La messagère (Michel)

J'étais bouleversée par les derniers évènements avec Tatiana mais la vie continuait et la révolution n'allait pas soudainement se stopper. J'avais fait passer le fameux produit à des chercheurs ainsi qu'à Azazel ou plutôt Chat Noir car elle était occupée. Et ma routine habituelle devait se poursuivre aussi je me rendis comme prévu à l'hôpital visiter ceux qui étaient dans le comas. J'avais bien évidemment retenu le nom de la nièce de Brady et j'étais allée la voir. J'avais posé des questions mentalement à Azazel et j'avais eu confirmation que la jeune fille était bien dans l'hôtel. Je m'étais occupée d'elle dans le monde réel, lui avait fait entendre des bruits de baleine et de dauphin et lui avais fait des stimulations sensorielles. Je varierai les interactions par la suite.

J'avais enchainé avec le service d'oncologie et j'avais fait mes pitreries habituelles. Ma présence était très appréciée. Pour vous dire, les enfants et les adultes m'attendaient toujours avec une grande impatience comme l'attraction à ne pas rater. Faire mes animations me permettait de me changer les idées. Je pensais un peu moins à Tatiana et au fait que son état était toujours critique par ma faute.

L'heure de la pause midi arriva vite. Je comptais en profiter pour faire un rapport express au "tonton". Bien sûr, il fallait que je sache où il était mais j'avais effectué des recherches en amont. Je me rendis donc dans un appart hôtel et utilisais mon don pour éviter de m'enregistrer à l'accueil. J'avais enlevé après l'hôpital ma perruque et mes lentilles et les avais déposés dans mon sac à dos pour retrouver mon apparence classique. Bien sûr je l'avais fait dans un. des toilettes de l'hôpital avant d'en sortir grâce à mon don. Je portais donc de nouveau des vêtements classiques : un jean et un hoodie noirs. J'entrais dans son appartement par l'entrée et dis :

" Toc toc toc ! Votre postière est arrivée. Si tu es en petite tenue, c'est le moment d'enfiler quelque chose. Si tu es accompagné, je peux repasser une autre fois. "

Je cherchais du regard Brady en espérant ne pas mal tomber. Je me sentis un peu forcée de lui dire la raison de ma venue, surtout s'il était accompagné.

" Je viens donner des nouvelles de Maëlle, si jamais. "

J'avais aussi demandé entre deux s'il était envisageable qu'il visite la demoiselle dans l'hôtel et j'avais une réponse qui n'allait peut-être pas totalement lui sembler chouette. Ceci dit, je me disais qu'avec le temps, elle changerait peut-être d'avis.

Michel avait des soirées intenses. Même lorsqu’il travaillait en tant que serveur, il tendait l’oreille pour glaner des informations ou pour en recevoir incognito à force de mots de passes pour s’assurer que les informations étaient bien transmises à la bonne personne. Cela demandait un effort de concentration et de mémorisation non négligeable. A côté de ses fonctions d’espions, Michel était également envoyé sur des missions de terrain pour éliminer des anges. Cependant, le démon avait pour principe de toujours leur laisser le choix entre devenir un démon ou mourir. Il ne souhaitait pas particulièrement que les anges rejoignent Anarchy ou Liberty, il voulait juste que ces derniers puissent devenir maîtres de leur destinée sans la menace d’Era au-dessus d’eux. Evidemment, il ne s’était pas fait que des amis en agissant ainsi et certains démons convertis par crainte de mourir risquaient bien de vouloir se venger sur celui qui les avait mis face au pied du mur, même si au final, ils ne pouvaient s’en prendre qu’à eux-mêmes. Quoiqu’il en soit, avant d’être en état de s’en prendre à lui, il leur faudrait d’abord se remettre psychologiquement de leur nouvelle condition, ce qui n’était pas facile pour un ange. Michel leur souhaitait tout de même de trouver leur propre voie vers l’épanouissement sans les chaines invisibles que leur imposait Era.

Vêtu d’un short et d’une chemise verte à manches courtes avec des motifs de flamants roses, le démon s’était affalé sur le canapé pour réviser les plans pour sa prochaine mission et avait fini par s’assoupir, accablé de fatigue, il dormait d’un sommeil sans rêve. Sa respiration faisait se soulever doucement sa poitrine sur laquelle était posée sa main qui tenait les plans.

Il se réveilla en sursaut en entendant une voix venant de l’entrée de l’appartement qu’il occupait temporairement. Il ne mit pas longtemps à reconnaitre la voix de Sophia et en fut instantanément soulagé.

- Sophia ? Mais que fais-tu ici ? Et comment as-tu su que j’habitais ici ?

Michel était persuadé de ne pas le lui avoir dit, il faisait même attention à sa consommation d’alcool qui avait tendance à délier les langues. Même à ses alliés, il évitait d’en dire trop. Pas parce qu’il n’avait pas confiance en eux, mais parce qu’il craignait qu’ils ne parlent sous la menace ou la torture. On ne peut pas toujours se fier à un être qui se retrouve face à ses derniers retranchements. Lui-même n’aurait su dire comment il réagirait en de telles circonstances, il ne leur lancerait pas la pierre, mais il préférait prendre ses précautions. Michel balaya toutes ses précédentes questions lorsqu’elle dit avoir des nouvelles de Maëlle et alla à la rencontre de Sophia.

- Maëlle ? Tu as pu la voir ? Viens, entre, installe-toi sur le canapé et dis-moi tout ! Dit-il précipitamment, à la fois inquiet et enthousiaste à l’idée d’avoir enfin des nouvelles de sa nièce.

Par chance il n'était pas accompagné. À vrai dire, je pense l'avoir réveillé. Il fut évidemment surpris que je sois là et que je l'ai trouvé. Il me demanda comment j'avais su qu'il habitait ici. Je lui répondis d'une voix malicieuse :

" Une femme se doit de garder une part de mystère mais disons que je suis une des meilleure au jeu du où est Brady ? "

J'avais aidé Tatiana des tas de fois dans ses enquêtes grâce à mon système d'analyse des données numériques que ce soit de logiciels, de caméra, de réseaux sociaux, de carte bleue, de téléphone portable et tout ce qui permettait de trouver quelqu'un. Quand je dis réseaux sociaux, vous pourriez être surpris : même si vous n'y êtes pas, des personnes peuvent vous photographier à votre insu. Et retrouver un visage avec l'intelligence artificielle et mes compétences est très accessible.

Ayant vite orienter la conversation sur Maëlle, il m'invita à m'installer sur le canapé et à tout me dire. Je ne me dis pas prier et avançais vers lui, admirant son short et sa chemise verte à motif flamant rose. C'était quelque chose ! Je souris, amusée de voir qu'il savait choisir tout type de tenue. Ceci dit, il avait le physique qui faisait que ce n'était pas ridicule sur lui. Franchement, sur n'importe qui ça aurait fait clown mais lui savait rendre cette ensemble décontracté et décalé dans le bon sens du terme. Ou bien n'étais-je pas objective ?

Assise à ses côtés, je lui dis calmement :

" Oui j'ai vu Maëlle ce matin. Elle est toujours dans le coma mais est dans un état stable. Ils la soignent bien : elle n'a pas d'escarre ou d'autres problèmes qui pourraient survenir. J'ai pu rester avec elle un moment. Je lui ai fait entendre des bruits de baleine et de dauphin, mais je ne les ai pas imités. Je lui ai aussi fait des stimulations sensorielles avec des plumes, des tissus, en la massant, lui caressant la main etc. Je sentais qu'elle réagissais un peu même si elle est restée endormie. "

Je savais qu'il voulait avoir le plus d'informations possibles aussi je poursuivis en levant l'index pour signaler que j'avais une autre information plus importante.

" Sinon, j'ai la confirmation officielle qu'elle est bien dans l'Hôtel California, ce qui est une bonne nouvelle car cela veut dire qu'on peut la sortir de là. "

Je grimaçais un peu et dis un peu désolée.

" Par contre je suis encore en négociation avec Azazel... Elle n'est pas pour utiliser ses pouvoirs à destination de membres d'Anarchy. "

J'ajoutais que je ne lâchais pas l'affaire mais que c'était tout ce que j'avais à dire concernant Maëlle pour le moment.

" Désolée de m'être introduite chez toi. Comme on avait dit que je te tiendrai au courant, je voulais le faire en personne mais la prochaine fois je peux t'envoyer des SMS si tu préfères. Ou si tu veux qu'on se retrouve à un endroit... Je ne veux pas te mettre dans l'embarras. Mais si ça peut te rassurer : personne ne peut me suivre. Je passe par les égouts donc pas de caméra et des murs condamnés. "

J'espérais l'avoir rassuré. Il n'y avait plus qu'à voir ce qu'il avait à dire par rapport à tout cela.

Sophia joua la carte du mystère. Peu importait, l’essentiel pour le moment était qu’elle lui donne des nouvelles de Maëlle. Sophia s’assit sur le canapé et lui raconta calmement qu’elle avait vu Maëlle ce matin, qu’elle était toujours dans le coma et que son état était stable. Les soignants s’occupaient bien d’elle, ce qui rassura Michel. Comme il ne lui rendait plus visite, ils auraient pu la négliger sans qu’il ne le sache… Cela le rassura. Sophia poursuivit en expliquant qu’elle lui avait fait écouter des bruits de baleines et de dauphins sans pour autant aller jusqu’à les imiter. Michel esquissa un petit sourire amusé en l’imaginant imiter les cétacés. Elle l’avait également stimulée sensoriellement à l’aide de plumes, tissus, massages, caresses… Michel fut ému d’apprendre qu’elle avait légèrement réagit, même si elle ne s’était pas réveillée.

Il s’apprêtait à la remercier pour tout ça quand elle leva l’index, lui faisant comprendre par ce geste qu’elle n’avait pas fini. Michel garda le silence et l’écouta avec attention. Elle lui révéla qu’elle avait eu la confirmation que son esprit était à l’hôtel California. Elle fit la grimace et dit d’un air désolé qu’elle était encore en négociation avec Azazel qui refusait d’utiliser ses pouvoirs en faveur des membres d’Anarchy. Le démon baissa la tête, les mains jointes et l’air contrit.

- Je comprends… Dit-il doucement.

Il n’éprouva aucune animosité ou rancœur vis-à-vis de la déesse. Il assumait ses choix et acceptait qu’on n’y adhère pas. Sophia ajouta qu’elle ne lâchait pas l’affaire mais que c’était tout ce qu’elle avait à lui transmettre concernant Maëlle.

- Merci. Dit-il sincèrement reconnaissant.

Sophia s’excusa de s’être introduite chez lui. Elle voulait l’informer de vive voix, mais la prochaine fois, elle pourrait lui envoyer un message s’il préférait ou ils pourraient se retrouver à un endroit. Elle voulu le rassurer en lui disant que personne ne pouvait la suivre, car elle passait par les égouts où il n’y avait pas de caméras et où les murs étaient condamnés.

- Ok, merci encore pour Maëlle. Ca me rassure de savoir qu’elle est entre de bonnes mains. Pour ce qui est d’avoir été suivi, ce n’est pas un problème : je ne reste jamais longtemps au même endroit. Faire partie d’Anarchy n’est pas de tout repos et on ne s’y fait pas beaucoup d’amis… Alors j’essaie d’être le plus prudent possible pour ne pas me faire attraper et pour ne pas porter préjudice aux autres Anarchistes. C’est aussi pour ça que je n’allais plus voir Maëlle… Depuis que j’ai rejoins Anarchy… Je ne veux causer d’ennuis à personne, j’ai fait mon choix, les autres n’ont pas à en subir les conséquences. J’ai bon espoir que tout rentrera dans l’ordre quand Azazel sera au pouvoir. Et quand ce sera le cas, je me prendrais des vacances !

Je souris lorsque Brady me remercia pour Maëlle et m'avoua être rassuré de la savoir entre de bonnes mains. Je le faisais vraiment de bon coeur et le lui dis avec conviction. Cette petite devait être accompagnée comme les autres et j'étais certaine qu'elle se réveillerait tôt ou tard. En attendant, elle pourrait compter sur ma présence. Je ne dis pas cela pour le coup mais je pense que je l'avais fait déjà comprendre précédemment.

En ce qui concernait le fait de repérer son appartement, il me rassura en disant qu'il ne restait jamais longtemps au même endroit. Il me confia qu'être d'Anarchy n'était pas de tout repos et que l'on ne s'y faisait pas beaucoup d'amis. Il restait donc très prudent pour lui, les autres d'Anarchy et sa nièce. Il ne voulait faire peser le poids de ses choix sur personne mais il espérait qu'une fois Azazel au pouvoir tout rentrerait dans l'ordre. Il pourrait alors se prendre des vacances. Je ris et lui dis :

" Je suis d'accord avec toi pour Azazel et tes futures vacances. Je vois et tu t'y prépares d'une seconde à l'autre étant donné ta tenue. Il ne te manque que les lunettes de soleil, les claquettes et le cocktail avec l'ombrelle. "

Je souris malicieusement et lui dis en regardant ses beaux yeux :

" Si tu veux te faire des amis, Liberty recrute. Je connais leur boss, c'est une tête de mule mais elle a bon fond et elle pourrait t'accepter si tu le demandes gentiment. "

Je finis sur un clin d'oeil et repris mon argumentation.

" Même que chez nous il y a des planques assez bonnes pour ne pas devoir déménager constamment. Bon, ceci dit, elles sont souvent sans fenêtre. C'est un choix sécuritaire. On met des posters, des lampes de luminothérapie, des écrans géants avec des images de ciel ou autre ou sinon on sort. "

J'étais sérieuse : j'aurai bien voulu le recruter. C'était quelqu'un de sympa qui savait se défendre et qui avait bon fond. Il aurait pu beaucoup apporter à notre cause. Ceci dit, je l'avais dit sur le ton de la boutade car je me voyais mal le débaucher. Je pouvais comprendre qu'on veille du mal aux anges. certains étaient de vraies enflures. Personnellement, il m'était arrivé plusieurs fois de fermer les yeux quand j'avais vu des membres d'Anarchy s'occuper d'anges. Techniquement Azazel nous y encourageait. Elle nous avait donné l'ordre de ne pas nous mettre en danger inutilement et de ne pas nous interposer avec ceux d'Anarchy. En gros ils faisaient ce qu'ils voulaient tant qu'ils ne nous empêchaient pas d'agir à notre guise. Ce n'était pas notre combat que de sauver tout le monde. Nous devions avant tout recruter des membres pour Liberty et collecter des informations sur les alliés d'Era.

Ceci dit, c'était la pause midi et je ne comptais pas parler politique trop longtemps. Aussi, je regardais sa chemise et lui dis intéressée :

" Alors comme ça, les flamants rose sont de nouveau tendance ? Il faut absolument que je me trouve des lunettes de soleil flamant rose pour ma prochaine sortie à l'hôpital. "

Je souris vraiment convaincue de réaliser cette idée. Puis je réalisais que je me devais de lui laisser un peu d'air. Le pauvre me supportait depuis trois jours d'affilée.

" Bon, je vais te laisser mon petit Brady. Déjà trois jours que l'on se voie : tu vas t'habituer et le sevrage va être difficile puis je suppose que tu vas bientôt manger. "

Mon ventre trouva opportun de grogner pour s'annoncer. Je ris.

" Moi aussi, il va falloir, visiblement. "

Sophia était d’accord avec lui concernant Azazel et les vacances qu’il avait l’intention de prendre dès que tout serait rentré dans l’ordre. Elle fit remarquer qu’elle voyait qu’il s’y préparait déjà en faisant référence à sa tenue. Michel rit de bon cœur au commentaire de Sophia. Elle avait de l’humour et il savait apprécier cette qualité chez elle.

Elle capta son regard en souriant et lui dit d’un air léger que s’il souhaitait se faire des amis, Liberty recrutait. Elle connaissait leur boss et lui assura qu’elle avait bon fond et qu’elle pourrait bien l’accepter parmi eux s’il le lui demandait gentiment. Elle lui lança un clin d’œil et poursuivit son argumentation en vantant leurs planques.

- Le problème avec Liberty, c’est que vous acceptez que les anges intègrent cette lutte et je n’ai aucune confiance en eux. Tu sais ce que je pense, ce n’est un secret pour personne, pour moi ils deviennent des démons ou ils meurent. Tant qu’ils seront toujours des anges, ils seront toujours sous l’emprise d’Era. Peut-être que quand Azazel sera au pouvoir, cela changera et je le souhaite, mais pour l’instant Era est toujours bien présente et a les pleins pouvoirs, alors j’aime autant contribuer à en mettre un maximum hors d’état de nuire. Pour Maëlle, pour Lucas et pour tous les démons qui ont été malmenés par eux au nom d’Era, trop souvent sans raison…

Pour Michel, il n’y avait rien à ajouter. Il n’avait pas de raison de quitter Anarchy. Certes, avoir le soutien d’Azazel et obtenir des dons de sa part était un atout non négligeable, mais s’allier à des anges, eux qui ne juraient que par Era, lui paraissait trop optimiste. Il était persuadé que les anges qui se mêlaient à ceux de Liberty ne le faisaient que pour mieux les faire tomber ensuite… Au moins, si cela venait à arriver, le soutien des Anarchistes leur serait utile. Après tout, leur but commun était de faire tomber Era et de permettre à Azazel d’accéder au pouvoir. Seules leurs méthodes pour y parvenir étaient différentes.

Il sourit, amusé lorsqu’elle se mit à reparler de sa chemise et lui dit qu’il lui fallait absolument qu’elle se trouve des lunettes de soleil flamant rose.

- Je suis sûr qu’elles t’iront à ravir !

Sans transition, elle annonça qu’elle allait le laisser. Elle évoqua le fait qu’il allait probablement bientôt manger et qu’elle allait devoir faire pareil étant donné le bruit que faisait son estomac.

- Attends, si tu veux, on pourrait manger ensemble ? Proposa-t-il en souriant. J’ai plusieurs propositions : Petit A, on va dans un petit restau, petit B, on se fait livrer tant que tu es ici, petit C, je te prépare ma super omelette à la ciboulette dont tu ne pourras plus jamais te passer et petit D, je te laisse faire d’autres propositions si tu en as.

Sans surprise Brady me dit ne pas vouloir rejoindre Liberty à cause des anges que nous engagions à nos côtés. Je ne pouvais que le comprendre. Moi-même, je restais extrêmement méfiante avec eux et les excluaient par principe des plus grosses actions. Ceci dit, je leur laissais un peu de liberté sur les missions mineures. Je le faisais avant tout parce qu'Azazel m'avait dit à quel point il était important pour elle que les anges soient de notre côté. À ses yeux cela pourrait nous coûter la victoire ou l'échec de son ascension. Les anges devaient être avec nous. Comment dire que cela allait être compliqué vu les dernières nouvelles. Ils étaient plus que jamais contre nous et prêts à nous lobotomiser en plus des festivités habituelles.

D'ailleurs, de nombreux membres de Liberty ne travaillaient jamais avec des anges et nous ne les forcions pas. Le tout était de laisser chacun s'exprimer et vivre comme il l'entendait pour aider Azazel à prendre le pouvoir.

" Je te comprends. C'est dommage pour nous. "

Il était certain qu'avoir un élément comme mon petit Brady dans l'équipe aurait pu faire la différence - bien qu'il avait dit bien vouloir collaborer encore avec nous. Le faire une fois de temps en temps ou être des nôtres était totalement différent. Tant pis. Je ne lui rappellerait pas qu'Azazel avait sa condition : je la trouvais bien trop cruelle sur ce point.

Nous changions donc de sujet pour parler de mode. ll fut amusé par mes remarques et me dit être sûr que mes lunettes flamant rose m'iraient à ravir. Je haussais plusieurs fois les sourcils l'air de dire : bien évidemment. Ceci dit, je ne me prenais pas au sérieux un instant. Ce serait drôle et ferait rire les patients : voilà l'objectif.

Le moment fun étant passé, il était temps pour moi de lever les voiles. Ceci dit, il ne semblait pas du même avis car il s'empressa de proposer que l'on mange ensemble. Il avait fait son sourire. Franchement, je ne pouvais pas dire non. En plus il commença à sortir des tas de propositions aussi sympa qu'amusante. J'avais l'impression d'être dans l'émission humaine "qui va gagner des millions ? ". J'avais suivi cela avec beaucoup de plaisir à l'époque tout comme des reprises humoristiques sur le sujet. C'était ma chance de participer à ma façon.

J'avais 4 réponses possibles : A : nous allions dans un petit restau, B, nous nous faisions livrer, C il me cuisinait sa super omelette à la ciboulette dont il assura que je ne pourrais plus jamais me passer et D je faisais d'autres propositions.

Je fis mine de réfléchir intensément.

" Hm, pas facile Brady. Est-ce que j'ai le droit à le super joker au 50/50 ou à l'avis du public ? "

Je ris et repris malicieusement :

" Je pense que je peux déjà éliminer la réponse A car nous voulons tous les deux rester incognitos alors la sortie en plein jour c'est inenvisageable. "
Je posais l'index sur les lèvres, pensive.

" La réponse B de se faire livrer a l'air d'être la bonne réponse d'autant qu'on ne peut pas m'impressionner avec une omelette. En même temps tu sembles si convaincu de tes propos et ça serait drôle de découvrir si c'est une boutade ou une autre passion cachée. "

Je tapotais mes mains et finis par lâcher :

" Allez... J'ai décidé... La réponde D, Brady. C'est mon ultime bafouille. Nous faisons livrer ici et tu me cuisines l'omelette qui fera qu'on ne pourra plus jamais se quitter. "

Je le regardais et mimais le suspens de l'émission, le sourire aux lèvres.

Sophia se prêta au jeu et fit mine de réfléchir intensément aux propositions de Michel. Le sourire de ce dernier s’agrandit encore lorsqu’elle demanda si elle avait droit au joker, à un 50/50 ou à l’avis du public. Elle rit et poursuivit en commençant par éliminer la réponse A. Puisqu’ils préféraient rester incognito, mieux valait éviter de sortir. Michel acquiesça. Elle fit part de ces réflexions concernant les réponses B et C avant de conclure qu’elle choisissait la réponse D qui était son ultime bafouille. Ce qui fit bien rire Michel.

- Ok, va pour le traiteur et le temps que ça arrive, j’en profiterai pour te préparer ma super omelette. Je te préviens : tu ne t’en remettras pas !

Michel prit son portable qui était resté posé sur la table basse. Il remarqua qu’il avait reçu des messages non lus pendant qu’il s’était assoupi. Il les survola vite fait et estima que ça pouvait attendre encore. De toute façon, s’il y avait une réelle urgence, ils lui auraient directement téléphoné ou envoyer le chercher. Le démon s’assit sur le canapé à côté de Sophia dont il se rapprocha en lui montrant l’écran de son téléphone sur lequel s’affichaient déjà plusieurs propositions de traiteurs qui livraient à domicile.

- Bon, qu’est-ce qui te ferait envie : italien, chinois, shushis, burger, tacos… ?

Ils avaient l’embarras du choix ! Pour sa part, il lui fit savoir que tout lui convenait et qu’il se plierait aux envies de la jeune femme. Lorsqu’elle se fut décidée, il fit les réservations et indiqua l’adresse de livraison.

- Et voilà, plus qu’à patienter ! Je vais te préparer l’omelette du siècle ! Dit-il en riant tandis qu’il se levait du canapé pour se diriger vers sa petite cuisine. Il ouvrit le frigo et en sorti la boite à œufs, il les cassa dans un bol, mélangea, ajouta de la ciboulette séchée (Lucas aurait crié au scandale !), un peu de sel et de poivre. Puis il l’avait faites cuire à la poêle avec de la margarine. Ce fut vite prêt et il servit le tout dans une assiette pour chacun qu’il alla poser à table avec des couverts pour son invitée surprise. Il apporta le sel et le poivre à table, des fois qu’elle voudrait en rajouter.

- Pour les boissons, j’ai de l’eau, du coca et de la bière. Qu’est-ce que tu préfères ? Demanda-t-il en attendant sa réponse devant le frigo ouvert. Lorsqu'elle eu fait son choix, il apporta leurs boissons à table avec des verres et s'installa. Bon appétit!

Evidemment, son omelette n'avait rien de bien exceptionnel. Elle n'était pas ratée et restait comestible.

- Ca va? Pas trop déçue de mon omelette? Dit-il en lui lançant un clin d'œil amusé.

Michel rit de bon coeur et me proposa donc de passer par un traiteur et pendant ce temps il me préparerait sa "super" omelette "du siècle". Autant dire qu'il n'avait pas manqué d'éloge sur le sujet. Que ce soit ironique ou non, je serai vite fixée. Entre temps, Michel s'était approché de moi pour me montrer son téléphone. J'eus des papillons dans le ventre, signe que je devais être affamée. Je devais faire un choix. Je regardais en détail ce que proposait les différents menus et choisis les tacos avec de la sauce bien épicée : j'adorais ça. Et puis, ça me permettrait de me secouer un peu : je pensais en avoir besoin.

" Les tacos ce sera parfait. Supplément piment pour moi s'il te plait. "

Il n'y avait plus qu'à attendre. Je me levais et m'approchais de la cuisine pour regarder le "chef" improvisé à l'oeuvre. À la préparation je ne vis rien de bien extraordinaire mais qui sait, il faisait peut-être des choses que j'étais dans l'incapacité de détecter. Je n'étais pas une professionnelle de l'omelette. D'ailleurs, j'en mangeais très peu. La sélection des boissons étant désormais de mise, je choisis du coca en boisson en lui disant que ce serait parfait? J'ajoutais tout sourire quand je fus à table  :

" Bon appétit. "

Son omelette serait pour moi l'entrée avant notre "vrai" plat, les tacos. Il était temps de mettre du concret sur ce suspens insoutenable. J'attaquais la dégustation sans trop me faire d'apriori. Mon verdict : c'était bon mais pas fabuleux non plus. Ayant l'habitude d'aller dans des grands restaurants et ayant pris un minimum de cours de cuisine et de pâtisserie, il ne pouvait rivaliser. D'un autre côté, j'avais aussi suspecté la boutade donc finalement cela restait juste un cuisinier lambda.

Il me demanda si ça allait, si je n'étais pas trop déçue de son omelette visiblement amusé. Je lui répondis avec un sourire :

" Ça va : ton omelette est bonne. Elle se mange bien. Je ne te dirai pas qu'elle est exceptionnelle mais je trouve ça chouette que tu prennes plaisir à cuisiner et que tu sois fier de ce que tu fais. Ça fait plaisir à voir. Je pense que ce qui fait que les personnes reviennent absolument la goûter c'est que tu y mets ton coeur. Tu t'appliques pour eux et je te remercie d'avoir pris le temps d'en faire pour moi aussi, Brady. "

Je continuais de déguster et ajoutais un peu de poivre car j'aimais relever mes plats. Je bus mon verre de coca et restais un moment pensive. J'aurai pu lui proposer de lui ramener un gâteau un de ces quatre mais je n'avais pas envie que ça tourne à la compétition. De plus, j'étais sensée ne plus trop le squatter. D'un autre côté, il m'invitait aussi alors...

" Tu cuisines ton omelette pour beaucoup de personnes ? Tu fais des variantes ? "

Michel fut ravi d’entendre Sophia dire que son omelette était bonne et le complimenter sur l’entrain qu’il avait mis à la préparer. Il la remercia chaleureusement en souriant. Elle lui demanda s’il cuisinait son omelette pour beaucoup de personnes et s’il faisait des variantes.

- Ca m’est déjà arrivé d’en faire pour d’autres Anarchistes au QG, même si en général, ils m’ont plutôt envoyé me faire cuire un œuf… C’est Lucas qui m’a donné l’astuce de la ciboulette. En vrai, c’est le seul plat que je suis capable de cuisiner pour le moment. La plupart du temps, je me contente de commander ou de prendre des plats préparés. Mais j’aimerais apprendre à cuisiner des petits trucs sympas pour Maëlle quand elle se réveillera. Je pourrais lui apprendre ce que j'aurais appris et ça la motivera peut-être. J'aimerais lui faire découvrir tout un tas de choses à son réveil et qu'elle puisse voir toutes les possibilités qui s'offrent à elle au lieu de se lamenter sur son sort. Au fond, je ne sais pas si c'est vraiment le fait d'avoir perdu ses ailes qui la mine autant ou si c'est le fait que tous ses proches, sa famille, ses amis, etc. lui aient tourné le dos à la suite de ça... Peut-être un peu des deux…

Michel prit une nouvelle bouchée de son omelette. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pu parler de Maëlle avec quelqu’un et cela lui faisait du bien. Même s’il était triste pour elle, le fait de pouvoir échanger à son sujet faisait qu’elle ne sombrait pas dans l’oubli.

- Je suis sûr que vous vous entendrez bien toutes les deux. Dit-il en souriant et en imaginant un futur rempli de belles choses et d’insouciances pour sa chère nièce.

Le démon fut informé que leur commande était arrivée. Il alla la réceptionner et paya le livreur en lui octroyant un pourboire par solidarité. Il rejoignit ensuite son invité en soulevant triomphalement leur repas :

- A taaaable !

Michel vérifia quel tacos était à qui et il invita Sophia à prendre le sien tandis qu’il déballait son propre tacos. L’odeur épicée envahissait déjà l’appartement pour son plus grand plaisir. En effet, le démon était ce genre de personnes qui savaient apprécier les petits bonheurs simples du quotidien.

Brady me remercia à son tour, toujours tout sourire. Il m'expliqua qu'il cuisinait parfois pour d'autres Anarchistes mais en général ils l'envoyaient se faire cuire un oeuf. Je ris à la blague avant de dire un "sympa" ironique. Il m'expliqua que c'était Lucas qui lui avait donné l'astuce de la ciboulette. Il finit par même m'avouer que c'était le seul plat qu'il était capable de cuisiner pour le moment. Je le regardais un peu attristée. Il n'était pourtant pas si jeune et n'avait jamais tenté de se former ou de tenter quitte à rater ? En plus, avec tous les contenus web de cette génération, on pouvait facilement s'y mettre. À croire qu'il était du type de Tatiana : coincé sur un échec sans pouvoir s'en dépêtrer. Ceci dit, lui semblait vraiment motiver à évoluer contrairement à Tatiana qui ne faisait que tout brûler puis qui finissait par manger ses hotdog.

Le tonton voulait progresser d'ici le réveil de sa nièce pour lui faire des petits plats. Il espérait même lui transmettre et ainsi ouvrir ses horizons. Apparemment, elle se lamenter trop sur son sort et il ignorait si c'était le fait d'avoir perdu ses ailes ou ses proches, famille, amis. Il était tellement courant de voir tous ceux qui étaient restés anges passer à autre chose. Je l'avais vécu avec mes parents et j'avais toujours du mal à vraiment l'accepter. Je supposais que si elle avait subi la situation, ce devait être pire. Elle devait vouloir retrouver sa vie d'avant tandis que lui voulait lui montrer le bon côté des choses.

" Sans doute. C'est dur de se rendre compte que l'on n'existe plus aux yeux de ceux que l'on aimait plus que tout au monde... ou même qu'ils te haïssent. Eux n'ont aucune peine à tourner la page et t'effacent alors que, toi, tu penses à eux à chaque instant. Au final, elle se demande sans doute quel avenir l'attend sachant que ses propres parents et autres proches ne pourront jamais l'accepter telle qu'elle est vraiment. Elle risque même de ne plus vouloir s'attacher aux autres pour ne pas revivre cette déchirure. "

Je parlais un peu trop personnellement. Elle devait avoir un ressenti bien différent... Moi c'était la fin fond de ma pensée que je n'avais pas encore verbalisé à haute voix. Bien loin de mes excuses de travail, de rébellion et tout le reste. C'est sans doute aussi pour cela que je détestais tant voir Tatiana et Lucas se chercher. J'avais tellement peur qu'elle finisse en miettes. Je ne comprenais pas qu'on puisse se faire tant de mal. Les histoires d'amour finissaient toujours mal. L'amitié, elle, pouvait tenir vraiment les années.

" Enfin, je dis ça mais je ne la connais pas mais je suis sûre que ça s'arrangera. "

Il me dit ensuite que nous nous entendrions bien. Je hochais la tête.

" Oui je suppose. Les enfants m'aiment bien en général et je le leurs rends bien. Tout est beaucoup plus simple avec eux. L'âge ne les a pas encore usé. Ils sont vraiment une bouffée d'air frais. "

Un peu comme Brad pitre qui me faisait mourir de rire. Il devait lui aussi s'entendre très bien avec les enfants, j'en étais convaincue.
L'heure de la réception de colis était arrivée. Pendant qu'il alla réceptionner et payer le livreur, je consultais mon téléphone et répondis très rapidement à quelques messages. Il n'y avait rien de critique mais j'aimais rester assez réactive aux messages de mes alliés.

Ceci dit, je lâchais mon téléphone quand Brady annonça en brandissant le trophée qu'était notre repas :

- A taaaable !

Je souris et secoua la tête. Il était vraiment drôle.

" Mon précieux ! " Dis-je en riant avant de récupérer mon tacos. La bonne odeur faisait envie.

" Merci encore et bon appétit ! "

Je ne laissais aucune chance au repas et l'engloutis assez rapidement. J'avais ce grand défaut de faire des tas de choses trop vite : manger, dormir, conduire, parler... Le temps était précieux et j'en avais trop peu pour faire tout ce que je voulais alors il ne fallait pas trainer. Je suppose que j'étais l'incarnation du lapin d'Alice constamment en retard.

Mon tacos terminé, je me resservis un verre de coca et en proposait un à Brady.

" C'était bien bon. Mon ventre devrait être plus calme maintenant. "

Et tant mieux. J'avais besoin d'être bien pour les missions du soir. Je vis l'heure et repensais à ce qu'il m'avait dit concernant les plats. Je lui demandais alors :

" Dis, si tu veux, je peux t'apprendre à cuisiner d'ici le réveil de Maëlle. Je connais pas mal de recettes. Je ne suis pas aussi calée que Lucas, forcément, mais j'ai pas mal d'expérience quand même. Je sais faire beaucoup de plats mais aussi de bonnes pâtisseries. J'ai pris des stages pour faire des macarons par exemple mais aussi certains plats asiatiques. Ce n'est pas très compliqué, tu pourrais y arriver et l'épater à ton tour. "

Je regardais sa cuisine et lui dis :

" Si tu veux je t'apprends déjà à faire un gâteau au yaourt : même les enfants savent le faire. C'est rapide, simple, efficace et tu peux faire des variantes avec des pépites de chocolat ou encore de la crème ou des coulis chocolat ou caramel et beurre salé. Je suis sûre que tes collègues en voudront bien pour le coup. "

Je me levais et ajoutais en commençant à regarder sur le plan de travail et le frigo ce qu'il avait à disposition :

" En plus j'aime avoir ma touche de sucré de fin de repas. "

Michel réagit lorsque Sophia lui dit qu’en général, les enfants l’aimaient bien :

- Oula ! Ne la traite pas d’enfant, malheureuse ! C’est une ado, presqu’une adulte !

Ah ces jeunes qui se prenaient pour des grands et qui se vexaient qu’on ne les considère pas comme tel… Cette petite parenthèse s’était clôturée sur l’arrivée du repas.

Sophia mangea son tacos avec appétit. Elle se resservit du coca et en proposa à Michel qui accepta volontiers. Il en bu quelques gorgées avant de continuer à manger son tacos. Lorsqu’ils eurent fini, Sophia fit remarquer que c’était bien bon et qu’elle était repu. Michel confirma.

La jeune femme lui proposa alors de lui apprendre à cuisiner d’ici le réveil de Maëlle. Elle n’était pas aussi calée que Lucas, mais elle se débrouillait et disposait de tout un panel de recettes simples. Le démon fut agréablement surpris par cette proposition inattendue. Elle proposa de lui apprendre à faire un gâteau au yaourt tout en allant inspecter le plan de travail et le frigo. Le frigo ne contenait que quelques boissons et plats industriels à réchauffer au four ou au micro-ondes, de la margarine, du fromage frais à tartiner et des œufs. Dans ses armoires, principalement des épices et des assaisonnements, du pain de mie et des crackers et pour finir le sacro saint café. Quelques fruits dans une corbeille à fruits. Preuve qu’il ne cuisinait pas beaucoup en vérité.

- Merci pour ta proposition ! Je serai ravi de t’avoir comme prof de cuisine ! Lucas est trop exigeant et utilise plein de termes compliqués dès qu’il parle cuisine, je préfère éviter... Par contre, je n’ai pas grand-chose ici. Comme je déménage souvent, j’évite de trop m’encombrer. Mais si tu y tiens, je peux vite aller à l’épicerie du coin acheter ce qu’il faut ? Et puis comme ça, tu auras ta petite touche sucrée de fin de repas. Dit-il en lui lançant un clin d’œil.

Brady me reprit en précisant qu'elle n'était plus une enfant mais une adolescente presque adulte. Je voudrais la tête et lui demanda pardon pour cette méprise avant de lui dire que je ferai attention à mon vocabulaire pour ne pas la froisser. Ceci dit j'étais confiante car je m'en sortais bien aussi avec les adolescentes. Je pouvais leur montrer des techniques de maquillage, de coiffure, de tenue etc. Si j'avais souvent le manque de motivation de m'habiller correctement, j'aimais bien et savais très bien le faire.

Le repas terminé, je pus constater que mon petit Brady n'avait pas de quoi réaliser le gâteau bien qu'il soit ravi de recevoir des cours. Il me proposa d'aller s'approvisionner à l'épicerie du coin en soulignant le fait que de la sorte j'aurai ma petite touche sucrée de fin de repas.

C'était vrai et en même temps je réalisais que je lui consacrais vraiment beaucoup de temps déjà là. Le temps de faire et de cuire le gâteau serait encore un peu plus long... Était-ce bien raisonnable ? N'étais-je pas trop distraite ? En même temps laisser un démon ne savoir cuisiner qu'une omelette était un abandon. De plus, Lucas était trop exigeant et technique pour qu'il suive. Si je ne l'aidais pas, personne ne le ferait.

" D'accord mais fais vite par contre car après je devrais vraiment y aller. "

Je le laissais faire le nécessaire sachant que je lui avais donné une liste de course. Pendant ce temps, je restais assise dans le canapé. J'en profitais pour traiter des messages importants et vérifier que tout allait bien. Il n'y avait pas d'alerte ni de suspicion de criticité donc je pouvais respirer un peu mais c'était difficile pour moi de le faire. J'avais toujours peur de décevoir ou ne pas être à la hauteur. Mon rôle était primordial.

Enfin il fut de retour, bien qu'il ne fut pas long, et nous pouvions nous y mettre. Je l'invitais à d'abord se laver les mains au savon, à préparer un torchon propre et laver le plan de travail pour être sûr que tout soit nickel. Je sortis un saladier et d'abord les oeufs.

" Tu regardes et tu feras pareil seul pour les suivants. Tu prends ton oeuf comme ça... Et tu le tapes contre le bord du saladier : fort mais pas trop fort pour le casser et le craquer sans faire tomber de coquilles. Ceci dit, tu sais faire une omelette donc je ne sais pas pourquoi je te l'explique. Vas-y, casse les oeufs et mets dans le saladier. "

Je le laissais faire et le guider pour les étapes suivantes que ça soit pour mélanger correctement, prendre les mesures avec le pot de yaourt de référence. Je voulais qu'il fasse et j'étais prête à accompagner ses gestes si besoin.

" Je veux que tu le fasses parce qu'on apprend plus vite en le faisant soi-même puis tu verras c'est vraiment une recette simple. "

Quand ce fut terminé, il n'y avait plus qu'à beurrer le moule, mettre un léger fond de farine et y faire couler la pâte. Le four ayant été préchauffé, il fallait juste mettre un chrono et attendre. J'en mis un sur le four et mon téléphone un peu avant le temps nécessaire pour lui montrer comment surveiller la cuisson. Je comptais bien lui apprendre la technique du couteau pour voir si le gâteau était bien cuit. Pendant que nous attendions, je pris place dans le canapé.

" Ça va ? Comment tu ressens tout ça ? Je ne vais pas trop vite à expliquer ? Sinon je peux adapter pour les prochaines fois. "

Lorsque Sophia lui dit de se dépêcher car après, elle devrait vraiment y aller, Michel lui proposa de remettre leur séance culinaire à une prochaine fois, mais elle déclina la proposition. Il n’insista pas pour ne pas perdre davantage de temps et se dépêcha d’aller acheter les ingrédients nécessaires que lui avait listés Sophia. Il n’avait même pas pris la peine de se changer et n’avait eu qu’à enfiler des claquettes par-dessus ses chaussettes. Sa tenue suscita quelques remarques auxquelles il répondit avec le sourire. A l’épicerie du coin, il ne fut pas long à trouver tous les articles dont il avait besoin. Il rangea ses ingrédients dans un sachet plastique après avoir payer ses achats et rejoignit rapidement la cheftaine de Liberty dont il suivit consciencieusement les consignes. Il s’avéra un élève attentif et appliqué.

Sophia lui expliqua comment casser les œufs, puis se demanda pourquoi elle lui expliquait, puisqu’il savait faire une omelette après tout. Michel sourit d’un air amusé. C’est qu’elle prenait son rôle de mentor très au sérieux ! Elle souhaitait qu’il fasse lui-même les étapes, car c’était ainsi que l’on apprenait le mieux. Le démon acquiesça et fit tout comme elle lui disait de faire. La préparation ne fut pas longue, il fallut ensuite enfourner après avoir mis le four à préchauffer au préalable. Sophia lui demanda si ça allait, si elle n’allait pas trop vite dans ses explications, etc.

- C’est parfait ! Tu es un excellent professeur. Lui assura-t-il. J’ai hâte d’y goûter et de pouvoir le refaire sans aide la prochaine fois. Merci d’avoir pris de ton temps pour me montrer comment faire. J’ai hâte de découvrir de nouvelles recettes à tes côtés ! Grâce à toi, je pourrais impressionner Maëlle autrement qu’avec une omelette ! Plaisanta-t-il.

Michel était sincère. Il appréciait ce moment passé avec Sophia. S’il n’avait jamais cuisiné, c’est qu’il n’en avait jamais véritablement eu l’utilité ni la motivation. Pourquoi cuisiner quand il y a des plats tout fait à portée de main ? Et à quoi bon cuisiner si on n’avait personne avec qui partagé son repas ? Aucun intérêt… Cette fois, c’était différent, car Michel essayait d’apprendre pour faire plaisir à sa nièce et dans la perspective de partager de bons moments avec elle. Et pour cela, quoi de mieux qu’un bon repas à préparer et déguster ensemble pour se rapprocher ? Le démon gardait l’espoir. Cela lui permettait de garder la tête froide et de continuer à aller de l’avant. Il ne pouvait pas se laisser aller à déprimer et pour cela, il était impératif qu’il s’imagine que Maëlle se réveillerait tôt ou tard et que tout irait bien dans le meilleur des mondes. C’est aussi dans cette perspective qu’il s’investissait tant auprès d’Anarchy dans sa lutte contre Era et ses anges.

Mes explications étaient claires et mon petit Brady me dit que j'étais un bon professeur. Je souris et fus contente d'entendre son enthousiasme. Il avait hâte de refaire ce gâteau sans moi et d'apprendre d'autres recettes à mes côtés. Je hochais la tête et fus heureuse de le voir se projeter auprès de Maëlle et d'en plaisanter. Je répondis malicieusement :

" C'est sûr que tu auras plus d'impact sur elle avec des pâtisseries qu'avec une omelette. Je te montrerai comment faire des frites au four aussi et d'autres plats qui plaisent bien aux adolescentes. "

Notez que je ne l'avais pas traitée d'enfant cette fois.  

" Et je suis rassurée si j'arrive à être claire en tout cas et puis même au-delà de l'impressionner, tu pourras faire de bons petits plats pour toi aussi. C'est important de prendre soin de sa santé et de son moral et bien manger je trouve que c'est primordial. "

Je n'avais pas toujours le temps de me cuisiner des repas élaborés mais j'essayais de les faire moi-même. Ceci dit, parfois je prenais traiteur mais jamais je ne m'abaisserai au niveau de Tatiana qui était tout de même un abandon pur et simple de sa santé. Il fallait vraiment qu'un jour elle se reprenne. Je ne comprenais pas comment elle ne pouvait pas être obèse et malade. Pour cela, elle avait de la chance : son organisme tenait bon.

Il fallait attendre que cela cuise. Nous n'allions pas nous regarder dans le blanc des yeux. Aussi je profitais de l'occasion pour lui donner une liste de course pour faire des frites au four et un carrot cake.

" Ce serait bien que tu achètes cela comme ça je pourrai t'expliquer comme faire les frites et le carrot cake. Ce sont des choses qui passent bien en général. Par contre, je n'aurai sans doute pas le temps avant la semaine prochaine donc ce n'est pas à un ou deux jours près. "

Je croisais son regard et me fis violence pour tenir bon. Oui, je pouvais le regarder dans les yeux et lui dire que je ne viendrai pas demain, ni après-demain. Oui, je pouvais tenir une semaine sans le voir et encore j'étais gentille. Je le voyais plus que la plupart de mes alliés. Il fallait l'aider mais je ne devais pas me laisser trop distraire. Mon rôle était important et je devais le garder en tête. Et s'il voulait des nouvelles de Maëlle ? J'imaginais déjà cette question et ajoutais donc :

" Je t'enverrais des messages pour te tenir au courant pour Maëlle mais à priori les restitutions devraient être faisables par message. Puis, ça te permettra de retenter la recette sans aide. "

Je ne sais pas pourquoi je me justifiais ? J'étais quelqu'un d'important avec un planning et des responsabilités.
Bon, si je devais être franche vis-à-vis de moi-même, c'était sans doute parce qu'au fond j'aurai clairement pu revenir tous les midis. Le midi je squattais seule dans ma grotte à ne rien faire de primordial à Liberty. Mais quand est-ce que je respectais ce que je lui avais promis : le fait de ne pas me voir facilement car j'étais une femme occupée ? Je devais être cohérente et puis je pense que j'avais aussi besoin d'un minimum de distance. 

En tout cas, je comptais bien revenir à la charge auprès d'Azazel concernant Maëlle... Qui sait, si lui n'avait pas le droit de la voir, je pouvais peut-être tenter de la faire revenir moi-même. Ceci dit, je ne comptais pas lui en parler pour éviter les fausses joies. Cela ne donnerait sans doute rien : je n'étais pas une proche et si je connaissais son tonton, c'était bien tout.

Michel rit de bon cœur lorsqu’elle lui fit remarquer qu’il aurait plus d’impact auprès de Maëlle avec des pâtisseries plutôt qu’une omelette. Elle proposa de lui apprendre à faire des frites au four et autres petites recettes simples qui avaient généralement la cote auprès des ados.

- Excellente idée ! Je pourrais accompagner son omelette avec des frites ! Plaisanta-t-il.

Lorsqu’elle lui fit remarquer qu’il était important de bien manger, il haussa les sourcils, l’air surpris :

- Ma parole, je croirais entendre Lucas… Sors de ce corps !

La plaisanterie finie, elle lui fit une petite liste d’ingrédients qu’elle lui suggéra d’acheter pour la prochaine fois. Elle n’aurait cependant pas le temps de venir lui donner cours de cuisine avant la semaine prochaine.

- Je comprends et même si j’ai adoré ce moment passé à cuisiner avec toi, j’ai d’autres priorités qui me retiennent, moi aussi… Dit-il en reprenant un air sérieux.

Michel s’impliquait à fond dans cette lutte sans savoir combien de temps elle durerait et quelle en serait l’issue. Aurait-il le loisir de profiter d’un monde en paix où les démons pourraient vivre paisiblement sans honte et sans reproches ? Evidemment, il aurait aimé pouvoir un peu profiter de ce temps de paix lorsqu’il viendrait, mais il espérait surtout que Maëlle pourrait en profiter pleinement. Il le souhaitait de tout cœur au moins pour elle et les autres, tant pis pour lui s’il ne pouvait savourer les fruits de cette victoire, il y aurait au moins contribué.

Sophia lui dit qu’elle lui enverrait des messages pour lui donner des nouvelles de Maëlle. Il acquiesça en la remerciant sincèrement. Cela lui faisait du bien de pouvoir avoir des nouvelles de sa nièce. Evidemment, il aurait souhaité pouvoir aller la voir, lui parler, lui raconter ses blagues reloues et lui tenir la main, mais il savait qu’il ne pouvait se le permettre pour son bien.

- Merci pour tout Sophia. Sois prudente et à bientôt j’espère. Dit-il en lui adressant son beau sourire charmeur.

Tous deux savaient qu’ils risquaient leur vie en luttant pour soutenir Azazel, chacun selon ses principes.

Brady fut visiblement emballé par mes propositions. Il se voyait déjà accompagner son omelette de frites. Il rit, j'en fis de même. Il y tenait à son omelette. Sa nièce allait devoir s'accrocher s'il ne la nourrissait que de ça. En tout cas, le plat serait plus alléchant avec des frites et quelques sauces. Il faudrait lui montrer comment faire une mayonnaise maison : c'était un délice, rien à voir avec ce que l'on pouvait goûter dans le commerce. Alors que je pensais cela, il me fit remarquer que je lui faisais penser à Lucas et lui demanda de sortir de ce corps. Je ris et dis d'un air faussement offensé :

" Olala, jamais de la vie. Je n'ai rien à voir avec lui. Je suis juste une démone qui compte bien vivre très vieille et en bonne santé pour voir le magnifique monde d'après. "

Après lui avoir donné la liste des ingrédients, mes instructions et explications il me dit comprendre. Ceci dit, il précisa avoir adoré ce moment passé à cuisiner avec moi avant de m'expliquer avoir lui aussi d'autres priorités de son côté. Nous étions tous deux pris par nos obligations, visiblement. Les temps de légèreté de ce genre étaient de rares éclipses dans notre quotidien. Je suppose que cela nous faisait à tous les deux beaucoup de bien de décompresser ainsi.

Il me remercia concernant sa nièce, me demanda d'être prudente et souhaita me revoir bientôt en faisant son sourire charmeur qu'il devait faire à toutes ces filles. Je lui souris un peu trop à mon goût et lui fis un clin d'oeil. Bien sûr, avant de partir, je sortis le gâteau du four avec un gant évitant de me brûler. Je lui montrais la technique du couteau prouvant que le centre était cuit? Je lui coupais une part et lui dis :

" Allez, goûte ça et tu m'en diras des nouvelles. "

Je me pris une part, lui fis un dernier clin d'oeil.

D'un air malicieux je lui lançais un " Bye, bye Brady."  avant de disparaitre par le sol.

Je ne lui avais pas dit avoir apprécié ce moment pour un tas de raisons que je n'évoquerai pas. Il devait bien savoir que c'était le cas, de toute façon. J'essayais de ne plus y penser et me remis dans mon quotidien. Ce ne fut pas compliqué : on m'appela assez rapidement sur une intervention.

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Une semaine s'écoula avec son lot de péripéties. Entre ma routine, mes missions, mes visites à Tatiana et les renforts je n'avais pas une minute pour moi. Pourtant, pour tout vous avouer : j'eus tout de même le temps d'avoir un petit coup de mou. Je culpabilisais pour ce qui était arrivé à Tatiana. Elle n'était pas morte mais sans état restait préoccupant et elle n'était pas encore tirée d'affaire. Je ne pouvais rien faire d'autre que compter sur Azazel et attendre. Mon erreur avait été gravée dans mon esprit : plus jamais je ne l'emmènerai si j'avais le moindre doute sur ses capacités.

J'essayais de moins souffrir en faisant avancer les recherches sur le remède. Un groupe travaillait dessus 24h/24. Je peux vous dire qu'ils étaient motivés. De son côté, Azazel avait aussi pris des échantillons. Nous avions donc toutes nos chances de retourner la situation bien que rien de concret n'en soit sorti pour le moment.

Autre chose me tourmentait. Je ne dormais quasiment pas à cause du travail mais aussi un peu parce que j'avais trop de bons moments en tête avec Brady. Il occupait mes pensées dès que j'avais une seconde de libre. C'était puéril, idiot et ça m'énervait. Je me sentais comme ces filles stupides dans ces filles avec des papillons dans le ventre et clairement, je ne pouvais plus me dire que c'était juste la faim. Ne le connaissant pas tant que cela, j'avais conclu qu'il s'agissait juste d'un béguin. Je n'avais pas besoin de cela et je devais réagir. Heureusement, cela m'était déjà arrivé - même si je vous dirai le contraire. Dans ces rares cas, il me suffisait de faire une liste suffisamment percutante pour écraser mon coeur par la raison. Alors ce soir-là je sortis un papier, réfléchissant à ce qui pouvait me convaincre qu'il n'était pas quelqu'un pour moi.

Je notais "ne sait pas cuisiner" bien que cela n'était pas un grand argument il fallait bien sortir quelque chose. "M'a comparé à Lucas" arriva en second puis ce fut le trou noir. Je trouvais plus facilement le positif comme le fait qu'il soit attentionné, inventif, serviable, drôle, charmant, surprenant avec son don, la montgolfière etc. Allez, il y avait forcément un truc que mon coeur ne voulait pas que je souligne, quelque chose qui me ferait cesser tout ceci et réduirait cela à une bonne amitié. C'était tout ce dont j'avais besoin... Je savais bien que je serai incapable de le détester et ce n'était pas du tout le but de l'exercice. Il me fallait juste ce qu'il fallait pour éviter de m'emballer pour un gars que je ne connaissais clairement pas assez. Alors me vint une révélation, une évidence. Je notais "Anarchy". Voilà, il était chez les extrémistes... Je repensais alors à ce qu'il avait dit : les anges ils leur laissaient le choix de devoir démon ou ils les tuaient. Possiblement, il tuerait ou avait déjà tué ma famille. Si je pouvais le comprendre, cette idée me retourna le ventre. Je ne pouvais avoir le béguin pour celui qui avait peut-être réduit mes chances de vivre un renouveau avec les miens dans le monde d'après.

Je m'endormis à la fois satisfaite et amère de ma trouvaille. Forcément, le béguin n'aime pas être mis au tapis, je le savais. Il voulait nier l'évidence, il voulait juste pousser dans la direction qu'avait si bien suivie Tatiana. Quand on voyait où cela la menait, ça ne faisait clairement pas envie. Je ne voulais pas des romances, de toutes ces belles choses qu'on vous retire quand on s'y habitue - quand on a la chance de pouvoir le faire. Je ne voulais plus qu'on me brise le coeur. Si j'étais du genre fière et si j'en imposais face à mes équipes, je restais très sensible aux autres et à ceux que j'aimais.

D'ailleurs, la nièce de Brady, Maëlle, me touchait beaucoup. Cela n'avait rien à voir avec mon fameux charmeur. J'étais vraiment attristée qu'une adolescente soit clouée dans le comas de la sorte. Je m'étais battais pour elle et j'avais fini par faire céder Azazel sur le sujet : elle m'accorderait de la visiter à l'hôtel California la semaine prochaine. J'avais essayé de négocier les délais mais il y avait trop d'offensives ennemies pour l'envisager avant.

C'est en pensant à elle que je commençais ma journée. J'allais aller la voir avec tous les autres... Et à la pause midi j'irai retrouver Brad Pitre premier. Je l'avais bien entendu tenu au courant de mes visites à Maëlle tous les jours en essayant de faire concis tout en donnant un minimum d'informations. Hier je lui avais signalé que je passerai au midi afin qu'il s'organise pour ne pas être accompagné quand je passerai et qu'il ait de quoi faire les frites, une mayonnaise maison et le carrot cake. Je lui avais rappelé la liste des ingrédients, au cas où.

La matinée passa vite, je retrouvais mon apparence habituelle et je me rendis comme la dernière fois dans l'appartement de Brady. J'étais dans l'entrée et lui dis :

" Toc, toc. Votre messagère est arrivée et a des nouvelles. Il y a quelqu'un ? "

Je m'avançais doucement en espérant qu'il serait réveillé. Je ne l'avais pas spécialement cherché mais supposais qu'il était dans son appartement comme convenu. J'avais l'impression de ne pas l'avoir vu depuis des siècles vu le nombre de choses qui s'étaient produites depuis.

Je n'avais pas forcément bonne mine : j'étais un peu cernée à cause de mes nuits très écourtées et mon teint était un peu pâle sans doute car j'étais assez stressée par rapport à Tatiana. Niveau vestimentaire je restais sur le jean bleu et un pull blanc ample mais à manches courtes car le temps était plus doux. Mes cheveux étaient tenus en un chignon lâche laissant des mèches se balançaient à leur aise autour de mon visage.

Michel s’amusa de la réaction de Sophia lorsqu’il la compara à Lucas. Ils échangèrent encore à propos des ingrédients et autres explications avant que la talentueuse cheftaine de Liberty ne sorte le gâteau du four et donne une technique à son élève en matière de cuisine pour lui montrer comment vérifier qu’un gâteau était bien cuit. Après l’effort, le réconfort et ils purent déguster leur préparation.

- Délicieux ! commenta Michel tandis que Sophia prenait sa part de gâteau à emporter et fila comme une étoile filante après l’avoir saluer. Bye ! Eut-il à peine le temps de lui répondre.

Cette visite impromptue n’avait pas déplu à Michel, loin de là, néanmoins, il songea qu’il ne devrait sans doute pas occuper longtemps cet endroit. En effet, il avait eu la chance d’être trouvé par une alliée, mais si ça avait été un ennemi ? Bien sûr, le risque zéro n’existait pas et Sophia ne pouvait être comparée à tout le monde. Bah, il y réfléchirait plus tard, pour l’heure il avait plus important à faire, à commencer par déguster ce délicieux gâteau et continuer d’étudier les plans pour sa mission à venir.


La mission se passa bien. La semaine de Michel s’écoula, bien chargée. Il était épuisé et sous tension. Il s’était pris la tête avec un supérieur qui voulait envoyés des Anarchistes pour une mission suicide à laquelle Michel s’était farouchement opposé. Il avait réussi à obtenir gain de cause, mais pour combien de temps ? Le démon n’était pas à l’aise, car il savait que l’autre ne manquerait pas de revenir à la charge. Certes, la plupart des Anarchistes étaient prêt à mourir pour la cause, mais Michel estimait que ce n’était pas une raison pour les envoyer se faire massacrer sous prétexte d’éliminer quelques anges. De plus, Michel préférait toujours laisser leur chance aux anges de devenir démon. Il estimait qu’ils avaient le droit d’avoir une chance de repartir sur de nouvelles bases.

Le résultat de ces désaccords se traduisait par des tensions au sein des Anarchistes, ce qui m’était en péril les participants aux missions. Heureusement, ces dernières étaient toutefois organisées de sortes à ce que les participants s’entendent suffisamment pour augmenter leur taux de réussites. Michel veillait également sur son protégé. Il était hors de question que les démons d’Anarchy en fassent leurs pantins. Lucas pouvait bien râler de devoir faire souvent équipe avec Michel, ce dernier ne le confierait pas à n’importe qui.

Anarchy avait essuyé quelques pertes durant les récentes missions. Michel avait vu des compagnons mourir sous ses yeux, il les avait vu expirer leur dernier souffle. C’était dur. Très dur. Même si de part son âge avancé, il avait souvent été confronté à la mort sous toutes ses formes, il ne parvenait pas à s’y habituer. A plus forte raison lorsqu’il s’agissait de jeunes gens, humains ou démons qui luttaient pour défendre leurs idéaux et qui ne souhaitaient que de se faire une place somme toute légitime dans ce monde conçu par Era.

Son seul réconfort cette semaine éprouvante émotionnellement, fut d’avoir des nouvelles quotidiennes de Maëlle. Il était soulagé de pouvoir compter sur Sophia en ce qui concernait sa nièce. La cheftaine et lui avaient convenu d’un rendez-vous pour leur petite leçon de cuisine hebdomadaire. La perspective de ce moment avait aidé Michel à tenir la semaine. Le démon avait consciencieusement été se procurer les ingrédients requis pour ce jour. Sophia manifesta sa présence tant attendue. Michel se manifesta, affichant un grand sourire aux lèvres :

- Tiens voilà mon rayon de soleil ! Entre, je t’en prie, installe-toi. Comment vas-tu ? Et Tatiana ? Tu as de ses nouvelles ? Elle se rétablit bien ? Lucas m’a dit qu’il avait été la voir.

L'accueil de Brady fut aussi chaleureux qu'à son habitude. Il me qualifia de rayon de soleil, je lui souris en sortant mes lunettes de soleil flamant rose. Je lui montrais même mon vernis rose assorti comme pour confirmer que j'étais réellement un rayon de soleil aujourd'hui. Vous n'imaginez pas le succès que j'avais eu à l'hôpital. Je pris place sur son canapé après avoir rangé mon accessoire et je perdis mon sourire lorsqu'il évoqua Tatiana. Il évoqua Lucas, ce petit veinard et je fis de mon mieux pour répondre de manière neutre et objective.

" Pour Tatiana, Azazel m'a dit que son état restait inquiétant mais il y a du mieux. Je n'ai toujours pas la possibilité de la voir car elle m'en veut. Donc je ne suis pas au mieux car je ne fais que m'inquiéter qu'elle rechute et je ne peux pas me faire une réelle idée de son état sans la voir. "

Je soupirais en revoyant mentalement l'image qu'elle m'avait laissée à l'hôpital. Elle faisait tellement de peine à voir. Qui sait dans quel état elle était. Et l'autre avait pu la voir alors que moi je restais dans l'ignorance. Je comprenais sa colère mais trouvais ça injuste d'être rejetée alors que j'avais toujours été là pour elle. Enfin, elle avait toujours eu son caractère.

" Mais je l'ai bien mérité. C'est de bonne guerre. Je n'aurai pas dû la mettre sur la mission ni mal parler à son très cher Lucas. "

Après un second soupire, je me frottais les mains.

" Changeons de sujet. Maëlle stabilise et montrer des petits signes de connexions avec le monde bien qu'elle dorme. Je suis contente pour elle. "

Je marquais une pause et le pointais du doigt avec un sourire.

" Et tu vas être content, je pense, car je vais la rencontrer semaine prochaine dans l'Hôtel California. C'est validé avec Azazel. J'aurai aimé t'emmener mais elle reste sur ses positions concernant ton camp. "

J'espérais que cette nouvelle réjouirai Brady. Après tout, je pourrai lui dire ce qu'elle ressentait etc et peut-être mettre en place quelque chose si j'échouais à la réveiller. Mieux valait ne pas partir gagnante dès la première visite : je n'avais jamais fait cela et puis elle ne me connaissait pas. Je n'étais même pas certaine qu'elle me parle. Après, elle devait m'entendre tous les jours et reconnaitrait peut-être ma voix. Je comptais là-dessus. Enfin, nous verrions bien.

" Si tu as des choses que tu veux que je lui dise ou autre, tu me fais un petit mot et je l'apprendrai par coeur. "

C'était sa chance de communiquer avec elle un minimum. Je ris en ajoutant :

" Bon, si tu pouvais éviter de me ridiculiser de trop, j'apprécierai. Je n'ai pas envie de faire la baleine sauf si c'est vraiment nécessaire. "

- J’adore ! Déclara Michel avec un large sourire quand elle mit ses lunettes flamants roses. Il le disait en toute honnêteté.

Lorsqu’il lui demanda des nouvelles de Tatiana, elle répondit sur un ton neutre, peut-être même un peu froidement selon l’impression de Michel, sans doute une façon à elle d’essayer de se détacher et de prendre de la distance par rapport à cet événement qui avait dû l’affecter. Sophia n’avait toujours pas eu la possibilité de la voir car Tatiana lui refusait toute visite. La rousse estimait qu’elle l’avait mérité à plusieurs égards. Il senti qu’elle gardait une certaine rancœur envers Lucas à la façon dont elle cita son nom. Cela pouvait se comprendre, même si ce dernier n’y était pour rien. Toutefois, Sophia souhaita ne pas s’attarder sur le sujet Tatiana et enchaina tout de suite sur Maëlle. Michel n’insista pas, il était content d’avoir des nouvelles de sa nièce dont l’état se stabilisait et qui semblait manifester de légers signes de connexions avec le monde qui l’entourait. Ce n’était pas grand-chose, mais c’était très encourageant ! Et le tonton gâteau s’accrochait à cette lueur d’espoir. Sophia poursuivit en affirmant qu’il allait être content.

- Ah ? Interrogea-t-il perplexe.

Fort heureusement, la suite ne se fit pas attendre et Sophia lui révéla qu’elle avait réussi à obtenir d’Azazel d’aller la voir à l’hôtel California. Un sourire se dessina sur son visage, mais celui-ci s’estompa rapidement lorsqu’elle lui expliqua qu’elle avait souhaité l’emmener avec elle, mais qu’Azazel y était réticente étant donné son affiliation à Anarchy.

Michel était mitigé entre joie et déception. Oui, il était heureux à l’idée que Maëlle puisse recevoir de la visite, là où elle était. Au moins, elle ne serait pas totalement isolée et elle pourrait garder un lien avec le monde réel. Il était bien évidemment déçu de ne pas pouvoir se joindre à Sophia, surtout pour les raisons avancées… Après tout, ne servait-il pas les desseins de la déesse d’une certaine façon ? Mais il décida de se concentrer sur le positif. C’était déjà une chance pour lui d’avoir cette opportunité de pouvoirs avoir des nouvelles de sa nièce, plus encore que quelqu’un puisse aller lui rendre visite là où elle était.

Il rit de bon cœur lorsque Sophia lui fit savoir qu’elle n’avait pas envie de faire la baleine sauf si c’était vraiment nécessaire.

- Haha ! Non, ça ira pour la baleine ! Tu pourras lui dire que son tonton préféré pense à elle tous les jours et qu’il espère lui faire découvrir plein de belles choses à son réveil.

Michel resta un moment silencieux, ému, avant de remercier Sophia.

Brady avait adoré mes lunettes, sans grande surprise. Par contre, il sembla un peu déçu de ne pouvoir m'accompagner à l'hôtel : logique. Je l'étais aussi pour lui. Que voulez-vous, notre déesse aimait parfois encourager les recrutements donnant-donnant. Je n'y pouvais rien... Elle ne voulait donner de faveurs qu'à ceux qui s'engageaient au moins à essayer ses principes en nous rejoignant. Il fallait bien avouer que certains ne les respectaient pas à la lettre et fermaient les yeux concernant les agissements d'Anarchy. Tatiana et moi le faisions parfois, Tatiana bien plus régulièrement que moi. Enfin voilà, j'allais y aller seule.

Mon cher ami rit franchement quand je lui évoquais la baleine. Il me dit que ce n'était pas nécessaire mais que je pouvais lui dire que son tonton préféré pensait à elle tous les jours et qu'il espérait lui faire découvrir plein de belles choses à son réveil. Je lui souris et lui dis :

" Oui, je lui parlerai des frites qui l'attendent et tes bons petits plats. Ça devrait aussi la motiver. "

Je le regardais, sentant toute l'émotion qui le parcourait. J'étais heureuse pour lui. Il respirait l'espoir et il n'y avait rien de plus beau que pouvoir transmettre ce genre d'émotions, à mes yeux. Il me remercia. Je secouais la tête.

" Tu me remercieras quand elle sera ici à te réclamer des frites. D'ailleurs il est l'heure de s'y mettre : ça prend du temps ces choses-là. Donc aujourd'hui ce sera frites, mayonnaise maison et carrot cake. Il faudra que tu lui fasses aussi manger des légumes mais je pense que ce sera déjà bien pour un début. Au pire, tu pourras acheter une salade préparée en magasin, le temps de t'y mettre. "

Je me levais et vérifiais que ma chevelure était bien attachée avant de cuisiner. Je m'approchais du plan de travail, pris les pommes de terre, les planches à découper et l'invitais à s'assoir à table avec moi.

" D'abord on va éplucher des pommes de terre. C'est le moins drôle mais comme on est deux, on ira plus vite. Je te montre ma technique et surtout le sens pour les couper. "

Je lui montrais comme enlever d'abord la peau avec un économe - pas besoin de l'embêter à le faire au couteau. Puis je lui montrais comment faire de beaux bâtonnets. Je le regardais faire une pomme de terre et lui indiquais comment améliorer si besoin et le félicitais quand c'était bien fait.

"Courage, bientôt tu seras plus rapide que moi et tu en feras des quantités facilement. D'ailleurs, par la suite, si tu bougeais moins, tu pourrais même congeler tes bâtonnets assaisonner et les enfourner au four à 240°C pendant 20min et ce sera bon. Comme ça, quand tu en fais, tu en fais aussi par avance et tu peux sortir ta botte secrète n'importe quand pour faire plaisir ou te faire plaisir. Et tu verras, ça n'a rien à voir avec les frites industrielles. "

Je m'appliquais sur la découpe et le fis assez facilement : j'avais le coup de main. J'aimais bien faire des activités manuelles de tout type, il faut dire. Je chantonnais une mélodie se voulant encourageante pour mon Brad pitre international à base de "allez super tonton" et de "c'est le terminator des frites d'or". Ne cherchez pas la signification, il fallait juste que ça rime.

Ça me faisait du bien de le voir. Lui aussi était mon rayon de soleil dans des journées compliquées et toujours plus exigeantes. Ici je pouvais dire et faire n'importe quoi, ne pas être la cheftaine droite et infaillible qui doit tout rattraper. Ça faisait du bien de décompresser et juste s'amuser tout en étant un minimum utile, bien sûr.

Quand nous aurions fini je lui expliquerai que nous devions plonger les bâtonnets dans une casserole d'eau bouillante salée pendant 2 minutes puis dans une bassine d'eau froide pendant 30 secondes. Après quoi nous les égoutterions et les laisserons sécher sur un torchon propre. Il faudrait alors  assaisonner avec sel, poivre, huile et peut-être paprika s'il voulait tenter. Après il ne resterait qu'à enfourner, veiller à ce que ça ne brûle pas et ce serait bon. C'était assez simple. Pendant ce temps, nous pourrions faire de la mayonnaise maison. Mais une chose à la fois : il restait encore des pommes de terre.

" C'est dommage qu'elle soit adolescente sinon c'est sympa de proposer de faire des monsieurs et madames patates et de leur faire un régime au fur et à mesure. Ou bien de faire des petits défis avec des courtes paille patate. "

Oui, je l'avais déjà fait. C'était drôle. J'adorais faire ce genre de chose tout comme j'aimais inventer les sous-titres de films ou série en coupant le son de la télévision.

- Tu n'oublieras pas de lui vanter mon omelette dont elle ne se remettra pas ! Ajouta-t-il en lui lançant un clin d’œil complice.

Certes son omelette n’avait rien d’exceptionnel en soi, mais elle avait le mérite de faire partie de ces rares omelettes dont Sophia se souviendrait. Sophia lui dit qu’il la remerciera quand Maëlle serait présente et lui réclamerait des frites. Il acquiesça en souriant. Elle enchaina tout de suite sur ce qu’elle avait prévu de lui apprendre à préparer. Michel exécuta toutes les recommandations à la lettre, lorsqu’il était incertain, il n’hésitait pas à poser des questions à son amie.

- Tout est tout de suite plus intéressant quand tu es là ! La rassura Michel en souriant lorsqu’elle lui dit qu’éplucher les patates n’était pas la partie la plus drôle.

Elle lui montra comment les couper, le sens et la technique.

- Comme ça ? S’enquit-il tout en le faisant.

Michel s’avérait être un élève attentif et sérieux, avec une bonne humeur communicative. De temps en temps, il s’amusait à sortir une petite blague de circonstance. Sophia l’encourageait et lui fit part de ses suggestions, elle lui raconta une petite anecdote rigolote sur un jeu à faire avec les plus jeunes et les patates à éplucher. Michel esquissa un sourire amusé lorsqu’elle évoqua les frites industrielles :

- Tu me fais vraiment penser à Lucas quand tu parles comme ça. La taquina-t-il gentiment. Pour être franc, je ne suis pas sûr de vraiment me poser un jour… J’aimerais faire le tour du monde, pourquoi pas même en montgolfière ! Il y a tellement de merveilles de la nature et d’autres réalisées par les hommes à découvrir. Mais si besoin, je pourrais toujours ouvrir un petit food truck et reproduire les recettes que tu m’auras apprises pour renflouer un peu le portefeuille. Je pourrais aussi emmener Maëlle voir les baleines !

Michel rêvait. C’était beau de rêver. Cela lui permettait de maintenir sa motivation et son espoir intact quand tout autour de lui semblait s’effondrer. Les rêves, les perspectives d’avenir, c’est ce qui permettait de s’accrocher, même dans les moments les plus difficiles. Michel partagea son point de vue à ce sujet.

- Tu sais, grâce à Tatiana, Lucas recommence à avoir des rêves et des perspectives d’avenir autre que sa vengeance. Je suis content et soulagé pour lui. J’aimerais remercier Tatiana pour ça.

J'avais ri et avait confirmé à Brady que je n'oublierai pas de parler de son omelette. Je lui dis avec malice :

" C'est tellement évident que je ne l'ai pas précisé. Comment passer à côté, n'est-ce pas ? "

Je lui rendis son clin d'oeil et me dis que c'était bien la seule personne qui me parle autant d'omelette. Il était certain qu'à chaque fois que j'en verrais ou en mangerai une, je penserai à lui. C'était désormais une de ses marques de fabrique. Je n'aurai jamais cru cela, la première fois que je l'avais vu. Ceci dit entre ça, ses tenues enflammées, sa montgolfière, il avait un univers totalement déjanté et assez magique à la fois autour de lui. Que l'on aime ou pas, on devait bien admettre qu'il était tout à fait unique en son genre.

Notre cours de cuisine avançait bien et Brady s'appliquait. Il me dit que tout était tout de suite plus intéressant quand j'étais là. J'aurai sans doute rougi si je n'avais pas fait ma liste pour me calmer à son sujet. Il avait le compliment facile, me dis-je. Pas la peine d'en faire une montagne : il devait dire cela à tous ceux qui prenaient du temps en sa compagnie. Ceci dit, cela faisait toujours plaisir à entendre et de s'imaginer que cela puisse être vrai.

" Merci, merci. " Lui répondis-je en prenant une voix imbue de moi-même tout en mimant une révérence pour accentuer le fait que je n'étais pas du tout sérieuse sur le sujet.

Je le guidais sur la manière de couper et me permis de poser ma main sur la sienne pour lui montrer comment guider l'ustensile. Avec la bonne inclinaison tout allait plus vite.

" Presque, tu vois si tu inclines légèrement ce sera encore plus facile et rapide. Vas-y, je te laisse faire tout seul. "

Je passais un bon moment avec lui : il s'appliquait toujours et me sortait des blagues qui me faisaient toujours bien rire. Comme il semblait pas prise de tête pour un sou et si drôle, j'avais du mal à imaginer qu'il ne soit pas entouré d'une flopée d'ami et de filles constamment. Remarque, avec Anarchy il semblait aussi éloigner les personnes pour leur sécurité. Sans doute le fait que je sois la cheftaine de Liberty le décontractait sur le sujet ? Ou bien c'était pour Maëlle qu'il faisait l'effort ? Ou encore, peut-être que les gens ne prenaient pas le temps de le connaitre, comme il l'avait suggéré à moitié dans la montgolfière.

Retour à nos frites : j'évoquais les frites industrielles et Brady me compara encore à Lucas. Il souligna que je lui faisais penser à lui quand je faisais ce genre de remarque.

" À croire qu'il est sensé ce Lucas. On devrait finir par s'entendre avec un peu de chance. " Dis-je sans prendre trop la mouche cette fois-ci.

Il me dit ensuite ne pas être sûr de se poser un jour et m'expliqua vouloir faire le tour du monde possiblement en montgolfière. Il voulait découvrir les merveilles du monde. Il se laissait néanmoins la possibilité de renflouer les comptes via un petit food truck avec les recettes que je lui aurai apprises. Il enchaina sur la possibilité d'emmener Maëlle voir les baleines.

" Je comprends, ça fait rêver c'est sûr. Tu as bien raison. Maëlle et toi pourrez vivre vraiment une vie formidable. "

Dis-je en me disant que pour ma part je ne savais pas vraiment ce que je ferai quand tout serait fini. Quels étaient réellement mes rêves ? Resterais-je ici ou bougerais-je ? En même temps où irais-je et avec qui ? Si tout finissait bien pour Tatiana et qu'elle continuait sur sa lancée avec Lucas, elle n'aurait plus vraiment besoin de moi. Ils pourraient vivre leur vie ensemble. Moi, même si je voulais garder l'histoire de retrouver ma famille, rien ne disait que ce serait le cas. Quand bien même, nos visions du monde étaient si différentes. En fait, je finirai sans doute seule dans ma nouvelle maison à hacker pour passer le temps et continuer ma routine dans les hôpitaux. Et s'il n'y avait plus de problèmes graves de santé avec Azazel ? À part aider les autres et hacker, je ne savais pas vraiment ce que je ferai. Bon, nul besoin de se tourmenter : j'avançais un jour à la fois, nous n'y étions pas de toute façon. Contrairement à lui, j'avançais avec pour objectif la réussite d'Azazel et le bien-être des autres en attendant. Je n'avais pas besoin de projeter mon propre avenir.

Soudainement, Brady me parla de Tatiana et Lucas. Il me dit que grâce à elle il commençait à retrouver des rêves autre que sa vengeance et que cela le soulageait. Je lui souris et répondis franchement :

" Elle sera ravie que tu lui dises, j'en suis sûre. Elle ne laisse personne être proche d'elle, Lucas est son exception. Elle ferait tout pour lui même si parfois sa maladresse la pénalise. Je suis contente pour eux, s'ils peuvent réussir à rêver dans ce chaos. "

Je me dis que de mon côté, je ne vivais presque que pour travailler sur mes sujets sensibles. Cela me convenait, du moins, je m'en persuadais.

Michel fut satisfait de la sentir moins braquée concernant Lucas. C’était son protégé et il considérait Sophia comme une amie – cela paraissait évident, sinon elle ne serait pas chez lui à lui apprendre à cuisiner et il ne lui aurait pas parlé de sa nièce autrement – par conséquent, le fait qu’ils puissent s’entendre ne serait-ce qu’un peu importait beaucoup à Michel.

Lorsqu’il évoqua ses projets de voyages, Sophia commenta que cela faisait rêver et qu’ils pourraient vivre une vie formidable. Michel acquiesça en souriant, tout en s’appliquant à découper correctement ses patates. Lorsqu’il lui parla de Tatiana, elle lui dit qu’elle était certaine que cette dernière serait ravie qu’il le lui dise. Elle poursuivit en expliquant qu’elle ne laissait personne l’approcher à part Lucas, même si elle était parfois maladroite. Elle était contente s’ils pouvaient réussir à rêver dans ce chaos tous les deux.

- Pareil pour Lulu. C’est peut-être parce qu’ils sont tous les deux des écorchés vifs qui s’accrochent à la vie comme ils peuvent même si pour eux elle n’a plus aucun sens ? Lucas n’est qu’un simple humain, il filait le parfait amour avec une démone sans histoire et un soir, alors qu’ils sortaient d’un dîner en amoureux, elle a été tuée par un ange sous ses yeux… Ils devaient se marier et pire encore, elle était enceinte de jumeaux. C’est à partir de là qu’il a rejoint Anarchy dans l’idée de se venger et que j’ai décidé de le prendre sous mon aile. J’ai beau faire partie d’Anarchy, on a tous nos raisons d’y être et il y a des démons sans scrupules qui n’hésitent pas à manipuler Lucas à son insu. Je fais de mon mieux pour les tenir à l’écart, mais je ne peux pas être tout le temps sur son dos et si j’ai quelques alliés à Anarchy sur qui je peux compter, je ne suis pas rassuré… Alors je suis content qu’il ait rencontré Tatiana qui a l’air de l’apaiser un peu et de lui faire du bien. Et toi ? Ca fait longtemps que tu connais Tatiana ? Vous avez l’air très proche.

Tandis qu’ils bavardaient, ils n’en avançaient pas moins efficacement dans la préparation des frites qu’ils n’allaient pas tarder à enfourner dans le four préchauffer.

Brady m'expliqua que Lucas était comme Tatiana et que c'était sans doute parce qu'ils étaient tous deux grandement blessés accrochés à une vie sans aucun sens. Je hochais la tête : c'était bien résumé. Il poursuivit en m'expliquant en détail ce qui lui était arrivé avec son ancien amour : une démone. J'en avais entendu parler sans vraiment m'attacher aux détails. Cette fois, j'écoutais attentivement tout en m'affairant. Ils étaient sortis d'un dîner en amoureux alors qu'elle était enceinte de leurs jumeaux lorsqu'elle fut tuée par un ange sous leurs yeux. Ils devaient se marier, avoir leur famille. Il voulait donc se venger et avait rejoint Anarchy dans ce but et Brady l'avait pris comme protégé. Cela ne me surprenait pas : il gardait ses anciennes habitudes d'ange, comme moi.

Il expliqua qu'à Anarchy il y avait des gens bien avec de bonnes raisons mais aussi des démons sans scrupule - je ne le savais que trop bien. Pourquoi croyait-il qu'Azazel ne voulait pas lever un petit doigt pour Anarchy ? Pour inciter les bons à la rejoindre et laisser les fous furieux seuls. Elle ne voulait rien à voir avec eux mais ne voulait pas non plus punir ceux qui avaient de bonnes intentions. Enfin, je le supposais. Je n'étais pas dans la tête d'Azazel mais c'était également ma position. Je savais que beaucoup auraient pu nous rejoindre et je le faisais sans problème. Brady aurait vraiment gagné à les quitter mais comme il l'avait dit : il ne pouvait pardonner aux anges et les voyaient morts ou démons.

Toujours était-il que Brady s'inquiétait pour Lucas car il pouvait être mal influencé. Heureusement, depuis l'arrivée de Tatiana, il sentait qu'il était apaisé et cela le réjouissait. Je hochais la tête, contente pour eux. Il me demanda si je connaissais Tatiana depuis longtemps et suggéra que nous avions l'air proche. Je hochais la tête et calculais à voix haute.

" On peut dire ça. Je l'ai trouvée quasi morte elle devait avoir... Quatre ou cinq ans moi j'en avais donc vingt de plus. Maintenant elle a fêté ses cent ans donc ça fait un bail oui. "

Le temps passait vite, trop vite. Je la revoyais encore avec son visage de bébé, totalement perdue.

" Mais elle ne me connait officiellement que depuis la naissance de la résistance. Je ne me suis jamais annoncée dans sa vie puisqu'elle montrait clairement qu'elle détestait le monde entier. Je lui ai juste mis sur ses chemins des coups de main pour qu'elle puisse tenir le choc et vivre un minimum décemment. On peut dire que je suis son ange attitré, invisible, souvent rejeté mais toujours présente quoi qu'elle en dise. "

Je finis de découper mes dernières pomme de terre et lui décrivis quelques souvenirs.

" Je me suis demandée comment des anges pouvaient attaquer une pauvre petite démone de quatre ans. Elle n'avait rien fait, rien demandé et ils revenaient sans cesse pour la tuer. Un couple d'ange... J'ai enquêté encore et encore. Je ne pouvais pas en dormir. Je voulais savoir mais la vérité est si atroce. "

J'en avais les larmes aux yeux et je marquais une pause avant de reprendre.

" J'ai entendu dire qu'il se pourrait que ce couple soit ses parents et qu'ils ne supportaient pas qu'un démon soit dans leur lignée. Elle aurait été repéré par des humains bébé en train de pleurer et aurait été rendue démone par Era pour cela. Depuis, les anges voulaient "purifier" leur lignée en l'éliminant alors qu'elle n'avait rien demandé. "

J'eus un sourire et dis :

" Mais c'était mal connaitre ma petite Tatiana. La vie, elle s'y accroche comme une moule à son rocher. Elle leur a fait la misère ! Elle brûlait tout et même en dormant, quand ils venaient tenter de l'attaquer elle répliquait. Bon, du coup maintenant elle brûle encore tout en dormant et elle garde cette angoisse ou presque ce réflexe de tout brûler en dormant. J'ai tellement de peine pour elle. Elle a cent ans, chaque nuit ou presque, elle fait la torche humaine. "

Je n'avais jamais raconté cela à qui que ce soit. En même temps, personne ne me l'avait jamais demandé. J'essuyais la larme qui avait fini par sortir et dis avec fierté.

" J'ai fini par trouver ces deux immondices et je leur ai fait assez la misère pour que plus jamais ils ne viennent la toucher. Je ne suis pas du genre violente mais je ne pouvais pas m'imaginer la retrouver morte pour leur idéal. Je ne les ai pas tués, pour elle, au cas où elle voudrait s'en charger. "

Je me levais pour chercher de quoi sécher puis assaisonner nos frites.

" Mais pour répondre à ta question, je suis proche d'elle. Elle, elle pense que je ne suis là que parce que je suis sa cheffe. Des fois, ça me fait mal au coeur. Je l'ai vue grandir et j'aurai aimé avoir un petite place à ses côtés maintenant qu'elle sait que j'existe mais c'est purement égoïste. "

Là je me rendis compte que je me confiais peut-être un peu trop et lui montrais, sans transition, comme sécher et assaisonner au mieux ses frites.