La messagère (Michel)

Sophia confia à Michel qu’elle avait rencontré Tatiana quand cette dernière n’était encore qu’une petite enfant d’à peine quatre ou cinq ans. A présent, elle avait un siècle, ce qui confirma qu’elles se connaissaient depuis longtemps ! Sophia apporta rapidement de nouvelles précisions à son récit. En réalité, elles ne se côtoyaient franchement que depuis la création de la Résistance, ce qui était relativement récent. Elle expliqua qu’elle ne s’était jamais véritablement manifestée dans sa vie, mais qu’elle avait veillé sur elle pendant tout ce temps. Elle lui raconta les circonstances de sa rencontre avec Tatiana et les réponses que lui avaient apportées ses recherches pour comprendre pourquoi les anges s’acharnaient sur cette petite démone.

Michel l’écoutait avec attention. Il hochait de temps en temps la tête et les divers sentiments qu’il éprouva à l’écoute du récit de Sophia s’exprimèrent sur son visage. Les larmes montèrent aux yeux de la cheftaine tandis qu’elle avançait dans l’histoire qui la liait à sa protégée contre qui le sort s’était acharné depuis un malheureux incident dont il fit fatalement le parallèle avec Maëlle. A la différence que Maëlle était plus âgée, que ses parents l’avaient reniée sans chercher à l’éliminer pour autant et qu’elle avait son cher tonton Michel sur qui elle pourrait toujours compter quoiqu’il arrive.

Sophia avait réussi à retrouver les odieux parents et leur avait fait suffisamment la misère pour les dissuader de continuer à s’en prendre à celle qu’elle avait prise sous son aile. Elle ne les avait pas tué pour laisser ce choix à Tatiana si un jour elle décidait de vouloir retrouver ses parents et même s’en venger. Michel acquiesça, c’était un choix respectable.

La cheftaine alla chercher de quoi sécher ses larmes et finit par répondre simplement à sa question initiale en disant qu’elle était proche d’elle, même si ce n’était pas réciproque.

- C’est admirable ce que tu as fait pour cette petite. Est-elle seulement au courant ? Peut-être t’accorderait-elle une place plus importante dans sa vie si elle savait tout ce que tu as fait pour elle ? Tu n’es plus un ange, tu n’es plus soumise à la discrétion, tu as le droit de protéger qui tu veux et de le faire savoir par la personne concernée si tu le souhaites. Tu es libre, Sophia.

La conversation avait pris un tournant plus sérieux et leur session de cuisine commençait à en prendre un coup. Cependant, cela n’avait pas d’importance, l’essentiel étaient qu’ils puissent échanger de cette façon en toute confiance et partagé ce poids qui les pesait l’un et l’autre. Michel n’avait pas non plus l’habitude de se confier, cependant, lorsqu’il était avec Sophia, il se sentait suffisamment en confiance pour le faire en toute sincérité. Il semblait que cela fut réciproque. Le démon tendit délicatement sa main vers le visage de la jeune femme pour essuyer avec douceur une larme sur la joue de son amie.

- Merci de m’avoir confié tout ça. Je t’aiderais à veiller sur elle. Promit-il.

Cela m'avait fait du bien de vider mon sac concernant Tatiana. Je supposais que tout porter sur mes épaules n'était pas si simple que cela, vu les émotions qui me prenaient. Je pensais passer à autre chose mais Brady en décida autrement en revenant sur le sujet. Il me dit trouver admirable ce que j'avais fait pour elle et me demanda si elle était au courant. Je répondis à la négative en secouant doucement la tête. Il me dit qu'elle m'accorderait sans doute une place plus importante dans sa vie si elle savait ce que j'avais fait pour elle. Il me rappela que je n'étais plus un ange et que j'avais le droit de ne plus être discrète, de le faire savoir et que j'étais libre. Je posais mon regard dans le sien, assimilant ce qu'il venait de dire. Il n'avait pas tord mais je ne voulais pas qu'elle se sente redevable. Sans doute se dirait-elle que j'attendais quelque chose d'elle, c'était bien son style de pensée et moi je ne voulais rien. Enfin... Être moins rejetée aurait fait plaisir, ceci dit il était vrai que je le méritais sans doute. J'avais aussi un bon caractère et ma rancune, ma jalousie n'étaient pas toujours de bonnes alliées.

Brady tendit sa main vers mon visage et essuya avec douceur une des larmes qui avait perlé sur ma joue. Je me figeais, un peu surprise de ce geste et par miracle je ne rougis pas. Il me remercia alors de m'être confiée à lui et me dit qu'il m'aiderait à veiller sur Tatiana. Je souris et lui répondis doucement :

" Je suis plutôt désolée de te sortir ça. Je ne veux pas que tu me plaignes ou que tu aies une bonne opinion de moi. Je ne sais pas pourquoi tu me rends si à l'aise à me confier. "

Je ris et dis avec malice pour détendre un peu l'atmosphère.

" Tu as été prêtre ou pasteur dans une autre vie, avoue. Tu penses que mes péchés seront un jour pardonnés ? "

Je croisais son regard et me sentis un rien vulnérable malgré ma blague. Ça ne m'arrivait pas souvent. En général j'explosais de colère, je tapais dans mon sac de boxe, j'allais courir ou j'écoutais de la bonne musique à fond dans un casque. Là je sentais qu'en pas grand chose j'aurai pu faire la rivière comme Tatiana le faisait régulièrement.

Je repensais à sa proposition concernant Tatiana. Je lui dis alors :

" En ce qui concerne ton aide pour veiller sur Tatiana, c'est gentil mais je ne dis pas tout ça pour te rajouter de la charge. Je pense que tu es déjà bien occupé avec ton Lulu... mais merci. "

Je repris une grande inspiration. Nos frites allaient attendre je le craignais. Il semblait vraiment sincèrement vouloir m'aider et moi j'allais clairement m'embourber vu comment tout cela s'engageait. Ceci dit, je comptais le faire sans honte et assumer mes émotions. Je pense que l'on peut tous être triste un jour dans sa vie à raison ou non. Cheftaine ou non, j'avais également le droit de ne pas être infaillible, surtout après avoir merdé et vu Tatiana presque mourir devant mes yeux.

" Et elle n'est pas au courant parce que je ne veux pas lui imposer d'être reconnaissante ou autre chose de ce genre. Je ne veux pas qu'elle pense qu'elle ait une dette envers moi. Je ne veille pas sur les autres pour avoir quoi que ce soit en retour. Savoir qu'elle va bien me suffit, quand c'est le cas. Et je sais que je suis libre mais la lumière je la préfère sur les autres. Vivre dans l'ombre, toute seule, c'est mon destin. Moi je ne suis pas faite pour la compagnie. "

Je fermais les yeux, sentant mes émotions écraser ma poitrine. Avoir perdu ma famille m'avait détruite, même si je l'avais fait volontairement. En construire une autre me semblant impossible par réelle peur de la souffrance. Je ne savais pas si je pourrai le supporter. Au final, est-ce que je ne cherchais pas que Tatiana me déteste suffisamment pour que nous ne soyions pas les meilleures amies du monde ?

Alors qu’il la remerciait, elle s’excusa, comme si elle l’avait importuné avec ces histoires. Michel la rassura sur ce point :

- Tu n’as pas à t’excuser et je te rassure, je ne te plaindrai pas et je n’avais pas besoin de savoir tout ça pour me faire une bonne opinion de toi.

La jeune femme lui dit aussi qu’elle ne savait pas pourquoi il la mettait si à l’aise pour qu’elle parvienne à se confier aussi simplement à lui. Elle rit avec malice et lui demanda s’il n’avait pas été prêtre ou pasteur dans une autre vie.

- Je suis tout simplement irrésistible ! Plaisanta-t-il en mêlant son rire au sien.

Après avoir bien rit, Sophia reprit plus sérieusement en lui disant qu’elle ne souhaitait pas lui ajouter de la charge en veillant sur Tatiana.

- Tu plaisantes ? Avec tout ce que tu fais pour Maëlle et moi, je peux bien faire ça pour ta protégée ! En plus, ce ne sera pas trop difficile, puisqu’elle a tendance à souvent trainer avec mon protégé. Je te rassure, ça ne me dérange absolument pas ! Il s’agit juste de garder un œil sur elle, pas de la suivre H24, je ne suis pas un stalker non plus !

Enfin, concernant Tatiana, elle n’était pas au courant de tout ce qu’avait fait et de tout ce que fait encore Sophia pour elle. La démone au grand cœur ne voulait pas qu’elle le sache car elle ne souhaitait pas recevoir d’éloge et ne voulait pas non plus que Tatiana se sente redevable. Michel secoua doucement la tête :

- Je ne suis pas de cet avis. Je pense que Tatiana a le droit de savoir qu’elle compte réellement pour quelqu’un et que sa vie a de l’importance à tes yeux. Au fond, tu l’aimes cette petite, pas vrai ? Un peu comme un membre de ta propre famille, non ? Alors pourquoi la priver de cette information ?

Michel avait bien sa petite idée du pourquoi. Sophia l’avait vaguement laissé entendre en justifiant que vivre seule dans l’ombre était son destin.

- Personne n’est fait pour vivre seul.

Brady me rassura sur le fait qu'il ne me plaindrait pas et qu'il avait déjà une bonne opinion de moi sans cela. Cela me fit du bien même si cela peut paraitre stupide, à mes yeux. C'est vrai, ce n'est pas comme si j'avais à lui prouver quoi que ce soit. Et s'il pensait du mal de moi, tant pis, après tout. Enfin, dans le principe c'était ça mais dans les faits je sentais que c'était bien plus complexe.

À la suite de mon discours suggérant qu'il ait pu être prêtre pour me faire parler si facilement il répondit qu'il était "tout simplement irrésistible". Nous nous mettions à rire ensemble tandis que je pensais que ce pitre avait sans doute raison. Lui et son sourire charmeur ! Je ne lui fis pas le plaisir de prononcer le fond de mes pensées - qu'il aurait sans doute pris à la rigolade - préférant reprendre sur les sujets plus sérieux.

Concernant le fait que je ne voulais pas lui ajouter de la charge, il me rappela que je faisais beaucoup pour Maëlle et lui et qu'il pouvait donc bien faire ça pour ma protégée. Il pointa du doigt qu'en plus ce serait facile puisqu'elle était souvent avec son protégé. Prévoyant, il enfonça le clou en disant que ça ne le dérangeait absolument pas et qu'il se contenterait d'avoir un oeil sur elle sans aller jusqu'à la stalker non stop. Je souris et lui répondis :

" C'est vrai que comme ils sont toujours fourrés ensemble ça aide. Dans ce cas-là d'accord mais parce que ça ne t'impose rien de plus. Si je vous aide toi et Maëlle ce n'est pas pour te rajouter une charge ou quoi que ce soit. Tu ne me dois rien. "

Mon regard montrait que j'étais on ne peut plus sérieuse. Je ne voulais pas que qui que ce soit me soit redevable. Je le faisais réellement de bon coeur sans attendre quoi que ce soit. L'idée qu'il se retrouve contraint, même s'il disait que cela lui faisait plaisir, ne me plaisait pas. J'avais toujours le doute sur le fait que ce ne soit pas 100% spontané et que les dettes puissent escalader par la suite.

J'ajoutais avec un peu d'humour une référence à ce qu'il avait dit :

" J'espère bien. La seule stalkeuse ici c'est MOI et tu ne vas quand même pas essayer d'empiéter sur mes plates bandes ? Tu as perdu d'avance : te voilà prévenu monsieur irrésistible. "

Je lui fis un clin d'oeil et fus fière de ne pas avoir rougi.

L'ambiance redevint plus sérieuse concernant ma relation avec Tatiana. Je pensais avoir clos le sujet mais Brady ne l'entendit pas de cette oreille. Il me dit ne pas être d'accord et insister sur le fait qu'elle avait le droit de savoir qu'elle comptait réellement pour moi. Il me demanda si j'aimais cette petite un peu comme ma propre famille. Il toucha du doigt le point sensible, celui qui n'était vraiment pas résistant. Alors quand il demanda pourquoi la priver de cette information mon sourire s'effaça et je fermais les yeux. Il termina sur cette phrase si vraie et si dure à la fois :

- Personne n’est fait pour vivre seul.

Je n'avais pas de quoi taper ni de quoi écouter à fond de la musique... Mon cerveau ne savait plus quoi faire pour me soulager. Mon coeur prit la suite et alla me blottir dans les bras de Brady pour y pleurer toutes les larmes de mon corps. Je pense qu'il était le premier à mettre le doigt sur toute ma souffrance depuis ces années. Le pourquoi tout cela était si difficile. Je savais qu'au fond il devait avoir raison. Personne n'est fait pour vivre seul mais alors comment allais-je tenir ? Moi, je devais avancer seule. Je n'avais pas le temps, ni l'énergie, ni le courage de faire autrement. J'étais sans doute un peu lâche finalement sur ce sujet. Moi qui me trouvait si courageuse sur tous les autres aspects de ma vie était un rien déçue de moi-même.

Je restais silencieuse le temps que les larmes se calment et je relâchais mon étreinte imposée à ce pauvre garçon. C'est vrai quoi, je m'étais jetée dans ses bras sans trop lui demander son avis et lui avais sans doute trempé son t-shirt. Il était si gentil que je supposais qu'il ne m'en voudrait même pas. Je le regardais et lui dis, maintenant que plus aucune larme ne pouvait sortir - je pense que le stock était épuisé.

" Je te déconseille de les essuyer celles-là, tu vas y passer la journée. "

J'avais ri à moitié pour essayer de fuir la réponse. Toujours lâche, je lui dis :

" Tu vas pouvoir utiliser ton don pour sécher ton t-shirt je crois et rajouter ta touche personnelle. "

Oui, je tournais autour du pot. Je fixais mes pieds comme une gamine pour ne pas mourir de honte... Pas de l'avoir trempé, même si c'était embarrassant... Mais d'être au fond une peureuse. J'aimais être la cheftaine qui cherchait l'adrénaline, celle qui passait vite au-dessus des problèmes.  

*Allez ma vieille, si ce n'est pas pour lui, le dire tout haut finira de faire face à la réalité. Qui sait, ça t'aidera un jour peut-être.*

" C'est juste... que je ne veux plus m'attacher aux gens si c'est pour qu'ils s'en aillent. Je ne peux plus vivre ça, ça m'a détruite et... Quand j'aime, je ne sais pas m'arrêter, c'est ridicule et trop... et du coup... je souffre chaque seconde de ne pas avoir ces personnes avec moi. Et si je suis déchirée, je ne saurai pas être une bonne cheftaine ni quoi que ce soit. Je n'ai pas le temps, je ne peux pas, je ne peux pas vouloir ça. "

C'était à mon tour d'enfoncer le clou.

" Personne n'est fait pour vivre seul mais moi, je le dois. Et ce n'est pas si grave. De toute façon j'ai trop d'occupations pour penser à quoi que ce soit ou d'être convenablement auprès de quelqu'un. Mais ne t'inquiète pas, ça va : je rigole de temps en temps avec mon pitre préféré et puis je regarde Tatiana de plus ou moins loin. "

Sophia lui accorda que si leurs deux protégés étaient souvent ensemble, cela changeait la donne et accepta volontiers qu’il veille sur Tatiana. Elle mit toutefois un point d’honneur à préciser que si elle s’impliquait auprès de Maëlle et lui, ce n’était pas par intérêt et qu’il ne lui était en rien redevable. Michel acquiesça et lui dit simplement que cela lui faisait plaisir. Elle défendit avec humour son titre de stalkeuse dont elle était l’unique détentrice ici et espérait qu’il n’avait pas l’intention de marcher sur ses plates-bandes :

- Je ne me permettrais pas ! Déclara-t-il en riant et en levant les mains pour signifier qu’il se rendait.

Après cette petite parenthèse humoristique, la conversation repris un tournant plus sérieux. La jeune femme se laissa aller à pleurer franchement et se réfugiant dans le bras de Michel qui la rassura en la serrant doucement contre lui pour la consoler de ce trop plein d’émotion qu’elle gardait en elle depuis visiblement très, très longtemps.

Lorsqu’elle eut vidé tout son soul, elle commença à chercher à rire de la situation. Bien qu’il n’y ait pas vraiment de quoi rire. Comment pouvait-on s’amuser de la détresse des âmes ? Elle finit par révéler qu’elle ne voulait plus s’attacher aux gens par crainte de souffrir. Michel le comprenait, lui aussi avait souhaité prendre ses distances après ce qui était arrivé à Maëlle et les conséquences qui s’en était suivies. Parfois, il repensait avec nostalgie aux doux souvenirs qu’il partageait avec les gens qu’il avait aimés et souffrait : comment en étaient-ils arrivés à ce point de non retour ? Aujourd’hui encore, il créait des liens avec des démons qu’il appréciait et il continuait de les voir mourir sous ses yeux quand ils n’étaient pas lobotomisés.

- Tu as raison. Aimer, c’est souffrir. Mais une vie sans amour, est-ce que ce n’est pas passer à côté de l’essentiel ? Bien sûr, c’est ton choix et je ne te ferais pas la leçon, ce serait mal placé. Mais sache que ton pitre préféré sera toujours là pour sa stalkeuse préférée ! Promit-il en souriant affectueusement.

Mon pitre préféré parla une nouvelle fois avec une grande sagesse. Il me fit remarquer qu'effectivement aimer faisait souffrir mais que si l'on s'en passait, on pouvait louper l'essentiel. Cette réflexion me fit très grandement réfléchir, d'autant plus qu'il me la donna sans pour autant me forcer à y adhérer.

Il ajouta qu’il serait toujours là pour sa stalkeuse préférée. Son charmant sourire accompagnait évidemment ses dires. Cela me toucha vraiment beaucoup. Je ne m’attendais pas à cela. Je rougis sans m'en rendre compte. Puis, je lui répondis doucement mais avec un air mi-sérieux mi-amusé :

“ Fais attention à ce que tu promets. Tu vas peut-être finir par le regretter. Je suis chiante quand je m'y mets et qu'on me côtoie trop souvent. ”

Pourquoi lui dire cela ? Sans doute parce que je n’avais pas l’habitude qu’on me dise qu’on serait là pour moi et parce que je voulais toujours éviter des fausses joies. Aussi parce que je savais que j'avais un caractère fort et que tout le monde n'était pas fait pour le supporter. Ceci dit, c'était un grand garçon alors il faisait ce qu’il voulait et, désormais, il ne pourrait pas dire qu'il n'avait pas été prévenu.

Mon regard qui était toujours fixé à mes pieds se releva enfin pour atterrir dans le sien. Cela se fit sans difficulté puisque nous faisions la même taille. C'était assez rare d'ailleurs, souvent je baissais les yeux pour regarder les hommes. Il avait cet avantage. Encore un. Franchement, heureusement qu’il était d’anarchy sinon je lui serai tombée dans les bras, façon de parler car là j’y étais encore “physiquement”.

“ En tout cas, merci Brady. Je suppose que tu as raison… Tu es si sage et charmant que ça commence à m’agacer, tu sais ? ”

Je lui souris et lui dis d'un air faussement agacé, en étant toujours contre lui, lui ayant enlacé le cou de mes bras :

“ On est sensés faire des frites et pas ma psychothérapie. Impossible de se concentrer avec toi dans les parages.”

Je ris soulagée d'un énorme poids. Je me dis que si ce n'était pas très flatteur d'avoir craqué devant lui ça avait au moins ce mérite. J’allais maintenant pouvoir peut-être réagir différemment dans ma vie et avancer avec moins de souffrance.

Je le regardais encore et encore et me dis que décidément, il était tout à fait spécial. Mais ça, je n'allais pas le lui dire même si mon regard devait me trahir un peu malgré moi.

“ Allez, au travail. ” Lui dis-je avant de le libérer et de revenir vers la table. J’essuyais mes dernières larmes et lui montrer comment sécher et assaisonner les frites et les recouvrir d’huile avant de les enfourner. Bien sûr nous avions préchauffé le four avant.

“ Voilà. Une bonne chose de faite. Et maintenant ? ”

J’attendais de voir s’il avait suivi et s’il savait que nous devions passer à la recette de la mayonnaise maison.

Sophia lui conseilla de faire attention à ce qu’il promettait, car elle disait pouvoir être chiante lorsqu’elle s’y mettait. La plaisanterie amusa Michel. La cheftaine ne devait pas être aussi chiante que certains Anarchistes ou que Lucas quand il se lançait sur le vaste sujet de la gastronomie et de l’alimentation saine ! Néanmoins, il était curieux de découvrir cet aspect de la personnalité de la jeune femme.

Elle le remercia pour ce qu’il lui avait dit et fit remarquer qu’il était plein de sagesse en plus d’être charmant. Il sourit en haussant les épaules et en expliquant humblement qu’il avait eu quelques expériences suffisamment marquantes dans sa vie que pour pouvoir partager un peu ce qu’il en avait appris.

Elle le rappela à l’ordre en lui disant qu’ils étaient censés faire des frites et pas sa psychothérapie. Il acquiesça et ils terminèrent en abordant des sujets plus légers avant de poursuivre.

- Et maintenant ? Lui demanda-t-elle comme pour s’assurer qu’il avait bien suivi les étapes du programme culinaire qu’elle lui avait mis en place.
- On prépare la mayonnaise maison qui accompagnera les frites. Répondit-il en souriant comme un élève modèle.

Pour la mayonnaise, ce fut beaucoup plus simple et plus rapide que les frites. Michel suivit correctement les étapes et touilla consciencieusement.

- Ca commence à me donner faim tout ça…

Michel n’y résista pas et mis son index dans la mayonnaise pour y goûter.

- Mmm ! Même comme ça, elle est délicieuse ! Rien à voir avec les industrielles ! Maëlle va adorer, c’est certain ! Mais au fait, où est-ce que tu as appris à cuisiner tout ça ?

Brady était décidément un bon élève et il avait sourit comme tel. Cela m'amusa aussi je lui répondis comme une maîtresse fière de son élève :

" Bravo Brady. Tu suis : c'est bien. Tu auras mérité ton image la prochaine fois. "

Est-ce que je blaguais ? Juste pour le taquiner j'étais capable de le faire. J'aimais beaucoup rigoler : c'était dans ma nature. Il était certain que cela ressortait d'autant plus en sa présence. En réunion avec le membres de Liberty c'était moins flagrant. Je pense que beaucoup auraient été très surpris de me voir si décontractée, moi qui savait être intransigeante pour la résistance.

Nous passions donc à la recette de la mayonnaise et rapidement mon élève eut faim. Il faut dire qu'une bonne mayonnaise ouvrait toujours l'appétit. Je le laissais déguster sa préparation et admettre que c'était bien meilleur que celle industrielle. Pour sûr Maëlle apprécierait. Je hochais la tête et répondis à sa question concernant mes apprentissages culinaires.

" Avant l'arrivée d'Azazel je ne vivais qu'avec les humains et certains se passionnaient dans le domaine. On m'avait proposé un jour de venir à un cour et j'ai tellement adoré que j'en ai fait régulièrement seule ensuite. Après je suis passée aux vidéos internet. Il y a de très bons comptes qui expliquent tout dans les détails. Là, j'ai moins le temps mais avant j'essayais de me challenger au moins une fois par an en découvrant une nouvelle recette. Manger est l'un de mes grands plaisirs simples de la vie. Je ne suis pas cheffe mais je veux un minimum de saveur dans mon assiette. "

Je conclus cette phrase en goûtant la mayonnaise qu'il avait préparé.

" Hmm ! Je confirme : c'est délicieux. "

Je lui adressais un sourire et ajoutais :

" Mais je dois avouer que je me challenge plus facilement sur les desserts car j'adore ça. Les îles flottantes, la crème brûlée, le pain perdu, le carrot cake... Olala rien que d'en parler je salive déjà. "

Je gardais mon air complice tout en me demandant pourquoi lui n'avait pas appris. Je me dis alors qu'il n'était peut-être pas un vieux démon. Je trouvais alors bon de préciser :

" Ceci dit, j'ai eu des années devant moi. Je suis devenue démone à mes 16 ans, en 1920 donc ça fait 104 ans d'opportunités. Si j'étais restée un ange, je n'aurai sans doute pas appris tout cela. "

Puisque nous avions le temps devant nous, je suggérais de boire un verre en attendant que le four nous appelle. Je trinquais "à mon apprenti" un verre de jus d'orange que j'avais ramené, au cas où il n'aurait rien dans son frigo.

Loin de se vexer, Michel rit lorsqu’elle le félicita en lui disant qu’il avait mérité son image. Elle répondit avec entrain à sa question. Ce sont les humains qu’elle côtoyait qui lui avaient transmis l’intérêt pour la cuisine et elle avait adoré mettre la main à la pâte !

Elle goûta la mayonnaise qu’il venait de préparer et confirma que c’était délicieux, ce dont il n’était pas peu fier, surtout pour une première ! Sophia lui dit qu’elle préférait se challenger sur les desserts dont elle raffolait. Elle en cita plusieurs qui la faisaient déjà saliver. Michel rit doucement, amusé.

Elle lui confia être devenue démone à 16 ans, cela faisait donc très longtemps qu’elle n’appartenait plus à la communauté angélique. Tandis qu’ils bavardaient, elle proposa de boire un verre le temps que les frites soient prêtes. Michel approuva, se renseigna sur ce qu’elle souhaitait boire en l’informant des boissons dont il disposait et lui servit le jus d’orange qu’elle avait ramené. Ils trinquèrent ensemble, elle à son apprenti, lui à sa professeure, avant d’entamer chacun leur verre.

- Et voilà pour toi ! Dit-il le sourire aux lèvres en posant le verre sur la table basse du salon devant elle. Alors tu as dû connaitre de belles années ! Pour ma part, je ne suis un démon que depuis assez récemment… Maëlle avait treize ans quand elle a été déchue et je l’ai suivi dans sa déchéance, elle en a dix-sept à présent. On a connu la faim, ça c’était quelque chose ! La pauvre ne voyait que du malheur dans sa nouvelle condition et j’étais tellement déterminé à lui redonner goût à la vie que j’ai tout fait pour trouver des avantages à être démon, mais elle est tombée dans le coma... Et depuis, c’est difficile de rester optimiste, j’y travaille en tout cas. En tout cas, je ne regrette pas du tout d’être un démon, bien au contraire, je me sens même plus proche des humains qu’en tant qu’ange nous sommes supposés protégés… Comment les anges peuvent-ils prétendre aider les humains s’ils sont incapables de les comprendre et d’éprouver ce qu’ils ressentent ? En devenant un démon, c’est aussi ma perception du monde qui m’entoure qui a changé.

Michel bu quelques gorgées de soda avant de poursuivre :

- En tout cas, je suis content à l’idée de pouvoir ajouter la cuisine à mon panel de compétences. Et quand je maîtriserais un peu l’art culinaire, je pourrais faire des recettes flambées ! J’ai hâte d’en mettre plein la vue !

Je hochais la tête quand il me dit que j'avais dû connaitre de belles années. Il m'expliqua n'être démon que depuis quatre ans. Oh ! Ça me faisait bizarre à imaginer. Lui qui m'avait ouvert les yeux sur la possibilité d'utiliser le feu pour soulager n'était qu'un apprenti démon. Ça forçait le respect et, d'un autre côté, cela m'expliquait pourquoi il avait encore "tant" de lacunes. Ceci dit, c'était relatif : Tatiana avait bien plus d'années et étaient toujours abonnées à la junk food. Je suppose que chacun se spécialise dans ce qui l'intéresse et parfois, certaines restent juste dans leur zone de confort. Pour ma part, j'avançais encore et toujours : hors de question de ne pas apprendre.

Brady m'expliqua avoir connu la faim, je mis la main sur le ventre, retrouvant cette sensation si terrible la première fois. J'avais cru mourir avant de comprendre que j'avais juste besoin de manger. Je hochais la tête, compatissante. Avoir faim c'est vraiment plus douloureux que l'on se l'imagine sans l'avoir connu.

Il poursuivit en expliquant avoir voulu montré le bon côté à Maëlle jusqu'à ce qu'elle tombe dans le coma. Cela avait cassé son optimisme mais il travaillait pour le retrouver. Malgré tout cela, il ne regrettait pas d'être un démon, au contraire. Il voyait les avantages d'être plus proche des humains, de ressentir les mêmes choses et de mieux percevoir le monde. Je hochais la tête. C'était tellement vrai.  

Je bus un peu, lui aussi et il me dis être content d'ajouter la cuisine à son panel de compétences. Il s'imaginait déjà maitriser les recettes flambées. Je souris malicieusement, l'imaginant tout à fait réussir ce genre de plat.

" Tu vas devenir l'idole des cuisiniers. "

Je ne me moquais pas : je l'en sentais totalement capable. Je l'imaginais déjà face à la foule et fanfaronner comme il savait déjà très bien le faire.

" Tu es né pour te montrer au monde, du moins tu en donnes l'impression. "

Et moi j'étais née pour rester dans l'ombre dès que je le pouvais. La résistance était vraiment un exercice hors du commun pour moi. D'ailleurs, je ne faisais que des réunions essentielles. Si je pouvais être invisible, je le restais. C'était autant utile pour ne pas être la cible de nos ennemis que pour ma propre tranquillité

" Moi je préfère rester discrète c'est pour ça que j'aime beaucoup le hacking. En fait, j'ai appris à comprendre le fonctionnement des technologies humaines et j'ai creusé le sujet avec certains d'entre eux jusqu'à les dépasser. Maintenant, je modifie et utile ces logiciels à ma guise. C'est comme ça que j'ai autant d'argent que je le souhaite, que j'entre dans des endroits, que je pirate des caméras de surveillance, que j'écoute des appels téléphonique. Quand je te dis que je suis une stalkeuse, c'est véridique. Ceci dit, je ne stalke que quand c'est nécessaire. Souvent c'est pour aider Tatiana vu qu'elle est détective privée à ses heures perdues. Puis j'ai ma petite communauté de hackers qui peut aussi m'aider. "

Je souris et lui dis :

" Mais là il n'y a pas de flammes, ça ne va pas t'éclater. " Je levais les yeux au ciel et dis pensive.

" Moi, quand je suis devenue une démone, j'ai tout fait pour me fondre parmi les humains. Aucun d'entre eux ne savait qu'on existait, c'était génial. Il n'y avait aucune peur. J'ai pu écouter leur vie et même vivre quelque chose de quasi similaire. Franchement, c'était merveilleux... D'ailleurs, tu as de la chance de me rencontrer maintenant. À l'époque je ne t'aurai jamais adressé la parole. Il était hors de question de parler à des démons ou des anges. Je ne voulais côtoyer que les humains. Heureusement, j'ai grandi, je suis moins stupide maintenant. "

Je ris, lui fis un clin d'oeil et finis mon verre. Je m'en servis un second et lui re-proposé si jamais c'était encore le cas.

N'empêche, ça aurait été dommage de ne pas le connaitre. C'était quelqu'un ce Brady.

Je l'incitais à regarder de temps en temps la cuisson des frites pour choisir la dorure qui lui convenait.

Lorsqu’il évoqua les recettes flambées, Sophia lui dit qu’il allait devenir l’idole des cuisiniers, cela le fit rire. Il savait en mettre plein la vue avec sa maîtrise du feu, qui était d’autant plus exceptionnelle de par le fait qu’il était un jeune démon comme il en avait fait part à son amie. Michel avait appris en observant et en s’entrainant avec d’autres démons qui maîtrisaient leurs flammes. Il avait ensuite observé la façon dont les humains utilisaient le feu, oui, il avait même étudié cet élément avant de l’expérimenter pour pouvoir l’utiliser à sa guise. Michel était curieux et motivé. De plus, il avait un objectif : prouver à Maëlle qu’être démon pouvait être cool et avait ses bons côtés.

Michel resta un moment songeur à la remarque de Sophia concernant le fait qu’il était né pour se montrer au monde.

- Disons qu’à présent que je suis un démon, j’ai décidé de vivre pleinement sans me cacher. Lorsque j’étais un ange, comme la plupart d’entre eux, j’étais plutôt effacé… C’est-à-dire que je vivais pour faire comme on m’avait appris, pour Era, pour l’honneur de ma famille, etc. Je faisais ce qu’on attendait de moi, comme le bon esclave d’Era que j’étais. Parfois, je profitais de mes missions auprès des humains pour partager quelques moments sympas avec eux, par exemple, je protégeais une humaine qui était fan d’un chanteur nommé Cloclo. Je me faisais passer pour un humain et je l’accompagnais au concert où je la protégeais. Ce n’était pas facile, car il y avait une ambiance de folie, les fans étaient vraiment hystériques et celle que je protégeais fonçait tête baissée dans le tas ! Il suffisait que le chanteur jette sa chemise au public et c’était l’anarchie totale ! Que dis-je ? L’apocalypse ! Je te laisse imaginer le tableau… J’ai aimé ces moments, même si je n’ai pas pu en profiter pleinement, puisque j’étais en mission. Si ça c’était passé aujourd’hui, je crois que je m’amuserais à les voir se battre pour ce bout de chemise et j’aurais peut-être même lancé les paris ! Conclut-il en riant.

De son côté, Sophia était plutôt du genre discrète et s’était donc tout naturellement orienté vers le hacking suite à son intérêt pour les technologies humaines. Elle conclut en disant qu’il n’y avait pas de flammes et que ça ne risquait pas de l’éclater. Michel rit, amusé :

- Je veux bien te croire ! Déjà, je ne suis pas un fervent utilisateur du téléphone et d’Internet… Je me débrouille, mais sans plus, il ne faut pas trop m’en demander non plus.

La conversation se poursuivit et Sophia confia qu’à l’époque où elle est devenue démone, elle avait tout fait pour se mêler aux humains et refusait catégoriquement d’adresser la parole aux démons ou aux anges, elle souhaitait exclusivement être en compagnie d’humains.

- Heureusement que tu as évolué, ça aurait été dommage pour moi de ne pas pouvoir te rencontrer.

Concernant le fait que Michel soit né pour se montrer au monde, il précisa qu'il avait surtout décidé de vivre pleinement sans se cacher maintenant qu'il le pouvait en tant que démon. Avant, il était effacé et suivait les ordres classiques des anges. Il évoqua alors une anecdote de protection lors d'un concert de Claude François à mourir de rire. Je l'imaginais au milieu des filles en furie, tentant tant bien que mal à faire sortir en un seul morceau sa protégée. Ça avait dû être épique. Je n'avais jamais été à ses concerts donc je ne pouvais qu'imaginer. J'écoutais plutôt des sons anglais même si j'appréciais quand même cette période et connaissais les paroles etc.

" C'est sûr que c'est plus sympa de s'amuser de ces situations que d'en sortir une personne inconsciente. " Dis-je malicieusement. " Je t'aurai suivi sur les paris. C'est toujours drôle de voir les personnes s'exciter pour rien... Personnellement j'aurai été capable de vendre des faux parfums venant soit disant de la garde robe de Cloclo. Les fans étaient folles, j'aurai pu faire fortune mais j'avais mieux à faire. "

J'en avais entendu des choses au sujet de ce chanteur et de ses fans. Vraiment, il était entouré de véritables dingues. La célébrité attire tellement de problème, j'étais très contente de ma vie d'anonyme pour cela. C'est une chose de faire un métier passion et une autre de se faire harceler constamment.

Nous parlions ensuite des technologies et Brady m'avoua ne pas être très à l'aise avec le téléphone ou internet. Nous n'étions donc clairement pas sur le même niveau de maitrise. Je   ne me proposais pas pour lui faire des cours : franchement, je ne pensais pas que ça l'intéresserait et je n'allais quand même pas lui refaire toute son éducation. Il trouverait bien par lui-même si besoin ou il poserait la question si un jour il y avait un sujet important pour lui. C'était un grand garçon.

Après ma petite confession concernant ma vie d'avant et ma mentalité sur les démons et les anges, il me dit cette phrase si touchante :

- Heureusement que tu as évolué, ça aurait été dommage pour moi de ne pas pouvoir te rencontrer.

Je ris de surprise, ne m'attendant pas du tout à cette réponse que je décidais de bien vite balayer. Il n'avait aucune raison valable de m'accorder cette importance. Pourtant, si ça avait été vrai, j'aurai vraiment été très touchée. Que de compliments ! En fait, il en faisait trop pour que ce soit crédible, à mes yeux.

" C'est sûr, je suis tellement exceptionnelle. Me contempler de loin comme un tableau inaccessible, la torture. " Dis-je avec autodérision avant de reprendre avec plus de sérieux. " Moi ou une autre, ça n'aurait pas changé grand chose dans ta vie, en vérité. Mais c'est gentil de dire ça. C'est qu'avec moi ou tu as le compliment facile ? En tout cas, moi je suis vraiment ravie de t'avoir rencontré. Maintenant je m'entraine à faire de nouvelles choses avec mon don de feu et tu me fais réfléchir sur pas mal de choses. "

J'avais été très touchée par sa remarque et la rejetais tout naturellement pour m'éviter de m'emporter pour rien. Pour moi c'était clairement de la gentillesse automatique que l'on disait aux gens qu'on appréciait sans forcément le penser totalement. Vous savez, c'était pour moi un équivalent de quand on apprenait à bien dire merci et ce genre de chose. C'était sympa à dire mais était-ce totalement sincère ? Pas toujours. Certes, je l'aidais pour Maëlle et cela lui faisait du bien mais quand bien même je n'avais pas été là, il aurait peut-être été aidé un jour par Tatiana ou Azazel.

" Mais bon, bientôt tu ne me verras plus beaucoup et tu pourras le dire à une autre. "

Pourquoi avais-je dit cela ? Sans doute parce que je le pensais. Si je réussissais à faire sortir la petite, je ne pensais plus vraiment lui donner de cours et les laisser filer leur vie familiale bien tranquillement. Puis, ce n'est pas comme si j'avais une vie vide. Franchement, j'étais débordée et la seule raison pour laquelle je n'étais pas en burn out était que j'étais hyperactive et légèrement insomniaque de nature. Ne rien faire, quelle torture. Je n'avais pas forcément besoin de sortir mais m'activer mentalement que ce soit par le hacking ou des plans d'action de la résistance.

Je réalisais que ça pouvait être pris comme un rejet de ma part, aussi je précisais :

" Je veux dire que tu vas bientôt retrouver une vie de tonton et de beau gosse bien chargée. Donc, tu auras bien d'autres filles plus importantes dans ton entourage et moi je vais être très occupée avec les missions à venir. "

Et on s'en fichait, pas vrai ? Je le regardais comme je ne voulais pas le faire : avec un peu trop d'intérêt. Clairement, ça ne me laissait amère de devoir bientôt voir nos chemins se séparer.

Sophia était d’accord sur le fait qu’il était plus sympa de s’amuser de ce genre de situation quand on n’avait pas à en sortir une personne inconsciente. Elle ajouta avec malice qu’elle l’aurait suivi sur les paris. Michel s’amusa de ce que Sophia aurait été potentiellement capable de faire comme vendre des faux parfums. Il confirma que certaines groupies étaient complètement fêlées. Celle dont il était l’ange gardien à l’époque faisait même les poubelles du chanteur pour ramasser des objets qu’il aurait simplement touché… Bref, période de folie.

La conversation s’était poursuivie et Michel fut étonné des propos tenus par Sophia après qu’il lui ait répondu qu’il aurait trouvé dommage de ne pas pouvoir la rencontrer.

- Pourquoi est-ce que tu me parles d’autres filles ? Je pense sincèrement ce que je t’ai dit, je suis content de t’avoir rencontré : tu es drôle, intelligente, altruiste, pleine de ressources et j’arrive à me confier à toi facilement parce que je suis parfaitement à l’aise en ta compagnie, ce n’est pourtant pas donné à tout le monde… Et puis aussi, je te suis reconnaissant de t’être intéressé à Maëlle et à moi. Même après, j’aimerais rester en contact avec toi et pourquoi pas te proposer de te joindre à notre futur tour du monde quand tu auras un peu plus de temps.

Michel se leva pour aller jeter un œil à la cuisson des frites qui commençaient à être bien dorées comme il le fallait. Il demanda son avis à ce sujet à la démone qui avait l’air de le prendre pour un coureur de jupon, aussi prit-il la peine de clarifier :

- En tout cas, je te rassure tout de suite, je ne suis pas un coureur de jupon. Je ne voudrais pas que tu te fasses une fausse idée de ma personne.

Michel était peut-être un briseur de cœur à son insu, car il refusait systématiquement les avances qu’on pouvait lui faire. Il n’avait pas la tête à cela. Il était bien trop préoccupé par son investissement auprès d’Anarchy, à la guerre qui opposait Azazel et Era, mais aussi par Maëlle. Alors non, les histoires de cœurs, ce n’était vraiment pas sa priorité.

Contre toute attente, Brady fut surpris et me demanda pourquoi je parlais d'autres filles. Il réitéra sa sincérité de ses propos et m'assomma de tas de compliments. Je n'étais clairement pas prête à cela et mon cerveau lâcha la partie aussi vite. Ça ne semblait pas récité et en même temps cela lui vint de manière si évidente. En plus de mes qualité, apparemment je le mettais à l'aise et ce n'était pas donné à tout le monde. J'aurai sans doute déjà dû respirer un bon coup pour ne pas suréagir à tout cela mais il ne s'arrêta pas là. À croire qu'il aimait me foutre le cerveau en vrac ! Accrochez-vous à vos baskets : il m'était reconnaissant de m'être intéressée à Maëlle et lui et il aimerait rester en contact avec moi voire même me proposer de les suivre dans leur tour du monde quand j'aurai un peu plus de temps.

Brady eut la bonne idée de se lever tandis que je restais silencieuse et totalement rouge écrevisse : quelle gène ! Cette réaction que je détestais voir et dont je me moquais m'avait saisie. Crotte de bique, pour rester polie.

* Allez Sophia, tu étais sensée dire quelque chose plutôt que de le regarder avec tes yeux de merlan frit. Tu l'embarrasses, tu t'embarrasses toi-même, vous êtes embrassez eu embarrassez... Et arrête de tout conjuguer pour te concentrer sur autre chose ! *

Il m'appela pour me demander mon avis sur la cuisson, je m'approchais en me détendant : c'était une belle porte de sortie pour moi. Je ne répondais rien sur ce qu'il avait dit, on mangeait : c'était génial. Puis je reviendrai dessus quand je serai moins gauche et que mon cerveau aura repris le contrôle de ces sentiments totalement délirants et inappropriés. Vraiment, c'était ridicule.

" Oui ça a l'air parfait. Pas trop cuit mais doré comme il faut. On va pouvoir se régaler. "

Je lui souris... Mais voilà-t-il pas qu'il me dit clairement, pour me rassurer, qu'il n'était pas un coureur de jupon. Il ne voulait pas que je me fasse de fausse idée sur sa personne. J'étais officiellement devenue aussi rouge qu'une écrevisse.

* Allez Sophia, tu viens de l'insulter et il te rassure sur son type de relation avec les femmes. Comment pourrais-tu faire pire ? Quelle mégère tu dois être à ses yeux. Comment peut-il encore te complimenter après ça ? *

Je ris nerveusement sur le coup et soufflais un coup avant de m'éventer le visage de la main.

" Ton four chauffe trop pour moi, j'ai un coup de chaud. "

Franchement, ça ne trompait personne.

" Et je suis désolée, je n'aurai pas dû dire cela comme ça. Je veux dire, tu pourrais totalement voir plein de filles et je ne te jugerai pas. Tu aurais bien raison. Je veux dire, savoir se détendre en charmante compagnie doit être appréciable et voilà. "

Je hochais les épaules et lâchais sans l'avoir ordonné, comme si mes émotions avaient décidément envie de m'humilier :

" Enfin je trouve ça moins stupide que mon cas. Moi je suis tellement stupide que je n'ai même jamais embrassé qui que ce soit alors draguer ou plus... Ce serait risible. "

Pourquoi avoir dit ça ? Ça n'avait aucun intérêt. J'allais lui envoyer des signaux complètement confus et pourquoi ? Y avait-il un cerveau encore fonctionnel dans ce corps ? Vraiment, ça devenait urgent.

" Et on s'en fiche et encore pardon, je veux dire je vois bien que tu es un type bien. Vraiment, c'est terriblement agaçant. Plus je te découvre, plus tu sembles génial. Et tu m'invites à un tour du monde quand j'aurai plus de temps. Franchement, ce serait merveilleux mais je ne pense pas que j'aurai ou que je mériterai ma place auprès de vous deux. Vous êtes une famille et moi, la squatteuse ? Je suis déjà stalkeuse, ça va ferait beaucoup sur mon CV. "

Je ris pour relâcher un peu la pression et aussi parce que je trouvais mon humour pourri drôle. Mais si, imaginez l'affiche : Sophia, stalkeuse, squatteuse, fumeuse (à ses heures), amoureuse... Ah non pas le dernier !

Et sinon, manger ça pourrait être bien non ? - me suggéra mon cerveau qui avait été réanimé entre temps, visiblement. Je contournais donc mon cher Brady de très près pour attraper la manique qui se trouvait derrière lui. Puis, je lui pris la main pour la lui donner en tentant de reprendre mon état normal :

" Allez super Brady, il est temps de sortir ces frites du four avant qu'elles ne soient trop cuites. Puis je ne sais plus réfléchir quand j'ai faim donc fais-le pour ton propre salut. Je dis trop de conneries à la minute. "

Alors qu’il avait simplement voulu éviter qu’elle ne se fasse une fausse opinion de lui en lui collant l’étiquette : « dragueur », Michel fut surpris de constater que la jeune femme devint rouge écrevisse et perdait tout ses moyens. Elle s’excusa avant de lui dire qu’il n’y avait pas de mal à se détendre en charmante compagnie. Michel acquiesça, mais assura que ce n’était pas son genre. Elle poursuivit en disant qu’elle trouvait cela moins stupide que son cas : elle n’avait jamais embrassé qui que ce soit. Sophia semblait gênée d’avoir abordé ce sujet et s’empressa de dire qu’on s’en fichait et de le complimenter. Quant à sa proposition qu’elle fasse le tour du monde en leur compagnie, elle ne voulait pas s’imposer comme une squatteuse.

- Ne t’inquiète pas, tu n’es pas une squatteuse, puisque c’est moi qui t’invite. Et je suis sûr que Maëlle serait contente de ne pas se retrouver seule avec moi et d’avoir une amie complice.

Sophia n’était pas dans son état habituel et prétexta que c’était une conséquence du au fait qu’elle avait faim. Ce dont Michel ne cru pas un traitre mot, mais il ne fit aucun commentaire et se contenta d’acquiescer de sortir les frites du four. Il les servit dans un plat qu’il posa à table, pris la mayonnaise qu’il servit dans un petit bol pour que chacun puisse se servir et lorsque tout fut prêt, ils purent s’installer et commencer à déguster.

- Bon appétit !

Michel prit une frite, la trempa dans le bol de mayonnaise et goûta :

- Mmm ! Rien à voir avec les frites de fast food ou des friteries toutes grasses !

Le démon souriait joyeusement. Il reprit une nouvelle frite et se régala.

- Si ça t’embête tant d’être invitée à notre tour du monde, alors disons que je t’engage comme cuisinière attitrée ! On ira voir les baleines et on chantera avec elles, ça ne se refuse pas, une opportunité pareille, non ?

Michel reprit un peu plus sérieusement en disant que de toute façon, ce n’était pas pour tout de suite, que cela dépendrait de Maëlle, de l’évolution de la situation par rapport à Azazel et Era et qu’elle avait le temps d’y réfléchir. Car même si Maëlle se réveillait dans l’heure, il avait des engagements auprès d’Anarchy et il ne pouvait pas les laisser tomber comme cela. Il avait également du respect pour le leader du groupe qui sous ses airs un peu rustre était, dans le fond, quelqu’un de bien.

Brady me dit que je n'étais pas une squatteuse car il m'invitait et il ajouta que Maëlle serait contente d'avoir une amie en plus de sa personne. Je ne me sentais pas moins honteuse mais notais l'information mentalement.

Il sortit les frites et une fois le plat posé à table et la mayonnaise à disposition, nous pouvions nous installer et déguster. L'odeur donnait l'eau à la bouche.

" Bon appétit ! " Dis-je en même temps que lui.

Je ne me fis pas prier : manger avait l'avantage de ne rien dire de stupide. Non mais quelle honte ! Vraiment... Je me maudissais. J'en étais presque à me dire que j'aurai pu m'auto biper pour partir et ne plus supporter cette sensation. Brady se délectait aussi de sa préparation et confirma que cela n'avait rien à voir avec les frites du fast food ou celles qui étaient grasses. Je hochais la tête.

" Je te l'avais dit. C'est pour ça qu'il faut se forcer un minimum... C'est tellement meilleur. "

Je le regardais sourire. Il n'avait pas l'air de me tenir rigueur de ma bizarrerie. Tant mieux... Cela dit, cela ne l'empêcha pas, l'instant suivant, de réaborder son invitation. Il la présenta alors non comme une invitation mais comme un job de cuisinière avec des activités en plus. On irait voir les baleines et on chanterait avec elles. Je ris à l'évocation de cette activité. Cela me décrispa totalement. Il conclut que cela ne se refusait pas une telle opportunité.

" Te voir chanter avec les baleines et moi c'est forcément une scène que je ne veux louper sous aucun prétexte. Puis s'il s'agit de m'exploiter contre quelques activités, c'est sûr je signe. "

Je ris de bon coeur.

" Il fallait commencer par ça. "

Il avait le don pour me faire rire. Vraiment, il était merveilleux. Je mangeais d'autres frites tandis qu'il précisa avec sérieux que j'avais le temps à cause de Maëlle mais aussi de la guerre en cours. Il était engagé avec Anarchy Je hochais la tête et lui dis :

" De toute façon, on n'est même pas sûr qu'un jour j'ai du temps pour vous suivre et il faut que je sois encore en un morceau après tout ça. "

J'étais en tête du conflit constamment. Rien ne disait, malheureusement, que je m'en sortirai et peut-être que même après la guerre Azazel continuera de me solliciter. Je n'aurai peut-être jamais la chance de le voir chanter... Cela me donna le cafard mais je ne le montrais pas. J'avais juste mon air sérieux. Je pris une autre frite.

" Mais si c'est le cas, pourquoi pas, au moins jusqu'aux baleines. "

Je ris de nouveau en l'imaginant.

" Je demanderai à Maëlle d'ici là une imitation de ta version. C'est presque devenu mythique. J'ai vraiment trop envie de t'entendre l'imiter. "

Je lui fis un clin d'oeil et lui souris malicieusement. Au moins, même si c'était hypothétique et totalement improbable, j'avais un objectif après guerre. Ça se prenait. Jusqu'ici, je n'avais vraiment aucun plan... Enfin, il faudrait encore que Maëlle ne me déteste pas et ça, ce n'était pas dit.

" Mais si ça se trouve, Maëlle ne m'aimera pas du tout et ton plan tombera à l'eau et la baleine avec. Et alors quoi ? Je l'amadoue à coup de frites et de carrot cake ? Tu penses que ça marcherait ? "

Je ris en imaginant la scène. Il m'avait lancé sur les idées drôles, j'aimais bien rester sur ces pensées. Ça me mettait plus à l'aise que le reste et je disais des bêtises drôles et pas mal aisantes comme tout à l'heure.

" D'ailleurs il ne faudra pas tarder à faire le gâteau. "

Michel hocha la tête pour admettre qu’il était d’accord avec Sophia : elle l’avait convaincue avec ses frites maison !

- L’ennui, c’est que c’est nettement moins motivant de cuisiner pour soi-même… et sans ma merveilleuse coach, ce n’est pas pareil.

Michel n’était pas un passionné de cuisine comme Lucas qui cuisinait pour le simple plaisir de cuisiner ! Et s’il avait décidé de s’y mettre un peu, c’était pour faire plaisir à Maëlle à son réveil, autrement, il n’était pas suffisamment motivé pour passer du temps à cuisiner tout seul et pour lui-même alors qu’il pourrait continuer à perfectionner sa maîtrise du feu ou allé voir ses protégés en maison de retraite pour faire un bingo en leur compagnie et papoter du « bon vieux temps ».

Sophia était une incorrigible ! Si elle était invitée au voyage, elle se sentait de trop, en revanche, s’il l’engageait, elle acceptait le contrat. Sacrée Sophia ! Evidemment, il ne s’agissait que de rêveries et de projets dont ni l’un ni l’autre n’avait la certitude qu’il se concrétiserait, mais cela faisait du bien à Michel de garder cette perspective en tête et de se l’imaginer. Sophia lui dit d’ailleurs qu’il aurait dû commencer par ça : le voir chanter avec les baleines, elle ne pouvait vraiment pas rater ça ! Le démon rit franchement.

- Ah mais j’espère bien que tu participeras au concert !

Sophia avait très envie de l’entendre imiter le chant des baleines et lui lança un clin d’œil. Elle ajouta que si ça se trouvait, Maëlle ne l’aimerait pas du tout et que son plan tomberait à l’eau avec la baleine. Michel secoua la tête : il n’y avait aucune raison pour que Maëlle ne l’aime pas. Tout au plus aurait-elle du mal avec le fait qu’elle soit une démone, mais elle devrait bien s’y accommoder…

- M’entendre imiter les baleines n’est pas donné à tout le monde, c’est un privilège qui se mérite ! Pour cela, il y a plusieurs épreuves à passer comme manger des limaces, faire un parcours pour y récupérer une clé dans un temps limite en défiant les obstacles, faire une course d’orientation et tenir en équilibre sur un poteau le plus longtemps possible !

Michel rit en s’imaginant Sophia sur ces épreuves, puis admit qu’il regardait peut-être un peu trop certains programmes tv…

- Les humains ont parfois de drôles d’idées quand même !

Michel mangea une nouvelle frite tandis que Sophia évoquait le gâteau qu’ils devaient encore préparer. Le démon acquiesça.

Brady était convaincu par la saveur des frites maison mais, parce qu'il y en avait un, il me dit que c'était nettement moins motivant de cuisiner pour lui-même et sans sa merveilleuse coach. Ce n'était pas pareil. Je fis un geste de la main et lui dis malicieusement :

" Arrête tu vas me faire rougir ! Merveilleuse coach. Je vais finir par m'habituer à tes mots doux. "

Je secouais ensuite la tête.

" Tu ne vas quand même pas me dire que je te consacre du temps à ton éducation culinaire mais que tu vas gâcher tes compétences sans moi ? "

Je lui fis les gros yeux pour essayer de le motiver avant d'ajouter :

" Je ne vais pas faire la route tous les jours pour que tu te forces à manger décemment, niveau planning ce n'est pas jouable. Puis m'avoir en colloc' serait la pire idée du monde parce que je ne peux être dans le même lieu plus de quatre heures - question de sécurité. On a déjà essayé de faire exploser mes logements, c'était pas beau à voir. Donc il reste ma cachette... Mais je pense que tu ne supporterais pas le côté sans fenêtre. Moi je m'y fais vu que ça me donne un meilleur confort. Ne pas bouger tout le temps, c'est quand même bien. "

Je plongeais mon regard dans le sien.

" Tu vas prendre soin de toi et me promettre de cuisiner au moins une fois par semaine sinon plus de cours. "

Ah les menaces... J'étais un terrible professeur. Tant pis. J'avais fait le bon et le méchant flic, à lui de voir ce qu'il en faisait.

Revenons-en à nos projets imaginaires et tellement fictifs. Il me dit espérer que je participe au concert. Je ris doucement et lui répondis :

" Oui mais après toi sinon je vais faire ma timide. Honneur au professionnel de la baleine. "

Je lui souris. Il me dit que Maëlle devrait m'aimer : nous serions bientôt fixés. Brady poursuivit en me disant que pour l'entendre imiter les baleines je devrais faire des tas d'épreuves de dégustation horribles ou des accrobaties. Je ris et lui dis :

" Bah, même pas peur. J'aurai gagné Koh Lanta et Ninja warrior si j'avais eu le temps de m'inscrire. Tu n'as pas idée de mes compétences. J'ai utilisé mes années pour apprendre des tas de choses physiques aussi et je me maintiens en forme. "

Je ris doucement.

" J'adore leurs idées et j'adorerai faire leurs émissions sportives. Si tu m'organises un concours, c'est sûr j'y participerai avec grand plaisir... Mais toi ? "
Je le regardais avec défi, oubliant le gâteau.

- Ah non, ce que tu m’apprends est très utile et je promets de m’entrainer pour pouvoir reproduire tous ces plats pour Maëlle quand elle se réveillera. S’empressa-t-il de la rassurer.

Toutefois, elle ne semblait pas convaincue, elle voulait qu’il cuisine au moins une fois par semaine et qu’il fasse l’effort de manger décemment. Elle ne pouvait pas se permettre de faire la route tous les jours pour s’assurer qu’il mange correctement et être colocataire serait la pire idée.

- D’accord, d’accord, je ferais un effort, promis. Et tu as raison, ce ne serait pas une bonne idée qu’on soit colocataire : tu devrais supporter mes chaussettes qui trainent partout, ce serait horrible ! Plaisanta-t-il.

Evidemment, la vraie raison, c’était que tous deux vivaient dangereusement, de plus, elle était la cheftaine de Liberty et lui un membre d’Anarchy, les risques qu’ils soient tous les deux pris pour cibles étaient gros.

- Plus sérieusement, inutile d’offrir à l’ennemi la possibilité de faire d’une pierre deux coups. Même si nous ne sommes pas du même camp, nous luttons tous les deux dans l’objectif de réduire le règne d’Era à néant et de permettre à Azazel de rendre le monde meilleur.

Ils reprirent sur des sujets plus légers, Sophia connaissait bien ses références en matière d’épreuves et Michel en était ravis !

- J’adorerai te voir à Koh Lanta, Ninja Warrior ou encore Fort Boyard ! Ce serait génial et je serais ton premier fan ! Quant à ce que j’y participe… je pourrais me démarquer en faisant le feu à Koh-Lanta ! Dit-il en riant.

Brady me rassura : il avait bien l'intention de faire ces plats pour Maëlle et certifia que cela était très utile. Tant mieux ! Au moins ne perdais-je pas mon temps. Après avoir appuyé la nécessité de la pratique, il me promit de faire un effort. Je souris, satisfaite de cette réponse, laissant mes gros yeux de côté.

Quand à la colocation, il me fit rire en disant malicieusement que je ne supporterai pas ses chaussettes traînant partout. Ce serait horrible. Je secouais négativement la tête pour lui dire :

" C'est surtout que tu ne veux pas me voir avec mes grosses lunettes en train de travailler sur ordinateur et te rendre compte que moi aussi je laisse tout en plan... Vu que je suis appelée n'importe quand. Ce serait une catastrophe. Le taudis. "

En vérité je rangeais dès que possible mais je rentrais dans son jeu. Je ris doucement. C'était beau d'imaginer ce genre de raison plutôt que la réalité de la traque organisée par Era contre nous.

Je hochais positivement la tête quand il conclut sérieusement le sujet. J'étais d'accord. De toute façon, je n'avais pas réellement imaginé vivre avec lui. Rappelons que mon plan était toujours de m'éloigner à un moment donné, sans doute après le réveil de Maëlle, pour que ce fichu béguin se fasse la malle. Il faut me comprendre : il était très drôle, franchement cool, inventif, ne se prenait pas au sérieux, altruiste et gentil. Puis il avait ce sourire ! Franchement, il me torturait sans le remarquer.

Nous parlions de Koh Lanta et autres jeux, cela sembla beaucoup plaire à mon cher Brad Pitre qui aurait apparemment adoré me voir faire tous ces jeux. Il alla même jusqu'à dire qu'il serait mon premier fan. Je le regardais et lui rappela qu'il allait me faire rougir, une fois de plus.

De son côté, il dit pouvoir se démarquer en faisant le feu à Koh Lanta. Je ris

" C'est vrai que le feu c'est ton élément mais je ne sais pas s'ils laisseraient passer ton don maintenant qu'ils savent pour notre existence. Par contre, tu serais un super pyrotechnicien pour des évènements ou des spectacles. "

Je l'imaginais bien là-dedans et me rappelais notre rencontre.

" Ou styliste avec ta fameuse touche de feu que j'adore. J'ai toujours ma dédicace à la maison."

En même temps j'étais fière et je sentis mon cœur s'emballer soudainement. Vite, changer de sujet.

" Bon on va se mettre au gâteau sinon je vais devoir partir avant même qu'il ne soit cuit ! "

Je l'incitais à me suivre et lui expliquais la recette très simple du carrot cake. En soit, le plus long était d'éplucher les carottes et de laisser le mixeur les découper en petits bouts. Après il fallait tout mélanger et mettre la préparation au four. Ensuite on parla glaçage : c'était très facile à faire, sucré et délicieux. Il n'y aurait plus qu'à le couler sur le gâteau cuit sur le-dessus.

Comme d'habitude, je l'accompagnais à chaque possible questionnement et lui montrais les gestes pour qu'il les répète ensuite si besoin. Je le rassurais aussi sur une potentielle angoisse : s'il y avait des carottes râpées, ça ne se sentait pas au goût. Mais il le constaterait de lui-même bien assez vite.

Sophia fut soulagée d’apprendre qu’elle ne perdait pas son temps à lui enseigner quelques rudiments de cuisine. Concernant la colocation, l’évocation de ses chaussettes partout la fit rire et elle s’amusa à renchérir :

- Ce serait vraiment un très mauvais plan alors ! Dit-il en riant lui aussi.

Le sujet colocation était clos et Michel fut ravis de découvrir que Sophia partageait visiblement le même intérêt que lui pour ce genre d’émissions humaines. Elle doutait toutefois que l’utilisation de son don pour faire le feu de Ko-Lanta ne passe. Michel admit qu’elle avait raison et que c’était bien dommage…

- Par contre, tu serais un super pyrotechnicien pour des évènements ou des spectacles.
- Ca se pourrait. Dit-il en souriant, séduit par cette idée. En tout cas, j’aime voir ce genre de spectacle, c’est d’autant plus impressionnant de voir des humains maîtriser le feu avec une telle aisance !

Il rit lorsqu’elle ajouta qu’elle le voyait bien styliste également, avec sa fameuse touche de feu qu’elle adorait et dont elle avait gardé sa dédicace chez elle. Michel porta sa main sur sa poitrine en la remerciant pour signifier que le compliment lui allait droit au cœur.

Comme ils avaient fini de manger les frites et bien bavardé, Sophia dit qu’il était temps de se mettre à la préparation du gâteau, sinon elle risquait de devoir partir avant qu’il ne soit cuit.

- Ok, c’est parti mon kiki ! Déclara-t-il motivé avant d'ajouter avec un sourire faussement gêné : Désolé, c'était ringard de finir ma phrase par "mon kiki"? tandis qu’il se levait et débarrassait la table avant de se mettre sérieusement à la préparation du gâteau en écoutant attentivement les instructions de Sophia, en rectifiant selon ses commentaires, etc.

La préparation du gâteau ne fut pas longue et Michel fit part de son respect pour les humains qui étaient capable de réaliser tout un tas de choses avec ce qu’ils avaient sous la main, la cuisine en était un parfait exemple.

- Ce sont des créateurs, avec des matières premières, de l’imagination et du savoir-faire, ils peuvent faire des choses impressionnantes ! Franchement, en voyant de la farine, je n’aurais jamais eu l’idée d’en manger et encore moins de l’utiliser comme ils le font dans la préparation des plats et pourtant… C’est pareil pour la montgolfière : quelle magnifique invention ! Les humains sont vraiment fascinants et méritent tellement plus de considération. Evidemment, je ne parle pas de ceux qui utilisent leurs compétences pour créer des horreurs et des armes de destructions massives…

Mon compliment sur sa création toucha Brady. Je lui souris, contente que ça puisse signifier quelque chose pour lui.
Nous mangions et quand j'évoquais le moment de faire le gâteau, il sortit l'expression "c'est parti mon kiki" qui me fit éclater de rire. Il s'excusa en demandant si ça ne faisait pas ringard de finir sa phrase ainsi. Je ris de bon coeur et lui dis malicieusement :

" Mon kiki ! J'adore : c'est vintage ! Tu es trop drôle. "

Il n'y avait que lui pour sortir ce genre d'expression dans mon entourage. Sacré Brady.

Nous nous mettions aux choses sérieuses et Brady m'exprima son respect pour la créativité des humains. Je hochais la tête, confirmant ce qu'il disait. Il fallait de l'inventivité et du courage pour manger du fromage avec des asticots ou qui sentait vraiment horriblement mauvais... Ou du désespoir. Dans tous les cas, ils tiraient partis de situations. Cela forçait le respect. Enfin, sauf pour ceux qui faisaient des horreurs avec les armes de destructions massives. Je hochais la tête.

" Tellement... C'est triste qu'ils fassent la guerre entre eux. Ça me rappelle ma période peace and love. J'avais tellement de peine de les voir se déchirer et de voir les gens mourir. J'en avais déjà bien assez de voir les familles d'anges et de démons s'entretuer, je pensais trouver un peu plus de paix parmi les humains... J'avais juste envie que tous puissent trouver la paix et la tranquillité alors quand le mouvement s'est lancé, j'ai forcément suivi. D'ailleurs, je n'ai rejoint la résistance uniquement parce que l'objectif à terme est la paix pour tous sinon j'aurai refusé. Je ne veux pas oeuvrer pour la guerre. Voir des gens mourir me brise le coeur parce que je pense aux autres vies liées à ces personnes qui seront brisées pour toujours et à la haine qui fera que cela se reproduira... Je ne veux plus de ça. "

Je hochais les épaules.

" Je ne dis pas que je suis une sainte non plus, mais les morts me font plus de mal que de bien, ça c'est certain. Si je peux éviter, j'évite. "

Je constatais que j'étais devenue très sérieuse. Je repris alors malicieusement.

" Mais parlons de choses plus joyeuses. Je pense qu'on a notre quota de mort et de vision d'horreur ces derniers temps. Nul besoin de s'y replonger. "
Je lui montrais comment enfourner le gâteau et lui donnais le temps de cuisson. Nous étions tranquille puisqu'il avait déjà réalisé le glaçage. Je lui souris et lui dis :

" Savais-tu qu'ils sont si inventifs en cuisine, les humains, qu'ils mangent même des fleurs ? En bonbon, en glace ou même comme ça : les pétales dans une salade ! Tu as déjà goûter ? Moi oui, c'est quand même un peu bizarre pour le coup. "

Je ris doucement, trouvant l'idée tellement bizarre pour le coup avant d'être coupée par la sonnerie mon téléphone. La sonnerie en question était la musique de mission impossible : cela signifiait que c'était le travail. Mon visage s'assombrit et je soupirais un : " Oh non. Pas le midi... "

Je décrochais.

- Cheffe ! On est attaqués par des humains avec des lobotomisés : c'est le carnage !
" Repliez-vous. J'arrive. "
- On ne peut pas ! On est encerclés.
" Les drones arrivent et moi aussi. "

Je regardais Brady désolée mais sérieuse à la fois. Je sortis de mon sac un ordinateur compact et commençais à tapoter dessus tout en lui disant :

" Je vais devoir t'abandonner et tu vas manger tout le gâteau. Savoure-le bien pour moi... "

J'avais repéré l'appel de leur téléphone et envoyé des drones d'attaque. Je n'étais pas pour la mort mais leur but était surtout de détourner l'attention des agresseurs pour que les miens se replient le temps que j'arrive et que je les exfiltre. Je pris mon téléphone et téléphonais au vétérinaire :

" Une attaque a lieu, préparez le nécessaire : je pense que plusieurs sont gravement touchés. J'arrive au plus vite. Préparez un fourgon à la rue habituelle. "

Je raccrochais et fis un signe à Brady.

" À un de ces quatre. Désolée de partir comme une voleuse. "

Je n'avais pas vraiment le temps de faire un long discours. Ils avaient besoin de moi. C'était rare les attaques de jour... C'était mauvais signe.