En tête à tête avec personne (ou pas) (libre)

C'était une soirée comme une autre ou presque. Ces derniers temps il s'était pas mal de choses : la déesse suprême avait été attaquée par Era, j'avais appris qu'on rendait esclave des démons et puis ça courait partout. Tous les groupes s'affolaient. J'avais dû rappeler aux membres de Liberty que nous savions très bien qu'entrer en guerre avec une divinité impliquait des risques et qu'elle essayait simplement de nous apeurer. En restant soudés, nous gagnerions la partie. J'avais demandé à chacun d'ouvrir ses yeux et de capturer si possible les démons esclaves pour déjà les sécuriser et essayer par la suite de les ramener à la raison. Il fallait bien faire quelque chose et ça, c'est ce que je voulais que l'on fasse. Ils pouvaient les endoctriner mais dans ce cas, nous récupérerions les démons. Il ne fallait pas déconner non plus ! D'ailleurs, je planchais sur un sacré virus pour leur voler un maximum d'information silencieusement. Mieux valait faire cela que tout détruire, pour le moment. Si j'obtenais des informations, Azazel m'en serait très reconnaissante.

Je vous parle de tout cela et vous me demanderez pourquoi j'étais là, assise à la table d'un restaurant, seule ? Simplement parce qu'il est de bon ton de profiter encore un peu tant que c'est encore possible. Franchement, j'étais débordée mais je ne voulais pas m'oublier. J'allais donc m'offrir un vrai bon repas bien préparé. J'avais entendu le plus grand bien de ce restaurant aussi je voulais goûter, même s'il était cher. J'avais des goûts de luxe et je pouvais me le permettre avec la paie de ce mois-ci. Le hacking, ça peut rapporter gros : croyez-moi.

Je pris donc un petit amuse-bouche en entrée et un verre d'alcool assorti.

J'étais en terrasse et donc j'entendais tout ce qui se passait autour de moi. Il y avait d'autres restaurants, des gens qui passaient, des arnaqueurs qui vendaient des roses... Le classique pour une soirée parisienne.

Le soleil se couchait, je regardais les nuances en me disant que c'était une des choses immuables sympas dans notre univers de dingue. Et je me demandais si quelque part, mes parents le regardaient et regrettaient d'être aussi cons... Est-ce qu'ils se rebellaient contre Era ? J'en doutais. Je me laissais bercer par mes pensées en grignotant de délicieuses bouchées sucrées. Il n'y avait pas à dire : c'était hors de prix mais délicieux. J'en recommandais une deuxième fournée, même si normalement ça ne se faisait pas trop (mais j'étais une bonne mangeuse moi). J'étais prête à payer et puis j'étais habillée chiquement : une belle robe verte en satin accompagnée d'un beau collier doré éléphant.

ma tenue:

Lise, Louise et Bastien avaient décidé de se détendre et d’aller découvrir un restaurant gastronomique réputé à Paris. Lise était curieuse de découvrir à ce genre de cuisine qu’elle n’avait jamais pu goûter, faute de moyens. Louise quant à elle aurait mille fois préféré un kebab, mais prenait sur elle pour faire plaisir à Bastien.

Pour l’occasion, elles avaient mis une jolie robe, arrangé leur coiffure et mis quelques bijoux bon marché mais que Lise trouvait à son goût et assorti à sa tenue. Lise avait à cœur de ne pas faire honte à son ami. Malgré cela, elle se sentait un peu tâche dans ce décor remplis de dames élégantes. Lise était tendue et espérait arriver à se détendre un peu lorsqu’on leur apporta le menu, mais là, ce fut la panique totale : elle ne connaissait absolument pas les plats qui étaient indiqués dans le menu et n’avait absolument aucune idée de quoi choisir. Louise lui dit qu’elle n’avait qu’à choisir au hasard, mais Lise craignait de se retrouver à devoir un plat composé d’aliments qu’elle n’aimait pas et de devoir en plus se forcer à manger pour faire bonne figure.

Le serveur vint à sa rescousse en proposant de l’aider à choisir en lui expliquant de manière détaillée la particularité de chacun des plats proposés au menu. Lise n’avait pas l’impression d’être plus avancée : ce que lui disait le professionnel était du charabia !

Finalement, elle appliqua la méthode Louise et fit son choix au hasard. Elle tenta de se détendre en discutant avec Bastien de sujets légers. Lorsque leurs plats arrivèrent, elle fut impressionnée par la beauté et la délicatesse de ceux-ci ! Cela lui faisait presque mal au cœur à l’idée de manger une telle œuvre d’art. Néanmoins, elle s’inquiéta : à quoi servaient tous ces couverts différents ? Comment fallait-il procéder ? Lise se mit de nouveau à stresser. Louise lui dit d’utiliser les basiques couteau et fourchette comme d’habitude sans se prendre la tête, mais l’anxieuse jeune femme n’était pas satisfaite par cette suggestion. Elle tenta d’observer Bastien et les autres personnes autour d’elle. Elle se sentait décidément très tâche dans ce décor…

- Je… Excuse-moi, je… je dois aller aux toilettes, je reviens… Bafouilla-t-elle.

En se levant un peu trop brusquement pour échapper à cette situation angoissante, elle fit malencontreusement grincer sa chaise, ce qui attira l’attention de quelques clients. Lise baissa les yeux et pinça ses lèvres, rouge de honte. En voulant se hâter d’aller aux toilettes, elle passa un peu trop près d’une jeune femme à la chevelure rousse éclatante et portant une robe verte très chic et bouscula la table, déséquilibrant ainsi le verre posé dessus et le renversant. Le visage de Lise se décomposa instantanément face à la catastrophe :

- Pa… Pardon… Je suis désolée… Vr… vraiment désolée…

La pauvre jeune femme était totalement tétanisée et ne cessait de se confondre en excuse.

Après les émotions fortes des derniers jours, nous avions décidé avec Lise et Louise de nous accorder une pause sur Paris puisque nous y restions quelques jours. C'était validé avec mère : elle n'avait pas besoin de notre soutien ce soir. Nous allions donc en profiter pour nous rendre dans un restaurant digne de ce nom. J'avais cherché sur internet, avec assistance, et j'étais tombé sur ce restaurant gastronomique dont les images faisaient saliver. Ayant envie d'avoir une carrière culinaire, j'avais une envie irrépressible de mettre à l'épreuve mes papilles dans ce lieu. Lise avait accepté et nous nous étions tous deux bien apprêtés pour correspondre à la clientèle du restaurant. Oubliez les baskets et le jean troué. Déjà, ce n'était pas dans mes habitudes mais encore moins ici. J'avais enfilé un beau costume : une belle chemise blanche avec un pantalon beige et sa veste de la même couleur. J'étais très élégant tout comme Lise que je trouvais ravissante. Après l'avoir complimentée, je l'emmenais là où nous pourrions nous relaxer. Du moins, c'est ce que je pensais.

Si j'étais à l'aise comme un poisson dans l'eau, c'était tout l'inverse pour Lise qui semblait paniquer un peu plus chaque seconde malgré mes tentatives de réconfort. Même quand le serveur la guida, elle ne sembla pas plus à son aise mais je ne lui posais pas de question sur le sujet. Mieux valait lui faire penser à tout autre chose. Nous discutions de la douceur du temps, de la décoration, du raffinement des couverts - oui j'étais assez bluffé - et d'autres sujets très légers. Elle semblait détendue ou plutôt moins stressée pour mon plus grand soulagement. Vinrent bientôt les plats : ils étaient d'une beauté sans pareil et je ne doutais pas que les saveurs soient elles aussi au rendez-vous.

Je commençais la dégustation, prenant les couverts extérieurs sans trop me poser de question, quand je remarquais que Lise ne semblait pas être dans son assiette au sens propre. Elle s'excusa, me disant devoir aller aux toilettes. Peut-être était-elle souffrante ?

" Pas de problème. Fais au mieux pour toi. "

En se levant, sa chaise fit un bruit assez strident. Beaucoup se retournèrent, surpris de ce son. Je vis Lise rougir et n'eus pas le temps de lui dire quoi que ce soit. Elle se précipita vite vers les toilettes mais bouscula une table qui eut l'effet de faire tomber le verre d'une cliente. D'ici il était difficile de dire si la verre avait arrosé ou non la splendide robe de la jeune femme.

Lise était totalement bouleversée par la situation et s'excusait encore et encore. J'hésitais à intervenir : je voulais l'aider mais peut-être allait-elle mal le prendre ? Si Louise prenait les commandes, les choses auraient pu rapidement dégénérer... En même temps, ça aurait été extrêmement paternaliste de ma part de venir demander de l'excuser. Je choisis de regarder l'évolution de la situation et déciderait en conséquence d'intervenir ou non.

J'étais trop plongée dans mes pensées pour voir débarquer le bulldozer que représenta cette jeune femme pourtant si frêle. Par contre, je sentis très bien l'alcool bien frais m'éclabousser de la poitrine au nombril et se répartir petit à petit sur mes cuisses. Une douche parfumée alcoolisée et pétillante : c'est bien ce qu'il me fallait pour me détendre, tiens ! Ma tête, bien trop expressive, montra à quel point j'étais contrariée. Je ne m'étais pas payée ce restaurant hors de prix pour finir dans cet état dès l'entrée. C'était inacceptable. Je tournais les yeux, persuadée qu'il s'agissait de l'erreur d'un serveur mais il n'en était rien. C'était une cliente qui était en train de se confondre en excuse. Je ne pus m'empêcher de lui lâcher un :

" Vous pourriez faire un peu attention. "

Avant de voir combien elle se rabaissait. Je soupirais et m'approchais d'elle pour lui murmurer :

" Ce n'est pas grave, je suis sûre que grâce à vous je vais pouvoir négocier une jolie réduction pour mon repas. Mais pour ça je vais crier mais c'est pour la réduction. Je ne vous en veux pas, mais vous devez bien ça, d'accord ? "

Une fois cela dit j'en rajoutais :

" Regardez ce carnage : ma robe est fichue... C'était le dernier cadeau de ma mère m'avait fait avant de... Dire que je pensais passer un bon moment ici. "

Je fis mine d'être à deux doigts de pleurer quand un serveur intervint, tout confus :

- Veuillez nous accepter nos excuses, madame. Nous aurions dû espacer un peu plus les tables. Nous vous offrons à toutes les deux votre plat et votre dessert.

Comme je m'y attendais, ce n'était pas dans l'intérêt du restaurant d'avoir un esclandre. Il voulait que nous sessions toutes les deux nos jérémiades. J'acceptais la réduction et me rendis aux toilettes tout comme l'autre. Une fois à l'intérieur de ces derniers, je pouffais de rire.

" Nous aurions dû espacer un peu plus les tables... Elle est bonne celle-là. En tout cas bravo, on va avoir la réduction du siècle. Au prix du plat et du dessert, ça se prend. "

Je me regardais dans le miroir et serrais les dents avant de prendre des serviettes pour éponger un peu tout cela. Comme ce n'était pas très concluant, j'essayais d'utiliser le sèche main en hauteur. C'était fastidieux mais ça séchait doucement.

Lise était terriblement confuse. Elle souhaitait disparaitre, mais en même temps ne voulait pas céder sa place à Louise qui ne manquerait pas de se faire remarquer, elle qui voulait rester discrète… Certes, c’était raté. Cependant, ce n’était pas une raison pour en rajouter.

La cliente se plaignit d’abord, puis s’approcha d’elle pour lui confier dans un murmure que ce n’était pas grave et qu’elle allait négocier une réduction, qui nécessiterait qu’elle élève un peu la voix. Lise acquiesça doucement, toujours sans oser regarder la femme qui mit son plan à exécution. L’anxieuse jeune femme songea qu’après tout, elle devait bien ça à cette inconnue étant donné ce qu’elle avait fait… Lise se recroquevilla un peu plus sur elle-même en sentant les regards des autres clients interpellés par la situation. Un serveur vint s’excuser en mettant en cause la responsabilité du restaurant dont le personnel aurait dû mieux espacer les tables. Ainsi, en dédommagement, ils offraient leurs plats et desserts aux deux clientes. Lise était d’autant plus gênée de le voir assumer sa propre maladresse, mais elle ne dit rien.

Elle se rendit aux toilettes, comme initialement prévu, accompagnée cette fois de la jeune femme qui avait fait les frais de sa maladresse. La jeune femme pouffa de rire et félicita même Lise pour la réduction qu’elles allaient écopées toutes les deux.

- Vous… vous ne m’en voulez pas ? Je suis vraiment désolée… Je… je vous rembourserai pour votre robe s’il le faut, je… pardon…

Lise ne savait plus quoi ajouter d’autre. Elle avait simplement envie de pleurer. Elle s’approcha de l’évier et se rinça le visage à l’eau froide pour tenter de se calmer. Elle laissa couler ses larmes qui se confondirent avec l’eau fraiche qui lui fit un peu de bien, même si son souhait le plus cher était de quitter cet endroit au plus vite. Elle s’en voulait tellement, elle avait voulu faire plaisir à Bastien, elle pensait qu’elle serait à la hauteur, mais ce n’était pas le cas et elle s’en voulait même d’avoir pensé pouvoir l’être.

Visiblement la pauvre demoiselle s'en voulait encore de l'évènement. Je secouais la tête tout en continuant de sécher ma robe. Elle restait tâchée mais se sentir vraiment sèche était plus agréable. Je revins vers elle quand j'eus terminé et lui dis en haussant les épaules :

" C'est bon : c'était un accident puis ce n'est qu'une robe. Elle est belle, certes, mais elle n'a en vérité aucune valeur sentimentale, soyez rassurée. Puis je gagne bien ma vie, j'arriverai à m'en payer une autre. "

Maintenant que j'étais proche, je vouais à sa tête qu'elle avait vraiment beaucoup de mal à digérer tout cela. D'un air léger j'ajoutais :

" Allez, relâchez la pression. C'est même plutôt pas mal : ça fait de moi LA demoiselle en détresse. Qui sait, on me draguera peut-être à cause de cela en sortant. Oh madame, vous êtes si malchanceuse, laissez-moi vous raccompagner... Oh mais que c'est aimable de votre part mon brave. "

Je mimais la scène de manière très théâtrale. C'était assez drôle. Je me faisais rire toute seule : ce qui contrastait avec l'humeur de l'autre. Je repris donc un peu mon sérieux.

" Mais sérieusement, si vous stressez comme ça au moindre pépin, vous allez vous faire un ulcère. Faites comme moi : mettez en lumière l'opportunité dans le malheur. C'est sans doute le meilleur conseil de votre vie : c'est cadeau comme le repas et le dessert. "

Je lui fis un clin d'oeil avant de parfaire mon fond de teint et repartit à ma table sans en rajouter cette fois. J'avais eu ma réduction et je ne souhaitais pas m'afficher plus que nécessaire. Est-ce que j'en voulais encore à l'inconnue ? Non parce que j'avais gagné un bon repas et vu les tarifs du restaurant, j'aurai de quoi me repayer une robe. Puis, avec mon sens de la négociation, je savais que je pourrai tout avoir à l'oeil.

Je me réinstallais à ma table et passais au plat. Du coin de l'oeil je guettais pour m'assurer qu'elle était passée à autre chose. C'était fou cette histoire : c'est moi qui subissait le dommage mais c'était moi qui veillait sur l'autre. Le monde à l'envers... Et en même temps, c'était moi qui veillait au bien être d'un humain. L'ange en moi ne pouvait s'en empêcher.

La rousse prit le temps de la rassurer en lui rappelant que ce n’était qu’un accident et que ce n’était qu’une robe sans valeur sentimentale. Lise acquiesça doucement, quelque peu rassurée. L’inconnue fit de l’humour, mais Lise n’y fut pas réceptive. Enfin, elle lui fit une petite leçon de morale gratuite concernant son stress et l’opportunité dans le malheur. Lise acquiesça d’un signe de tête et la remercia dans un murmure. L’inconnue sorti des toilettes et Lise y resta encore un moment, le temps de retrouver une certaine contenance. Elle craignait de retourner auprès de Bastien après s’être ainsi fait remarquée. Pauvre Bastien, il comptait sur son amitié, mais qu’avait-elle à lui apporter si ce n’était des ennuis ?

Louise tenta bien de la raisonner, en vain. C’était peine perdue quand elle se mettait dans des états pareil. La jeune femme de caractère laissa Lise se fermer comme une huître le temps de se remettre de ses émotions et pris le relais. Elle rejoignit Bastien et lui décocha un sourire :

- Désolée pour l’attente, j’espère que tu ne t’es pas senti trop seul… Alors, goûtons cela ! Bon appétit !

Louise prit ses couverts sans se poser de question et entama son repas. Elle resta un moment interdite, ne sachant trop définir si elle aimait ou pas ce qu’elle avait en bouche. Elle reprit une cuillerée et prit le temps de goûter.

- C’est… spécial. Commenta-t-elle.

Elle n’était pas habituée à de tels mélanges de saveurs et de subtilités. C’était particulier pour elle.

- Tu veux goûter ? Proposa-t-elle à son ami.

J'avais bien fait de ne pas intervenir : les choses avaient fini par se régler d'elles-même. Un serveur vint s'excuser auprès des deux jeunes femmes et leur fit savoir que leur plat et leur dessert seraient offerts. Si nous n'avions pas de problématique d'argent, l'autre jeune femme allait sans doute être soulagés par cette offre et ne plus tenir rigueur à Lise. Elles allèrent toutes deux aux toilettes mais Lise fut particulièrement longue. J'espérais que l'autre ne lui avait rien dit de désobligeant en tête à tête. Tout aurait pu se produire après tout. Tout... Louise aurait aussi pu exploser mais vu la tête détendue de la rouquine, j'en doutais. Elle semblait avoir repris sa vie tranquillement.

Enfin, elle revint... Même si c'était finalement Louise qui était là. M'étais-je trompée ? La rouquine faisait-elle semblant que tout allait bien mais avait été remise à sa place ? J'avoue que ces questions me tournaient un moment dans la tête puis je les laissais de côté. C'étaient leurs affaires. Louise avait le droit de se disputer avec qui elle le souhaitait tant que cela ne m'affectait pas. Ma sauveuse s'excusa pour l'attente et espérais que je ne m'étais pas senti trop seul. Je secouais la tête.

" Non, ça a été ne t'en fais pas. J'avais juste hâte de pouvoir enfin déguster tout ceci en ta compagnie. Bon appétit également.  "

J'attaquais le plat tout excité de pouvoir me délecter de ces saveurs uniques. Pour ma part, je ne fus pas déçu. On pouvait voir mes yeux s'illuminer à l'instant où je portais la fourchette à la bouche. De son côté, Louise ne semblait pas du tout dans le même état. La surprise ou le doute était de mise. Elle me dit trouver cela spécial et me proposa de goûter. Je hochais vivement la tête et pris une petite portion avec ma fourchette.

" Hm, c'est fin et c'est vrai un peu surprenant mais j'adore. Tu veux goûter mon plat ? Il est plus doux en bouche je trouve. "

Les saveurs étaient fines mais d'une autre manière et la sauce était à tomber à la renverse, de mon point de vue. Je n'étais pas un expert mais il est vrai que j'étais prêt à découvrir tout type de saveur avec enthousiasme et je n'étais pas très difficile. Vraiment, la nourriture était vraiment un domaine qui pourrait m'enthousiasmer. Je reviendrai sans doute ici si j'en avais l'occasion pour tenter chacun des plats.

Avec tout cela, je pensais bien moins à ma blessure et tant mieux.

Bastien la rassura en lui répondant que cela avait été et qu’il avait hâte de déguster tout ces plats en sa compagnie. Pour sa part, Bastien se régala et apprécia sincèrement son repas. Il goûta au plat de Louise et l’apprécia tout autant qu’il le trouvait surprenant. Il lui proposa de goûter son plat. Louise accepta et confirma :

- Ah oui, c’est vraiment différent ! Je vais laisser Lise goûter le plat qu’elle a choisi, peut-être qu’elle le préfèrera à moi… Je choisirai le dessert.

Lise reprit le contrôle. Elle s’excusa auprès de Bastien de l’avoir fait attendre et aussi de s’être fait remarquer là tout à l’heure. Elle se tût et hésita un moment avant de goûter au contenu de son assiette entamé par Louise.

- C’est bon. Dit-elle doucement. Très bon, même.

Les saveurs étaient nouvelles pour elle et certes spéciales, mais elle apprécia et prit le temps de bien déguster son plat.

- Je n’avais jamais rien goûté d’aussi délicieusement surprenant. A l’hôtel, tout était délicieux aussi, mais j’avais tendance à rester sur ce que je connaissais. Merci de me permettre de découvrir des nouvelles choses, Bastien.

Un timide sourire se dessina sur les lèvres de la jeune femme qui faisait des efforts pour permettre à Bastien de passer un agréable moment en sa compagnie.

Lise osa un furtif regard à la jeune femme rousse dont elle avait renversé le verre un peu plus tôt. Elle espérait que la tâche sur sa robe ne l’incommodait pas et qu’elle appréciait son repas. Elle repensa à ce qu’elle lui avait dit un peu plus tôt : « mettez en lumière l'opportunité dans le malheur ». C’était une bien jolie citation, mais comment faire pour réussir à l’appliquer ? Lise devrait méditer là-dessus… Quelle opportunité y avait-il à être malchanceux ?

- Dis… Est-ce que tu comprends ce que ça veut dire « mettre en lumière l’opportunité dans le malheur », toi ? La dame de tout à l’heure m’a dit ça, mais je ne suis pas sûre de comprendre…

Lise avait posé sa question sans détacher ses yeux de son assiette. Louise ne put s’empêcher d’intervenir :

- Vous avez deux heures ! Haha !

Elle rendit sa place aussi vite à Lise dont le rouge était monté aux joues. Louise était vraiment insupportable à ne rien prendre au sérieux et à n’en faire qu’à sa tête.

Louise confirma que nos plats étaient bien différents. Ceci dit, elle ne devait pas avoir tant apprécié ni l'un ni l'autre car elle décida de laisser place à Lise pour voir si elle préférait le plat. Elle avait raison d'agir de la sorte : si Lise appréciait, autant le faire. Il serait dommage de se forcer avec des plats aussi raffinés. Elle fit cependant remarquer qu'elle choisirait le dessert. Je la laissais faire à son vouloir, content de pouvoir prendre un repas à trois. Ainsi je pourrai profiter de la compagnie de Lise et de Louise. J'étais un petit veinard.

Lise fut de retour et s'excusa à son tour de m'avoir fait attendre mais aussi de s'être faite remarquée. Je secouais négativement la tête et la rassurais :

" Je n'ai pas tant attendu que ça et pour l'incident. Je m'étais surtout inquiété pour toi. Se faire remarquer je m'en moque totalement. Enfin, tout s'est bien terminé : c'est le principal. "

Lise goûta à son tour et apprécia vraiment. Tant mieux ! Je souris, soulagé qu'elle puisse passer enfin un bon moment après tout ce stress. Elle expliqua que même si tout avait été délicieux à l'hôtel, elle était restée dans sa zone de confort : ce qui était légitime. C'est timidement qu'elle me remercia de lui permettre de découvrir de nouvelles choses. Je souris, un peu surpris du compliment et lui dis avec sincérité :

" Mais tout le plaisir est partagé. Merci de partager ce repas avec moi. "

Je continuais de déguster le plat lorsqu'elle me demanda si je comprenais ce que voulait dire "mettre en lumière l'opportunité dans le malheur". Je clignais plusieurs fois les yeux, me demandant d'où elle avait sorti cela. L'attente ne fut pas longue : elle m'expliqua dans la foulée que c'est l'autre jeune femme qui lui avait dit cela. J'allais répondre quand Louise intervint, me faisant rire légèrement. Lise, elle, avait rougi. Je ne dis rien sur ce sujet, préférant essayer de résoudre le mystère du jour.

" À mon avis, ça veut dire que si un malheur arrive, on peut y trouver une occasion de faire quelque chose de positif... Voir le malheur comme une chance de se dépasser, de faire quelque chose que l'on n'aurait pas fait sinon. Enfin, c'est mon avis après tu peux lui demander si tu veux être sûre que je ne dis pas n'importe quoi. "

Tout ceci semblait très philosophique. Cette jeune femme semblait en tout cas avoir tenté de remonter le moral de Lise, si j'avais raison.

" En l'occurence, je dirai qu'elle a profité de ta maladresse pour se faire offrir son repas. Et si elle t'a dit ça, c'est sans doute que finalement ça ne l'a pas trop affectée... Mais encore une fois, c'est ma version. Je ne suis pas télépathe. "

Bastien la rassura. Lise ne savait pas s’il était sincère ou s’il était simplement gentil et prévenant et disait ça pour qu’elle ne s’inquiète pas. Elle décida cependant de ne pas trop se poser de questions et se contenta d’acquiescer d’un signe de tête, reconnaissante et décidée à déguster ces plats à la fois délicats et surprenants.

Son ami prit le temps de réfléchir à la question qu’elle venait de lui poser avant de partager son opinion. Lise se demandait bien quel malheur avait pu lui apporter quoi que ce soit de positif dans sa vie… Bastien lui dit que c’est ainsi qu’il le comprenait, mais que si elle voulait être sûre, elle pouvait demander directement à la personne qui le lui avait dit. Lise secoua doucement la tête. Elle se satisferait de cette explication. Louise n’était pas de cet avis :

- Je pense la même chose, mais autant en avoir le cœur net !

La jeune femme se leva et s’approcha de la rousse :

- Excusez-moi ? Pa…Pardon de vous déranger encore, mais je… vous allez probablement me prendre pour une idiote, mais je ne suis pas sûre de bien comprendre ce que vous vouliez dire par « mettre en lumière l’opportunité dans le malheur » ?

Louise était particulièrement douée pour se faire passer pour Lise. Elle avait d’ailleurs été fichtrement surprise lorsqu’elle s’était aperçue que son petit manège n’avait pas fonctionné sur Azazel et Beast à l’hôtel California. Rien d’étonnant finalement, de la part d’une déesse et d’une espèce de demi-dieu.

Les choses avaient repris pour moi : je mangeais tranquillement et j'avais vu que la demoiselle s'étaient remises de ses émotions. Tout allait donc pour le mieux aussi je pouvais souffler, profiter d'un moment pour moi. Bon, j'avoue avoir profité plus sans une robe tâchée mais cela me forçait à prendre sur moi, ce n'était pas plus mal. Comme je lui avais fait comprendre : il fallait voir l'opportunité dans le malheur. Cette vision m'avait permis de vivre tellement mieux ma vie lorsque tout aurait pu me désespérer. J'étais bien contente d'être assez brave pour la tenir coûte que coûte.

J'avais bien savouré le plat principal et il était temps d'attendre le dessert. C'est pendant ce temps de pause que débarqua de nouveau la demoiselle pressée de tout à l'heure. Que me voulait-elle ? Franchement, j'espérais qu'elle n'allait pas encore s'excuser car à la longue ça allait être agaçant. J'étais patiente mais je n'aimais pas ceux qui passaient leur existence en lamentations ou du moins pas à côté de moi quand je voulais simplement passer un moment agréable.

Elle s'excusa deux fois et bégaya, toujours aussi embarrassée, avant de finalement me demander ce que j'avais voulu dire par ma phrase. J'étais soulagée de savoir que ça n'était que cela. Une fois que je lui aurais expliqué en des mots simples, elle me laisserait et repartirait avec un peu de chance moins terrorisée de vivre.

Je la regardais, l'invitais à s'assoir sur la seconde chaise et lui dis d'une voix amicale :

" Désolée, j'aurai dû utiliser un vocabulaire plus simple ou dire franchement les choses. Alors je reformule plus vulgairement : dans la vie, on a vite fait de subir des crasses encore et encore. Tu as deux options : pleurnicher ou comme dit l'expression : apprendre à danser sous la pluie. Plutôt que subir deux fois en pleurant ton sort, mieux vaut accepter ces crasses et trouver le positif, y voir un défi de l'univers que tu vas relever. Tu ressortiras bien plus heureuse en te challengeant, crois-moi et des fois on y trouve même de la fierté à s'assoir se relever quoi qu'il arrive. "

Je jetais un oeil à son partenaire et lui dis :

" Et c'est d'autant plus facile parfois de le faire quand d'autres sont là pour nous soutenir. Je ne me fais pas de souci pour toi : avec un peu de pratique tu y arriveras. "

Je n'avais pas du tout imaginé que la demoiselle puisse avoir une double personnalité. Cela ne se voyait pas du tout et je n'étais pas télépathe.

Louise avait la même interprétation que moi mais comptait bien demander confirmation à la jeune femme. Cela allait sans doute mettre mal à l'aise Lise mais au moins aurait-elle sa réponse. Je n'intervins pas et attendais patiemment le retour de Louise. Je fus rassuré de voir que l'autre femme lui parlait avec gentillesse. Si je ne compris pas tout, je crus comprendre que j'avais raison. J'espérais que la leçon allait bientôt se terminer car j'avais bien envie de passer au dessert. Oui, j'avais terminé. J'avoue avoir été un peu impoli mais il fallait bien que je m'occupe et surtout je me régalais ! Je n'avais pas laissé une seule trace de mon plat car j'avais utilisé la fameuse technique du pain pour récupérer le reste de sauce.

Ayant repéré ce qui me ferait peut-être plaisir en dessert, je n'avais plus qu'à attendre leur retour.

J'étais très reconnaissant envers Lise et Louise pour cette soirée : cela me faisait un peu moins penser à ma blessure. Je suppose que c'était aussi une des raisons qui faisait que je voulais qu'elles reviennent vite : sans elle, j'y repensais et elle se manifestait d'autant plus. J'eus un petit coup de fatigue. Je décidais qu'il ne serait pas mal vu qu'à mon tour je me rende aux toilettes. Je fis donc un petit geste en passant à Louise pour qu'elle ne s'inquiète pas et allait au petit coin. Je verrouillais la porte générale des toilettes des hommes et inspectait ma blessure. Elle saignait un peu. Je décidais de prendre un peu de papier pour absorber le sang et surtout éviter que cela tâche ma chemise. Me trouvant un peu pâle, je me passais un peu d'eau sur le visage. J'entendis quelqu'un toquer. Je répondis :

" C'est occupé. J'ai bientôt fini. "

Je me tapotais doucement le visage et me murmurais à moi-même :

" Allez Bastien, on y retourner et on passe une excellente soirée avec ces demoiselles. Ce n'est pas cette petite blessure qui va nous gâcher la soirée. "

Une fois bien apprêté et rafraichis mais sec, je sortis des toilettes pour le plus grand soulagement d'un camarade visiblement à bout de patience. Je rejoins la table, tout sourire en voyant ma sauveuse et celle qui m'appréciait de plus en plus.

" Alors, a-t-on une réponse à la question philosophique du jour ? "

La jeune femme se montra sympa, plutôt que de l’envoyer boulet – ce que Louise aurait très certainement fait à sa place – elle prit le temps de lui expliquer ce qu’elle avait voulu dire par là. Bastien et Louise l’avaient bien compris. Il n’y avait que Lise pour ne pas comprendre. Ou faire semblant de ne pas comprendre, car elle était très douée en matière de déni. Lise lisait des livres parfois bien plus compliqués que ça et elle aurait été incapable de saisir ce que lui disait son interlocutrice ? A d’autres, mais pas à Louise. Néanmoins, sa jumelle n’avait plus d’excuse : elle était obligée d’avoir compris, car on ne pouvait être plus clair désormais.

- Je comprends mieux… Merci… Et encore désolée du dérangement. Répondit Louise qui se faisait toujours passer pour Lise avant de rejoindre son cher ami Bastien qui s’était absenté un moment pour aller au petit coin à son tour.

Bastien lui demanda si elle avait eu la réponse à la question philosophique du jour. Louise acquiesça.

- On avait raison et je suis sûre que Lise avait très bien compris, elle aussi, sauf qu’elle n’aura plus d’excuse et ne pourra plus prétexter qu’elle ne comprend pas.

Louise acheva son repas et ils passèrent au dessert. Ils bavardèrent de choses et d’autres, abordant de préférence les sujets légers et la suite de leur voyage. La jeune femme encouragea Bastien à goûter une part de son dessert.

- Pas mal, non ? Au fait, puisqu’on est privé de sensations fortes, on pourrait aller voir un film au cinéma qu’en penses-tu ?

Louise me confirma que nous avions raison et me fit comprendre que Lise l'avait très bien compris avant la confirmation. Pour elle, ce n'était qu'une excuse et je me demandais pourquoi. Après tout, elle pouvait avoir compris le principe sans pour autant vouloir ou pouvoir l'appliquer. Je suppose que cela me dépassait.

" Je suppose. " Dis-je pour ne pas trop me mettre à dos ni l'une ni l'autre.

Après que Louise ait terminé à son tour son plat, nous eurent la chance de passer au dessert tout en discutant. Cela me fit du bien : j'oubliais un peu plus la douleur et laissais les pensées positives m'envahir. Ma sauveuse me proposa même de goûter une part de son dessert : j'en fis de même. Je goûtais et fut surpris en bien.

" C'est délicieux. Tu as bien choisi et oui aller voir un film serait une très bonne idée. On pourrait aller voir un film d'action ou autre chose. En vrai, j'aime toutes les sortes de films donc fais-toi plaisir et je suivrais sans problème. "

La question était de savoir si notre choix déplairait ou non à Lise mais Louise serait bien assez grande pour juger si cela conviendrait ou non. C'était leur quotidien, après tout. D'un autre côté, comme elles se faisaient toujours un peu la guerre, je pris soin de demander à ce que Louise choisisse quelque chose qui ne mette pas mal à l'aise Lise. Nous avions ceci dit encore un peu de temps pour nous décider. Je finis mon verre et mis mon manteau.

Je me leva et alla pour payer l'addition mais on me re-confirma que tout était offert pour compenser l'incident. Je remerciais le serveur et donnais le bras à Louise pour la route. Nous allions pouvoir nous rendre au cinéma. Ce serait sympa de passer un moment détente de ce genre. Je n'avais jamais été au cinéma et j'étais impatient de voir si tout était comme dans les films / séries que j'avais vu.

Je me voyais bien prendre du pop-corn sucré, une grosse boisson puis profiter de l'ambiance sonore à priori assez élevée pour être vraiment projeter dans l'action.

" Merci encore de partager cette soirée avec moi. J'ai hâte de tenter l'expérience du cinéma. "

Ceci dit, je doutais que ce soit mieux que l'expérience de l'Hôtel California, forcément. Mais j'avais hâte.

[Sujet clos]