Désolé pour hier soir d'avoir fini la tête à l'envers

Seth Drake


Le balafré poussa la porte de la chambre. Il grimaça alors qu'un léger grincement s'échappait de ses gonds, sonnant comme la pire des tortures dans son crane qui semblait encore pulser des restes de ses aventures de la veille et de son rendez-vous avec une bouteille d'alcool. Promis demain j’arrête de boire… Combien de fois l’avait-il répétée cette phrase ? Il lui semblait que chaque fois ça ne soit qu’un éternel recommencement. Il buvait pour fuir et le lendemain tout était contre lui afin de lui rappeler qu’il était peut-être un peu plus confortable d’affronter ses problèmes que prétendre qu’ils n’existaient pas en les noyant sous une grosse rasade d’alcool.

Les couloirs lui semblaient déserts à première vue. Il lui revenait des bribes de souvenirs de la veille. On l’avait accueillit, choyé et sur le coup il s’était dit que tout ça n’était pas trop mal mais à présent l’idée de la note qui allait accompagner tout ça le faisait frémir. Ses poches étaient pleines de papillons. Il n’était même pas sur d’avoir de quoi se payer le retour chez lui mais… Peut-être que s’il se faufilait à l’extérieur sans être vu ? Même s’il songeait avant ça à se trouver quelque chose pour apaiser sa migraine.

Le balafré se mit en route, cherchant au hasard la sortie ou quelqu’un qui pourrait le dépanner avec un médicament. Son regard se posa rapidement sur une silhouette féminine. Espérant qu’elle puisse l’aider il s’approcha.

-Salut, t’aurais pas du paracétamol ?

Un nouveau était arrivé, encore un. Pauvre humain, quel qu’il soit. Il aurait mieux fait de se détourner mais le voici parmi nous. Je priais pour lui et espérais qu’il serait assez intelligent pour au moins feindre être fidèle. Je connaissais son identité comme celle de tous les résidents. Pour cause : le Lord lui-même nous donnait des petites fiches à retenir sur chacun avec quelques aides sur ce que l’on pouvait proposer. Comme c’était mon tour d’accueillir les nouveaux, j’avais donc suivi les notes et dans mon sac se trouvait comme par miracle deux boites de paracétamol. Je n’allais pas tout lui donner par précaution mais autant dire que lorsqu’il me posa la question, je ne fus pas prise au dépourvu. Le Lord avait encore une fois vu juste. J’ignorais comment il pouvait savoir autant de choses sur chacun mais c’était chaque fois déconcertant.

Je m’approchais de Seth, lui adressais un sourire chaleureux et lui répondis de ma voix douce :

“ Salut. Tu as de la chance, j’en ai avec moi. Tiens. ” Dis-je en sortant un comprimé encore emballé de mon sac pour le lui déposer dans la main.

J’en profitais pour lancer la discussion.

“ Tu es nouveau, je me trompe ? Je ne pense pas que nous ayons eu la chance de nous croiser. Je m’appelle Lasdael et toi ? ”

M’étendre sur ma fonction n’était pas encore nécessaire. De toute façon, il l’apprendrait tôt ou tard. Je n’aimais pas directement afficher ma position vis-à-vis du Lord sans doute inconsciemment à cause de mon dégoût de ce dernier. Si j’en avais la possibilité, cela ferait bien longtemps qu’il serait mort et que nous vaquerions tous à notre vie paisible. Que voulez-vous, la vie est souvent pavée d’embûches : il faut savoir faire preuve de patience. La mienne commençait à doucement s'amenuiser. Qui sait combien de temps j’allais encore devoir subir cet infernal endroit.

Si mes pensées étaient un rien sombre, j’arborais toujours mon minois souriant, avenant. Avec le temps, jouer la comédie était devenu une seconde nature. C’est ce qui avait été nécessaire pour survivre à tous les autres résidents. J’étais la plus ancienne en vie, hormis le Lord.

Assez parlé de moi, revenons-en à notre nouvel invité.

" Tu as mal quelque part ? Tu t'es blessé ? Je me permets de te le demander car je m'occupe souvent des premiers soins ici. "

Seth Drake


Elle avait du paracétamol. Quelle chance. Il se voyait déjà arpenter chaque pièce, chaque couloir, chaque chambre à la recherche du petit cachet magique qui lui permettrait d’atténuer un peu la douleur qui lui rongeait le cerveau, quand bien même il fut lucide quant au fait que le médicament ne ferait qu’atténuer un peu la douleur et ne le soulagerait pas totalement. C’était mieux que rien comme on dit dans le jargon.

Le balafré remercia la jeune femme, se gardant bien de trop en faire malgré tout. Il prit le temps de débarrasser le cachet de sa capsule d’aluminium et de la porter à ses lèvres. Un peu d’eau aurait été la bienvenue mais pour ça il pouvait faire sans et le paracétamol glissa bien vite dans sa gorge sans aucune autre forme de procès.

Voilà la jeune femme lancée à lui faire la conversation. Seth était de coutume assez sociable, mais là, tout de suite, maintenant ? Disons qu’il n’aurait pas refusé un peu de calme histoire que sa gueule de bois passe sans qu’il ait à faire l’effort d’être sympathique. Pour autant il n’allait pas rejeter la jeune femme ni se montrer désagréable. Ce n’était pas son genre même si se montrer aussi  sympathique que d’habitude lui prenait de l’énergie.

Seth ne savait pas s’il était possible de considérer comme une chance le fait de le rencontrer mais une chose est sure elle n’aurait pas pu le louper si c’était le cas. La cicatrice qui lui barrait le visage était tout aussi efficace pour l’identifier que s’il s’était gravé son propre prénom au marqueur indélébile sur le front. Et puis les gens qui se croisaient dans un hôtel n’étaient pas forcément amenés à se recroiser selon la durée de leur séjour. Une durée que Seth ne comptait pas voir s’étaler dans le temps. Pas qu’il eut des affaires à régler là dehors mais les lieux n’étaient pas vraiment à son goût… Ca devait être le papier peint…

-Joli prénom, moi c’est Seth.

Il ne poussa pas la conversation à lui demander les origines de son prénom même s’il aurait pu. Parler de banalités parfois ça aide à garder le cap. A la place il cherchait plus à retrouver ses esprits. Effet placebo parce qu’il savait avoir prit un médicament ou pas il avait l’impression que la douleur refluait sans pour autant que ça soit hyper confortable.

Alors qu’il se murait dans le silence malgré une attitude qui restait ouverte à la conversation l’autre avait continué. S’inquiétant apparemment de son état de santé. Un bon point, ça voulait dire qu’il n’allait pas l’air aussi retourné que ça par sa cuite. A moins qu’elle soit juste polie… La seconde option était très probable mais qu’importe. Qui se souciait moins des qu’en dira-t-on que le balafré ?

-C’est gentil mais j’ai juste un mal de crane de l’enfer.

Commença-t-il loin de se douter qu’à l’avenir il aurait sans doute moults occasions de faire des jeux de mots sur les enfers à en perdre l’envie de rire.

-Et donc j’en conclue que tu bosse ici ?

Ouais il aurait sans doute dû la vouvoyer mais c’était un concept avec lequel il avait bien du mal, elle le reprendrait si elle s’en offensait.

-Et sinon tu pourrais m’indiquer la sortie ? Les lieux sont charmants mais je n’ai que trop traîné ici

"Enchantée Seth." Lui dis-je en souriant.

Il me rassura en me disant qu'il avait juste très mal à la tête. J'opinais du chef, rassurée que cela ne soit que cela. S'il savait ce qu'il risquait ici, il se réjouirait de n'avoir qu'un mal de crâne. C'était un moindre mal.

Le résident n'était pas idiot et avait fait une juste hypothèse sur moi. Je souris afin de lui confirmer qu'effectivement je travaillais ici. Il me demanda alors LA question que tous se posaient et posaient sans cesse ici. La politique voulait que nous changeions de sujet quand ceci était abordé mais je trouvais cela tellement grotesque. Ils avaient un cerveau : ils comprendraient bien que la réponse était non. M'enfin, je répondrais le plus justement possible, à lui d'agir comme il le souhaitait ensuite.

" Non, je ne le peux pas car j'ignore où elle se trouve. Le seul moyen de sortir d'ici est de le demander directement au Lord mais je te conseille de plutôt laisser passer ce mal de crâne et de prendre un minimum de temps pour y réfléchir. En arrivant ici, on a souvent l'esprit un peu embrumé. "

On sentait bien à ma voix grave qu'aller voir le Lord était sans doute la pire chose à faire ici bien que je ne pouvais le dire ouvertement. Après, libre à lui de demander une entrevue : il était libre. D'ailleurs, chacun pouvait le faire... Mais quelle vision d'horreur d'avoir vu le Lord tuer ces résidents. Je ne m'en remettrai jamais. Il ne fallait avoir aucune pitié pour tuer des personnes voulant simplement partir. Remarque, je ne pouvais rien dire car, pour le moment, j'avais également à mon compteur pas mal de meurtres envers les infidèles. Ça avait été le prix à payer pour en savoir plus sur celui qui tirait toutes les ficelles du jeu. Soyez proches de vos alliés mais encore plus de vos ennemis, c'était ma devise ici.

" Mais peut-être voudrais-tu prendre une petite boisson en ma compagnie ? Nous pourrions prendre un thé, un café ou un chocolat chaud et parler un peu ? A moins que tu veuilles te reposer, bien sûr. "

Je ne m'imposais pas, surtout que j'avais des tas de choses à faire à côté de cela. Il fallait que je continue à observer absolument tout dans l'hôtel pour trouver les réponses à mes questions de plus en plus nombreuses. Et puis, certains préféraient vivre de manière solitaire.

Seth Drake


Après les formules de politesse de base venait la question tant attendue. Pas que mais le luxe et tout ça c’était bien beau mais Seth songeait surtout à rentrer chez lui. Il s’attendait à ce que la jeune femme lui indique le plus rapidement qui soit la sortie mais les choses étaient un peu plus compliquées que ce à quoi il s’était attendu. Genre elle ignorait où se trouvait la sortie ? Du genre l’entrée fonctionnait à sens unique et elle vivait sur place sans jamais mettre un doigt de pied dehors ? Ca lui semblait un peu tiré par les cheveux comme réponse. Déjà qu’à présent qu’il avait décuvé son arrivée ici lui paraissait des plus nébuleuse…

-Genre sérieusement ?

Ne put-il s’empêcher de commenter à voix haute alors qu’il était à peu prêt sur d’avoir bien entendu et bien comprit à quel point la situation sentait la mort. Restait la possibilité de demander au « Lord » qui qu’il puisse être et ça, Seth y comptait bien. Il ne s’expliquait toutefois pas pourquoi Lasdael balayait aussi vite cette possibilité en l’invitant à prendre le temps d’y réfléchir.

-Nan mais c’est bon ça va, c’est juste un mal de crane

Assura-t-il sans savoir pourquoi autant d’insistance le mettait mal à l’aise. Il préférait partir assez rapidement, s’attarder entre ces murs ne le tentait absolument pas et toute sympathique soit la dénommée Lasdael ça ne suffirait pas à le retenir plus longtemps. Pourtant le balafré se dit qu’il ne risquait pas grand-chose à accepter une boisson chaude. C’était quoi ? L’affaire de dix, quinze minutes ? Il pouvait bien prendre ce temps et qui sait peut-être pourrait-il ensuite aller demander où se trouvait la sortie à ce fameux lord juste après.

-Va pour un café alors.

Accepta-t-il. « Et une clope songea-t-il tous bas. D’instinct sa main gagna sa poche sans rien y trouver. Forcément il avait encore oublié de faire le plein la veille. Il ne dit rien et attendit juste la suite des événements