A travers le miroir (Killian)

Les derniers jours s’étaient succédés sans que je ne les vois défiler. Entre l’arrivée des nouveaux, la recherche d’indice et la soufflante du Lord, je n’avais pas eu le temps de m’ennuyer. Je repensais encore et encore à mes nouveaux indices, me sentant plus pressée que jamais. J’avais, en effet, appris par la Dame Rouge l’hypothèse qu’une créature démoniaque du nom de Beast rôdait quelque part et qu’elle serait responsable de la fermeture de ces lieux et de l’impossibilité de casser les fenêtres entre autre. Je soupçonnais même que ce soit elle qui ait permis au Lord de tenir si longtemps face à des attaques puissantes. Ce n’était pas tout : le spectre m’avait dit qu’un jour, une lune rouge apparaîtrait dans le ciel et tout le monde serait tué. Si tout ceci n’était pas confirmé, j’avais la mauvaise intuition que cela n’était pas une mauvaise blague.

J’avais peur pour les résidents, peur de n’arriver à résoudre tous les mystères de ce lieu à temps. J’étais seule face à trop d’adversité. Avoir vu les humains se faire emporter au bal m’avait également fait beaucoup de mal. Mon impuissance était réelle et je me demandais si Era pourrait m’aider de là où elle était.

Retenant un soupire, je me rendais vers ma chambre. Puis, mon regard s’arrêta en chemin sur la porte de la chambre de Killian. Cela faisait un bail que je ne l’avais vu. Depuis le soir du bal, en réalité.

Ce soir-là, il avait non seulement sauvé ma vie mais l’avait aussi raccompagnée à ma chambre. Je m’en souviens comme si c’était hier. Nous avions pris le temps de discuter dans les couloirs et je l’avais même invité à entrer boire un verre dans ma chambre. C’était la moindre des choses pour m’avoir sauvée. Je l’avais bien évidemment remercié mais également averti de bien garder cacher sur lui son arme sans quoi on risquait de la lui voler. J’avais aussi laissé sous-entendre que c’était également plus prudent étant donné les évènements étranges qui venaient de se produire.

Après des heures de discussion, j’avais appris à me lier un peu à lui. Dans mon fort intérieur, je savais qu’il était un humain digne de confiance qui ne méritait pas le sort qui l’attendait. J’aurais aimé l’aider, comme tant d’autres mais je n’avais pu me résoudre à lui déballer la réalité, ma réalité. Puis, j’avais finalement proposé de le ramener à sa chambre et j’avais même insisté pour rester auprès de lui, par précaution. Nous avions donc passé la nuit ensemble mais pas dans le même lit, je vous vois venir bande de coquins ! Le Lord avait la générosité de fournir plusieurs lits par chambres : j’en avais profité. A vrai dire, je n’avais pas dormi cette nuit-là, de peur qu’on vienne le tuer. Le Lord avait dû être tellement furieux qu’un humain fasse fuir ses créatures… Fort heureusement, rien ne se produisit et je pus l’abandonner à contre coeur le lendemain, si on peut estimer qu’il y ait des lendemains ici. Puis j’avais repris mon rythme habituel.

Retour à ce jour. Je m’étais arrêtée finalement devant sa porte. Mes pensées étant plutôt sombres, j’avais besoin de m’assurer qu’il allait bien. Je toquais donc et m’exprimais afin de lui signaler que c’était moi et non un autre serviteur du Lord :

“ Killian ? Tu es là ? ”

Qu’allais-je lui dire ? Je n’en avais aucune idée. Au fond, j’avais juste envie de voir un visage rassurant : celui de l’homme qui m’avait sauvé. Avec lui, je me sentais bien et j’avais vraiment besoin d’un peu de lumière dans tout ce chaos. Qui sait si demain n’était pas le dernier jour de chacun d’entre nous… J’aurai adoré le prendre dans mes bras mais ça n’aurait pas été adéquat vu mon statut. Etaler ses émotions n’était de toute manière pas conseillé pour survivre ici.

Si j'étais à fleur de peau, j'ignorais que ce jour changerait tout entre lui et moi. Le miroir n'avait d'ailleurs pas encore fait son apparition. Pour le meilleur ou pour le pire, c'est moi qui le verrait en premier.

Killian Ronan

Il m’ouvrit et l’image que j’avais de lui fut bien différente de celui que je pus apercevoir. Le pauvre avait vraisemblablement pris un sacré coup sur le moral. Il était mal apprêté, ce qui n’était pas son genre, il semblait ne pas dormir vu la hauteur de ses cernes et il semblait tendu. L’ambiance de l’hôtel commençait à l’absorber, lui aussi. J’allais essayer de l’apaiser par mon odeur mais il me coupa l’herbe sous le pied en me demandant de but en blanc quel âge j’avais. Je fronçais les sourcils, me demandant pourquoi il me posait soudainement cette question. Puis, pour essayer de détendre l’atmosphère je lui répondis :

“ Cent ans, ça se voit non ? ”

Je ris légèrement pour marquer le fait que c’était une blague, bien que je n’avais pas du tout le coeur à ça. Mon rire ne dura pas, j’essayais néanmoins de me montrer douce à son égard. Le voir dans un tel état me fendait le coeur.

“ Trente ans, si tu veux tout savoir. Pourquoi ? Quelque chose te tracasse ? ”

Je repensais à nos anciennes discussions et eut soudainement une révélation. S’agissait-il de notre toute première discussion concernant les vingt années passées ici ? Si c’était cela, je devrais me justifier en disant avoir grandi ici. J’avais horreur de mentir mais je n’avais pas le choix. Je mettais trop en danger ceux qui m’entouraient. Plus j’étais franche, plus leurs chances de survie s’amenuisaient. Parfois, j’avais envie de m’écrouler sous toute cette tension mais je ne le pouvais pas. Il fallait tenir coûte que coûte d’autant plus quand je voyais les autres sombrer. Je devais les aider. C’est pourquoi je dis avec douceur et sincérité :

“ Si je peux t’aider, je le ferai. Tu m’as l’air très soucieux. Je ne sais pas ce qu’il se passe, mais ça va aller, tu n’es pas seul, d’accord ? ”

Je posais ma main sur la sienne tandis que je sentis que quelque d’autre clochait. Bien qu’un terrible frisson me parcourut l’échine, je tournais le regard vers un miroir que je reconnus aussitôt. La peur dut se lire sur mon visage et je ne pus que murmurer à Killian :

“ Fuis. ”

J’avais peur que ce miroir de malheur lui fasse du mal. J’ignorais comment il fonctionnait : je ne l’avais pas revu depuis la dernière fois et je pensais en être définitivement débarrassée. Je m’étais lourdement trompée. Ce dernier me contrôlait, m’empêchant de fuir. Je sentais mon coeur s’emballer tandis que j’arrivais à la hauteur du miroir. J’étais bien plus consciente que la dernière fois, je me défendais mentalement comme une tigresse. C’est pourquoi je réussis à articuler : “ Non. ” Tandis ma main se dressait péniblement vers le miroir. J’essayais de la retenir, cela devait se sentir car je tremblais.

L’instant suivant, ma main toucha le miroir et je le traversais comme s’il s’agissait d’un fluide, un passage secret. Je savais ce qui m’attendait. Katherine m’avait sauvée une fois et j’en gardais des cauchemars. Cette fois serait différente. Si Killian était assez résonné, il fuirait et c’était ce qu’il y avait de mieux à faire. Quand bien même ce dernier aurait essayé de briser le miroir avant que je le touche, il n'aurait pas réussi, même en tirant dessus. Il était également impossible à déplacer.

Des larmes coulaient sur mes joues, mes dents étaient serrées. Je savais que ce n’était pas un rêve malgré cette sensation que j’avais. J’avais connu cela et je savais que je risquais de mourir ici. Mourir, en voyant ces images de mon passé.

Si Killian entrait, il pourrait me trouver immobile au milieu de ce qui semblait être une pièce noire projetant des images de films. Sauf que ce film était fait de mes souvenirs. Je ne sais pourquoi, mais cela commença par ces souvenirs :

Il s’agissait de moi, petite, sous forme humaine. Je devais avoir pris l’apparence d’une enfant de dix ans et je jouais avec des humains. A priori il n’y avait rien d’anormal… Jusqu’à ce qu’ils s’en aillent. Alors, mes parents apparurent sous leur forme d’êtres de lumière.

- Lasdael ! Tu ne peux pas jouer avec les humains ! Era sera fâchée contre toi et tu ne veux pas la décevoir. Nous devons veiller sur eux pas les côtoyer. Tu comprends ? Tu ne peux pas avoir leur vie Lasdael. Tu es née pour une raison, ici n’est pas ta place. De toute façon, leur vie est bien trop courte. Allez, reprends ton apparence, tu n’as pas à leur ressembler... Mais tu peux veiller sur eux.

La petite fille que j’étais repris sa forme d’être de lumière aux ailes d’ange. Mes parents me sourièrent et m’embrassèrent le front puis nous repartions nous cacher de la vision des hommes, en hauteur. Ils me murmurèrent qu’ils étaient fiers de moi, que je ferai un jour de grandes choses. Le souvenir s’arrêta, me laissant quelques secondes de répit.

Mes parents me manquaient, c’était sans doute pour cela que j’avais eu ce souvenir. Les reverrais-je seulement un jour ? Sortirais-je un jour de cet enfer ?

HRP (sujet abandonné, on considère que Killian a sauvé Lasdael à ce moment-là du miroir et qu'ils ont établi un lien fort).