pour me libérer de cet endroit. Là je pourrai aller où bon me semble. Il n'y aurait plus de limite. "

Peut-être que le dire ainsi motivera Louise à la trouver et cela motivera Lise à motiver chacun de me tuer... Le timing déterminerait si je pourrai ou non sortir un jour d'ici après ma mission.

Le Lord posa sa main sur celle de Louise. Il adorerait faire ce qu’elle lui avait suggéré. Mais il ne le pouvait pas, par loyauté pour sa créatrice pour qui il préférait donner sa vie plutôt que de lui infliger une déception. Louise ne comprenait pas. Elle ne le pouvait pas. Elle ne connaissait pas cette créatrice, mais rien que pour ça, elle la détestait déjà. Et quelle pouvait être cette mission si importante pour qu’il ne puisse s’en défaire et agir un peu égoïstement, au moins une fois dans sa vie ?

Louise avait baissé les yeux et fulminait en fixant le bureau. Pleurer ? C’était bon pour les faibles ! Et de toute façon, ça ne changerait rien. Beast lui confia toutefois qu’il existait un moyen pour qu’il ne meurt pas. Louise releva la tête et reporta toute son attention sur le maître des lieux, tout ouïe. Elle ne dit rien, attendant simplement qu’il lui en dise plus sur cette possibilité, aussi infime fut-elle.

"Il existe quelque part un objet pour me libérer de cet endroit. Là je pourrai aller où bon me semble. Il n'y aurait plus de limite."

C’était tout. Sans même lui demander d’avantage d’explication, Louise savait qu’elle ne pourrait soutirer plus d’information de son ami. Sans doute encore ses fichues obligations qui le retenaient…

- Je trouverai cet objet. Déclara-t-elle avec conviction en le regardant droit dans les yeux. Et tu me devras une croisière autour du monde ! Ajouta-t-elle.

Louise m'affirma qu'elle trouverait cet objet en me regardant droit dans les yeux et me dit que je lui devrais une croisière autour du monde. Pour la première fois de ma vie je ris en me disant qu'il puisse exister quelque chose pour moi après toute cette mise en scène forcée... Quelque chose après mon existence toute tracée. Une vie pour moi avec seulement mon existence, comme pour Louise. Ce serait de l'égoïsme à l'état pur : un luxe inestimable.

" Avec grand plaisir. Nous pourrions même faire plus que cela. Tout nous sera possible et nous n'aurions plus jamais de contrainte : juste l'opportunité de vivre pleinement notre vie. "

J'allais la laisser partir à sa quête mais comme la possibilité d'un échec n'était pas à exclure, j'ajoutais comme signe de réelle reconnaissance :

" Quoiqu'il en soit, quand tu te réveilleras je serai à tes côtés. Comme ça tu sauras que tout ce qui se passe ici n'est pas illusoire. "

Ce serait bien la seule à avoir cette chance une fois en dehors de cet endroit, du moins avant que tout puisse se mettre en place.

Beast rit de bon cœur. Louise sentit bien que ce n’était pas pour se moquer. Il accepta volontiers sa proposition et ajouta qu’ils pourraient faire bien plus que cela. Tant mieux. Il ne restait plus qu’à espérer que ni l’un ni l’autre n’ait le mal de mer… Mais on n’y était pas encore, ils aviseraient le moment venus. Pour l’heure, Louise se devait de trouver cet objet dont il avait parlé à demi mot, si elle souhaitait voir se concrétiser leur projet de tour du monde.

Louise n’avait pas une seconde à perdre, aussi s’apprêtait-elle à partir en quête de ce fameux objet. A peine avait-elle posé la main sur la porte que son ami lui dit qu’il serait à ses côtés lorsqu’elle se réveillerait afin qu’elle ait bien conscience que tout ce qui se passe ici n’est pas illusoire. Un sourire se dessina sur le visage de la fière jeune femme :

- J’espère bien !

Confiante et pleine d’espoir, elle quitta le bureau du Lord.